Journal n°96

L’eau et le Soleil, la recette gagnante de l’énergie du futur

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Le 16e Colloque Wright pour la science se tient du 10 au 14 novembre. Parmi les invités, le chimiste américain Daniel Nocera parlera de la manière d’utiliser et de stocker l’énergie solaire

La solution au problème mondial de l’énergie est à chercher davantage dans une piscine olympique que dans la construction de nouvelles centrales nucléaires: si l’on pouvait, à l’échelle de la planète, transformer par seconde l’équivalent de toute l’eau (H2O) contenue dans un tel bassin en molécules séparées d’hydrogène (H2) et d’oxygène (O2), on pourrait produire assez de combustible sous forme d’hydrogène pour couvrir trois fois les besoins en énergie de la population mondiale prévus pour 2050.

Comme les végétaux

Utopie? Ce n’est pas l’avis de Daniel Nocera, professeur au Département de chimie et de biologie chimique à l’Université de Harvard aux Etats-Unis, qui viendra présenter sa vision de l’énergie solaire vendredi 14 novembre à Uni Dufour à l’occasion du 16e Colloque Wright pour la science consacré aux «Secrets du Soleil» (lire ci-dessous). Lui et son groupe travaillent en effet depuis plusieurs années sur le concept de «feuille artificielle».

Basées sur des cellules en silicium couplées à des catalyseurs spéciaux développés (et dont la recette exacte est jalousement gardée secrète) par les chercheurs, celles-ci tentent de mimer le processus de photosynthèse des végétaux. A l’image de ce dont sont capables les plantes, le dispositif, partiellement ou totalement plongé dans de l’eau, absorbe la lumière et la transforme en électricité. Ce courant alimente alors un système d’électrolyse de l’eau qui permet de produire de l’hydrogène, un combustible facile à stocker. Ce dernier peut alors être consommé à la demande dans une pile à combustible et produire à nouveau de l’énergie tout en dégageant, comme déchet, de l’eau pure.

Autonomie de production

L’avantage du système proposé par Daniel Nocera réside dans le fait qu’il est conçu à partir de matériaux bon marché (à l’achat et à l’entretien) et faciles à utiliser. Il permet de fabriquer de petites unités autonomes de production d’hydrogène.

«Cette solution rend possible, pour des milliards de personnes démunies, l’accès à l’énergie solaire», estime Daniel Nocera. Cela permet aussi d’imaginer la mise en place à large échelle d’un système de production d’électricité et de combustible propre totalement décentralisé, évitant ainsi le gaspillage et la pollution engendrée par les gigantesques réseaux actuels de transport d’énergie. Chaque bâtiment pourrait avoir un système d’électrolyse individuel couvrant ses besoins propres en électricité ainsi que ceux des véhicules électriques des habitants.

Dans un article paru dans les Proceedings of the National Academy of Sciences du 30 septembre, le chercheur américain présente même une variante de son dispositif dont le rendement de conversion de l’énergie solaire en hydrogène est de l’ordre de 10%, ce qui est considéré comme un seuil au-dessus duquel l’électrolyse de l’eau par l’énergie solaire deviendrait économiquement viable.

L’hydrolyse comme solution

Dans une optique de sortie de la dépendance aux énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel), le chercheur américain estime que sa solution s’impose si l’on veut offrir, d’ici à 2050, de meilleures conditions de vie aux 9,3 milliards d’êtres humains que comptera la population mondiale à cette date. La société mondiale consomme actuellement plus de 12 térawatts (12 000 milliards de joules par seconde) et cette demande pourrait bien dépasser les 16 TW dans trente-cinq ans.

Alternative viable

Le nucléaire, l’hydroélectrique, l’éolien, la biomasse, la géothermie ou encore les marées ne pourront assouvir cette boulimie qu’en poussant au maximum ces ressources tout en prenant des risques jugés par beaucoup comme inacceptables, notamment en ce qui concerne l’énergie atomique. Seule l’énergie solaire, très abondante, peut offrir une alternative viable. Mais elle n’est pas accessible partout ni tout le temps.

«On ne peut pas faire fonctionner une société seulement quand et là où le Soleil brille», note Daniel Nocera. Il faut donc stocker cette énergie le jour pour pouvoir l’utiliser la nuit ou par temps couvert. Les batteries ne feront jamais l’affaire, estime le chimiste, limitées qu’elles sont par les lois de la physique. L’électrolyse, en revanche, permet d’atteindre l’objectif.


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