«Au cours d’un déménagement au Département des sciences de la Terre, d’anciens documents ont refait surface à la bibliothèque, raconte le professeur Joël Ruch, commissaire de l’exposition. En regardant ce qu’ils contenaient, j’ai découvert des dessins de très grande qualité et nombre de vieilles cartes géologiques. L’idée a alors germé de les valoriser à travers une exposition.» Celle-ci se présente comme un parcours au travers du temps. Les plis des roches, comme éléments d’études et de questionnements profonds sur leurs origines, y servent de fil conducteur. Trois périodes clés sont présentées.

La première retrace les prémices de la géologie en tant que science naturelle malgré l’influence encore très prégnante des mythes alpins et de la religion (fin du XVII^e siècle à fin XVIII^e). «Jusqu’au début du XIX^e siècle, les populations locales étaient fortement imprégnées de mythologie alpine, précise Joël Ruch. Les représentations des Alpes sont alors souvent remplies de créatures monstrueuses. Et les naturalistes de l’époque sont souvent convaincus que les fossiles retrouvés au sommet des montagnes constituent une preuve indiscutable du Déluge.»

La seconde période mise en avant au fil du parcours est celle des observations systématiques (fin XVIII^e siècle à fin XIX^e). Les Alpes deviennent alors le nouveau terrain de jeu des géologues, qui explorent et observent en détail les différentes roches et fossiles alpins. Ce moment est marqué par les travaux de nombreux pionniers qui arpentent plusieurs mois par an vallées et sommets à la recherche d’indices géologiques leur permettant de comprendre l’origine de la formation des Alpes. Pour cela, ils reportent leurs observations dans des carnets de terrain, dessinant aussi de grandes coupes géologiques et des panoramas colorés au travers des massifs alpins.«Le dessin et l’observation de terrain occupent une place centrale en géologie, précise Joël Ruch. L’exposition, qui retrace 200 à 300 ans d’observations, donne à voir ces documents à la fois très précieux et très détaillés.» Une place est également accordée à une série de modèles en argile, des moulages qui ont permis de mieux comprendre les mécanismes de compression et de se faire une idée plus précise de la façon dont ces grands plis ont pu se former dans l’espace et dans le temps.

L’aube du XX^e siècle constitue la dernière étape de la visite. Les différentes études locales sont alors assemblées à la manière d’un grand puzzle pour déboucher sur une vision révolutionnaire des structures et des mécanismes de formation des Alpes. Émile Argand est le premier à adhérer à la théorie de la dérive des continents d’Alfred Wegener, publiée en 1912 et rejetée massivement par la communauté scientifique. Cette vision «mobiliste» marque le début de la tectonique des plaques. «Véritable âge d’or de la géologie alpine, la période explorée par l’exposition a vu défiler, se confronter mais aussi s’effondrer bon nombre d’idées scientifiques, commente Joël Ruch. Cela montre à quel point les idées nouvelles et les concepts novateurs ont parfois besoin de temps pour être acceptés.»