Colloques

Soigner le milieu
Actualité et fécondité de la pédagogie institutionnelle

Les Rencontres de LIFE, organisées en collaboration avec l’École de la Neuville, les Archives Institut Jean-Jacques Rousseau (AIJJR), Héloïse-Itinéraire des pédagogues européen-nes et les équipes AFORDENS et ERHISE de la Section des sciences de l’éducation, Pédagogie spécialisée (HEP Vaud) et EMA (Université de Cergy-Pontoise)

Avec le soutien de l’Institut universitaire de formation des enseignant-es (IUFE)

Samedi 3 décembre 2022, 08h30-17h0

Université de Genève, bâtiment d’Uni Mail, 40 Bd du Pont-d’Arve, CH-1205 Genève
Salle S160 (en bas à gauche depuis l'entrée bd du Pont-d'Arve)

Dans l'Educateur : Soignons le milieu ! (2020) | Les pédagogies actives dans l'air du temps (2023)
Comptes rendus de la journée : par Marguerite Bialas ; par Andreea Capitanescu Benetti & Cynthia D'Addona

Entrée libre | Inscription en ligne | Plan d’accès | Contact : life(at)unige.ch
Liens utiles | Programme à télécharger | Support - ppt | Questions en plénière | (Pré)Inscriptions aux ateliers
Liens externes | Ecole de La Neuville - En images | Réseau Pédagogie Institutionnelle International
Wikipages de Célestin Freinet | Fernand Oury | Françoise Dolto | Michel Lobrot
Sites de Mireille CifaliDaniel Hameline | Jacques Pain | Bruno Robbes
Film de Philippe Meirieu : Fernand Oury - Y a-t-il une autre loi possible dans la classe ?
Film documentaire Les Semailles, la Pédagogie institutionnelle à l'école de Javrezac


rencontre-life-SOIGNER-LE-MILIEU.png

L’école n’est pas juste un lieu pour apprendre : c’est un lieu pensé et organisé pour apprendre ensemble, en groupe, dans un collectif qui peut parfois soutenir, parfois compliquer voire empêcher les apprentissages. Les établissements scolaires et leurs classes forment autant de mini-sociétés, où tous les phénomènes humains peuvent cohabiter : protection et violence ; égoïsme et solidarité ; coopération et rivalité ; haine et amour ; confiance et soupçon ; peur et joie ; fierté et humiliation ; désir de grandir ou crainte de régresser… Croire que les savoirs et les livres suffiront à rendre chaque enseignant-e et chaque élève raisonnable, sage et policé dans ses comportements, c’est faire l’impasse sur la part inconsciente et pas toujours rationnelle de nos existences. Comment une communauté – a fortiori chargée d’éduquer – peut-elle évoluer en bonne entente si rien ne vient d’emblée la structurer, l’organiser, subordonner les rapports de force et de séduction à des lois, des règles, des rituels capables de prévenir les risques de fusion et d’abus de pouvoir ?

Nos pulsions d’emprise, d’agression ou de manipulation peuvent nous effrayer, mais refuser de les voir est le plus sûr moyen de les laisser prospérer. Ce qui vaut hors de l’école vaut dans ses murs de la même façon : la culture et les institutions servent de tiers médian – symbolique et parfois matériel – entre des personnes et des groupes interagissant ainsi sur un arrière-fond de repères explicités. La pédagogie institutionnelle est née de cette analogie : si la vie démocratique a besoin de règles, de lois, de sanctions et de lieux pour délibérer à leur propos, pourquoi ne pas transposer ce principe à la vie scolaire, aux premiers stades de la socialisation ? Les quoi-de-neuf, conseils de classe, règlements, métiers et monnaie intérieure, brevets de compétence et ceintures de comportement issus de ce mouvement instaurent un ordre qui n’est ni magique, ni parachuté, mais auquel chacun-e peut et doit participer. Aujourd’hui que les programmes et les plans d’études enjoignent de former les élèves à « participer à la construction de règles facilitant la vie et l’intégration à l'école », en quoi ces outils sont-ils plus que jamais d’actualité, et comment faut-il les penser et les utiliser pour maintenir voire accroître leur fécondité ?

Instituer un cadre n’est pas le contraire mais la première condition de la civilité. Les droits et les devoirs de la citoyenneté peuvent paraître complexes et procéduriers, mais leurs vertus émergent dès lors qu’un centralisme ou un libéralisme autoritaire, sûr de son fait et refusant d’en discuter, vient à les supplanter. La recherche et l’expérience du corps enseignant témoignent du fait que plus une société devient brutale, inégale, stressée, angoissée, fragmentée, plus la lutte de tou-tes contre tou-tes a tendance à gagner ses écoles, ses préaux, jusqu’à l’intimité des classes et des leçons. Les réactions immédiates peuvent alors hésiter entre répression et compensation : retour à l’ordre par un surcroît de menaces et de punitions, et/ou atténuation du traumatisme par une éducation bienveillante et positive, accompagnant mais ratifiant paradoxalement le durcissement. Les débats sur la qualité des renforcements (« Faut-il valider les bonnes actions ou sanctionner les mauvaises ? Être avenant ou exigeant ? Faire asseoir ou bouger ? ») font comme si les adultes devaient tout décider, comme si les élèves n’avaient rien à dire ni à penser, comme si le but de leur éducation était de les rendre en somme reconnaissants plutôt qu’intelligents, en attente de consignes fiables plutôt que peu à peu capables de s’autogouverner. Le risque devient alors d’acheter à crédit la paix du moment, de former des exécutant-es dociles et conciliant-es, incapables plus tard du libre-arbitre, du sens critique et de l’autonomie dont les démocraties et les programmes scolaires font pourtant la promotion.

Entre l’école-caserne (ankylosante) et l’école-onguent (anesthésiante), la pédagogie a toujours cherché des voies plus créatives et émancipatrices, impliquant activement les élèves dans la construction du groupe nécessaire à leur éducation. Little Commonwealth (Angleterre), Kinderdörfer (Allemagne), colonies Gorki (Union Soviétique), écoles démocratiques (Etats-Unis) ou républiques d’enfants (France, Espagne, Pologne…) : les expériences de l’Éducation nouvelle ont presque partout prôné la démocratisation par la participation. Janusz Korczak a ainsi instauré « réunions débats » et « parlement des enfants ». Célestin Freinet en a déduit ses « réunions de coopérative », en référence aux apprentissages censés découler de projets rassembleurs, ancrés dans la vie des élèves. Après lui, les praticiens travaillant avec Fernand Oury ont institué le conseil, lieu de parole certes capable d’entendre des plaintes et d’arbitrer des conflits, mais aussi d’institutionnaliser le milieu et d’apprécier la manière dont chaque sujet grandit au sein du groupe. Dans une école intégratrice, le talent ou le mérite individuel n’ont de valeur que s’ils œuvrent au progrès de tous, sans isoler personne dans sa bulle de confort ou son complexe d’indignité. À quoi bon attiser la compétition scolaire pour ensuite prendre en charge un par un les élèves mal notés, déclassés, exclus ou « décrochés » ? Cette méthode s’épuise à guérir les effets des problèmes qu’elle génère. Elle entérine un « chacun pour soi » que le bon sens commanderait d’éviter en priorité. Dépister, diagnostiquer et étiqueter des cas singuliers renforce la logique des destins compartimentés, alors que c’est à cette logique qu’il faudrait aussi et peut-être d’abord s’attaquer. Entre les deux fantasmes d’ordre parfait qui peuvent toujours nous habiter – celui de l’unité et celui de l’unicité idéalisée – l’éducation démocratique ne consiste-t-elle pas à apprendre ensemble (et concrètement) comment combiner liberté et égalité, besoin d’intégration et d’intégrité ?

La pédagogie institutionnelle part précisément du principe que la santé d’un groupe vaut plus que la prévenance de son chef et que la somme de ses parties isolées : c’est ainsi qu’elle systématise le partage des responsabilités, ancre la vie scolaire dans le souci collectif d’apprendre d’autrui, concilie l’alliance et la confrontation sécurisée des expériences. Pour son fondateur Fernand Oury, c’est d’abord le milieu que les professionnel-les soignent : pas les troubles qu’il produit lorsqu’il est maltraité. « Soigner le milieu », c’est d’abord en faire la matrice de ce qui peut s’y développer ; c’est ensuite se demander quel climat de travail aide quelles relations à se nouer ; c’est enfin inclure les élèves dans le problème posé, sans quoi ils seront exclus des solutions à chercher. Autoriser l’expression de soi par l’apprentissage de l’écoute entre alter ego, justifier mutuellement les devoirs et les droits, rendre les implicites discutables, les sentiments entendables, les angoisses apprivoisables : seule une vraie parole amène les sujets ainsi engagés dans le dialogue à se reconnaître réciproquement dignes de respect. Il faut pour cela davantage que de la bonne volonté, que des messages positifs, que la douce doctrine d’une immédiate convivialité. Si la pédagogie a besoin d’institutions, c’est que la négativité se domestique mieux en étant saisie que refoulée, qu’il faut des limites pour installer des espaces d’expérience et de discussion, qu’un seul interdit libère davantage que des listes de permissions. En quoi les préoccupations d’aujourd’hui – de la « gestion de classe » au « management des établissements » – gagneraient-elles à puiser dans une tradition dont les pratiques ordinaires portent des traces plus ou moins fidèles, mais dont tant le métier d’élève que le métier d’enseignant-e sont loin d’avoir épuisé le potentiel d’émancipation ?

Pour tisser des liens entre la recherche, les pratiques et le débat public à propos de l’école, le Laboratoire Innovation Formation Education (LIFE) a l’habitude d’organiser des conférences-débats en soirée : les Entrevues de LIFE. Il inaugure cette fois les Rencontres de LIFE : une journée entière d’échanges d’expériences et d’idées, réunissant les acteurs et actrices intéressés autour d’une question d’actualité. Cette première édition sera consacrée à ce que la pédagogie institutionnelle apporte et peut apporter à la structuration des relations et des apprentissages scolaires, soit dans des écoles ou des classes qui ont fait le choix de s’en réclamer, soit dans celles qui font un usage partiel et éventuellement rebaptisé de certains de ses outils. La manifestation est organisée en collaboration avec l’École de la Neuville, fondée en 1973 par Michel Amram, Fabienne d’Ortoli et Pascal Lemaître avec la collaboration de Fernand Oury et Françoise Dolto. Elle associe les équipes AFORDENS (Apprentissage, formation et développement professionnels dans l’enseignement) et ERHISE (Histoire sociale de l’éducation) de l’Université de Genève, ainsi que des membres de la Haute école pédagogique du canton de Vaud et du Laboratoire École, Mutations, Apprentissages (EMA) de l’Université de Cergy-Pontoise. Elle propose un programme de débats, films documentaires, ateliers pratiques et boutiques d’information, impliquant d’une part des équipes de pédagogie institutionnelle de France, de Belgique et de Suisse, d’autre part certains des chercheurs et chercheuses (Mireille Cifali, Daniel Hameline, Bruno Robbes) ayant accompagné leur route au fil des ans. L’entrée est libre, mais – institutionnalisation oblige… – une inscription en ligne est demandée.

Programme :

Dès 08h00 : accueil, boutiques, films en boucle, échanges, buvette (espace ouvert toute la journée).

Matin - La pédagogie structurée par les institutions : regards sur trois classes coopératives

08h30 : Accueil et introduction de la journée : Olivier Maulini et Daniel Hameline (Université de Genève).

09h00 : Projection du film « La classe coopérative. Repenser l’école ». Puis dialogue avec Michel Amram et Fabienne d'Ortoli (Ecole de la Neuville, France), auteur-es du film, animé par Bruno Robbes (Cergy Paris Université).

11h00 : Soigner le milieu aujourd’hui ? Débat avec Françoise Budo (Haute école libre Mosane-Belgique (HELMo) et « Tenter plus », Belgique), Mireille Cifali (Université de Genève, Suisse) et Anouk Ribas (Cergy Paris Université & INSPÉ de Versailles, France). Animation : Bruno Robbes.

12h30-14h00 : Pause repas.

Après-midi - Pratiques, outils, questions : forum des écoles de France, Belgique, Suisse

14h00 : Ateliers d’échange de pratiques et d’expériences

(Pré)Inscriptions aux ateliers

Atelier 1 - La pédagogie institutionnelle à l'Université (salle 2020, animation : Rita Hofstetter)

1.1. Conseil de régulation et journal des apprentissages en licence de sciences de l’éducation, par Cécile Bertrand et Anouk Ribas formatrices à l’INSPE d’Antony et de Cergy. Grâce à la PI nous souhaitons permettre aux étudiants de s’inscrire au sein de leur formation, d’en devenir les acteurs afin de les aider à construire un parcours qui sera singulier. Dans le cadre de nos pratiques, nous mettons en place trois institutions communes que nous vous proposons d’explorer avec nous : le conseil, les journaux d’apprentissage, les pratiques d’aide et d’entraide dans des temps dédiés.

1.2. [Par visioconférence] Pouvoir créer des commissions. Comment tenir compte des désirs des étudiants ? par Michel Thiry, Maitre-Assistant en Histoire (HELMo-Pédagogique). Les Commissions créées au Conseil de Tous rassemblent des étudiants et généralement un professeur pour se rendre responsables. De quoi ? De la bibliothèque, de la caisse commune mais aussi d’investir l’espace vert à côté du local, de fournir du café à tous le matin, ou de publier des news sur la page Facebook… Le système de formation a repris sa pleine activité depuis le confinement mais ce n’est pas toujours simple de relancer la machine à désirs et à responsabilités. Nos difficultés marquent bien ce qui laisse à désirer.

1.3. APRENE : une formation à et par la PI pour les régents de Calandreta, par Richard Lopez, professeur des écoles & doctorant Université Paul Valéry Montpellier 3. Les Calandretas sont des écoles bilingues immersives occitanes dotées d’un établissement d’enseignement supérieur, APRENE. Sous l’impulsion notamment de René Laffitte, praticien, formateur et auteur d’ouvrages de PI, APRENE a fait le choix de former ses régents à et par cette pédagogie. Nous proposons de présenter dans cette communication comment se déroule cette formation et quels sont les effets que nous avons pu relever au cours de notre recherche.

Atelier 2a  - La pédagogie institutionnelle au primaire (salle 3393, animation : Vanessa Joinel-Alvarez)

2a.1. Découvrir la monographie d’écolier, par Marguerite Bialas, professeur des écoles à la retraite, membre honoraire du groupe AVPI-Fernand Oury (Association Vers la Pédagogie Institutionnelle) et de l’ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne). Régulièrement, les praticiens des classes coopératives constatent, avec les progrès scolaires, du « grandissement » : tel enfant-bolide se sépare de sa carapace, telle autre, inhibée, se met en mouvement. Nous-mêmes, enseignants, il nous arrive de sortir de notre engourdissement…

2a.2. Les monographies, histoires de ces évolutions, nous ont aidés à apprendre notre métier : une transmission-formation toujours d’actualité…, par Michel Amram et Amélie Gobert. Les outils institutionnels à La Neuville,  d’autres possibles. Description des outils institutionnels utilisés spécifiquement à l’École de La Neuville.

2a.3. [Par visioconférence] Un outil de progression par ceintures, par Pierre Cieutat, enseignant et formateur. Cet atelier présentera les outils édités par l’association d’enseignants français PIDAPI (Parcours individualisé en Pédagogie Institutionnelle). Ces outils ont pour point commun d’être basés sur des « ceintures ».

Atelier 2b  - La pédagogie institutionnelle au primaire (salle 4020, animation : Valérie Lussi-Borer)

2b.1. L’institutionnalisation d’un collectif d’enseignants PI, le Collectif Isérois (France), par Florence Joubert, institutrice en retraite, Collectif Isérois d’équipes de Pédagogie Institutionnelle. Présentation, récit de l’histoire de notre collectif. Comment les institutions se sont mises en place au fil des ans, questions qui se posent. Échanges autour des questions-réflexions des participants à l’atelier.

2b.2. Les monographies, histoires de ces évolutions, nous ont aidés à apprendre notre métier : une transmission-formation toujours d’actualité…, par Fabienne d'OrtoliLes outils institutionnels à La Neuville,  d’autres possibles. Description des outils institutionnels utilisés spécifiquement à l’École de La Neuville.

2b.3. Présentation de l’école publique de Javrezac, film Les Semailles, par Charlotte Areistide, co-réalisatrice du film avec Anouk Ribas. Ce film a été réalisé au moment de la fermeture de l’école : il témoigne de ce qui existait dans cette école. Il a aussi une visée pédagogique : expliciter des institutions et des pratiques de PI, donner à voir des ambiances de classes ; montrer que la PI, c’est possible, c’est même souhaitable ! C’est pourquoi il est d’actualité.

Atelier 3 - La pédagogie au secondaire/spécialisé (salle 4220, animation : Jean-Marie Cassagne)

3.1. Le conseil de classe en institution ou classe spécialisée, par Sandrine Darbellay, enseignante spécialisée au CO de Fully Saxon, Josiane Lamponi, enseignante à l’EPS de Bex, Mélanie Söderström, enseignante spécialisée en COES à Morges, et Nadine Giauque professeure associée à la HEP Vaud. Retour de trois expériences vécues sur la mise en place et la gestion d’un conseil de classe avec des élèves de l’enseignement spécialisé. Ces trois récits mettront en évidence les avantages et les difficultés rencontrées dans cette pratique.

3.2. Les ceintures, un processus pour grandir en sécurité, par Sylvie Bonneau, enseignante spécialisée dans l’équipe mobile DiNo, STSA, CHUV, Giovanna Laudato, enseignante spécialisée à l’EPS Edmond-Gilliard à Yverdon, et Nadine Giauque professeure associée à la HEP Vaud. Deux enseignantes partagent leurs expériences sur le dispositif des ceintures, outil de la PI, qui permet à l’élève de s’auto-évaluer en parallèle de l’évaluation formelle de ses apprentissages et de ces comportements. Ce dispositif permet également de gérer l’hétérogénéité des élèves dans la classe.

16h00 : Point de suspension : « Demain la pédagogie… », par Olivier Maulini et Valérie Lussi Borer (Université de Genève).

16h30 : Verrée de clôture, salutations et envol.

__________

Présentation et programme à télécharger | pdf

Ecole de La Neuville | Réseau Pédagogie Institutionnelle International

Sites de Mireille CifaliDaniel Hameline | Jacques Pain | Bruno Robbes