31 mars 2022 - Alexandra Charvet

 

Événements

Les microplastiques, cette invisible pollution

Une table ronde fait le point sur les connaissances scientifiques en matière de pollution des océans par les microplastiques. L’événement sera l’occasion de discuter des moyens d’atteindre les objectifs de développement durable fixés dans le domaine de la vie aquatique.

 

AdobeStock_262242014_J.jpg

Plastiques et microplastiques dérivant dans la mer. Image: Shota

 

La lutte contre la pollution au plastique nécessite des actions concertées au niveau mondial. Afin de faire le point sur les dernières avancées scientifiques concernant l’impact des microplastiques sur la vie aquatique et la biodiversité, l’UNIGE, en partenariat avec le Geneva Environment Network, organise une table ronde le 6 avril prochain. La manière dont les connaissances scientifiques peuvent soutenir la politique et la gouvernance mondiales sera discutée. Spécialiste en biogéochimie environnementale et en écotoxicologie, la professeure Vera Slaveykova (Faculté des sciences et Institut des sciences de l’environnement) interviendra pour présenter les défis actuels en la matière. Entretien.


LeJournal: Quelle est la situation aujourd’hui en termes de microplastiques dans les océans?
Vera Slaveykova
: Nous vivons à l’âge du plastique. Depuis l’invention du premier matériel synthétique en 1911, la bakélite, d’autres types de matériaux ont été graduellement développés, à tel point que, dès les années 1960, on ne pouvait plus imaginer notre vie sans plastique. La production a augmenté exponentiellement, passant de 15 millions de tonnes par an en 1964 à 400 millions de tonnes actuellement, une quantité qui va probablement doubler d’ici à 2050. Cette hausse va de pair avec une augmentation des déchets, tant au niveau macroscopique que de leurs produits de dégradation (micro- et nanoplastiques). On estime que 14 millions de tonnes de plastiques finissent chaque année dans les océans. La quantité accumulée dépassera 250 millions de tonnes en 2022. Quant aux microplastiques, de minuscules particules formées suite à l’altération de débris de plastique, leur nombre dans les couches supérieures des océans est estimé à 51 trillions (milliards de milliards).

 

Quelles sont les conséquences de cette pollution pour les environnements marins et la vie sous-marine?
Seule la pollution macroscopique est visible – les photos montrant le contenu des estomacs d’oiseaux sont par exemple très impressionnantes – mais il faut savoir qu’une fois dans l’eau, sous l’effet de processus chimiques, physiques et biologiques, les débris plastiques vont se fragmenter en objets plus petits, les microplastiques (< 5 mm), qui eux-mêmes peuvent se fragmenter en nanoplastiques (entre 1 nm et 1 mm). Ces fragments présentent une grande diversité en termes de composition, de taille et de forme et leur nombre dans les océans dépasse de loin celui des macrodéchets. Les microplastiques ont ceci de spécifique que leur surface est très importante par rapport à leur volume, d’où des particules beaucoup plus réactives. Leur surface va par exemple absorber les polluants déjà présents dans l’environnement: métaux lourds, polluants organiques, pathogènes… Les organismes vivants vont ainsi être en contact avec des composés très complexes. La majorité de nos connaissances résulte d’expériences menées en laboratoire. Les scientifiques ont pu montrer que les microplastiques s’accumulent dans les organismes aquatiques et peuvent alors être ingérés via la chaîne trophique. Deux types d’impacts ont été observés: un effet direct, comme la diminution de l’efficacité de l’assimilation de la nourriture par le zooplancton (qui va ingérer des microplastiques à la place d’algues), rendant sa valeur nutritionnelle moindre. Le second effet est lié au cocktail chimique présent à la surface du microplastique qui, relâché en grande quantité par les particules bioaccumulées, va impacter les organismes vivants.

 

Quelles sont les dernières avancées scientifiques marquantes dans le domaine?
Le défi actuel est d’obtenir des données plus pertinentes que celles mesurées en laboratoire, en menant des tests directement dans l’environnement. En 2021, une équipe de l’Université de Washington a pu, pour la première fois, montrer un lien clair entre la mort de saumons dans les rivières et la présence d’une molécule utilisée comme conservateur pour les pneus de voitures. En réagissant avec l’ozone, cette dernière se transforme en effet en produit chimique toxique pour le saumon. C’est l’une des rares études menées en milieu naturel. Une autre recherche menée aux Pays-Bas, et dont les résultats ont été rendus publics il y a quelques semaines seulement, a montré pour la première fois la présence de microplastiques dans le sang humain. Toutefois, la science manque encore d’outils suffisamment sensibles pour détecter et mesurer les concentrations de micro- et nanoparticules dans notre environnement. C’est un sujet de recherche et de développement.

 

Qu’est-ce que chacun-e peut entreprendre à son échelle pour réduire les impacts de la pollution plastique?
La seule possibilité est d’agir à la source en réduisant l’apport de plastique dans notre environnement. Il n’est pas réaliste de penser que nous serons un jour capables de nettoyer tout ce que nous avons contaminé. Chacun-e peut apporter sa contribution mais des actions globales doivent être entreprises. Lors de la dernière Assemblée des Nations unies pour l'environnement début mars, une résolution a été adoptée afin d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique.

LIFE BELOW WATER AND MICROPLASTIC POLLUTION: FROM SCIENCE TO POLICY

Moderated panel discussion

Wednesday 6 April | 1:15 pm | virtual


Événements