Journal n°112

L’hydre est capable de modifier son programme génétique

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Même totalement dépourvue de système nerveux, l’hydre d’eau douce parvient encore à survivre. Une étude montre que ce sont les cellules épithéliales qui palient l’absence des neurones

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hampionne de la régénération, l’hydre d’eau douce possède la capacité de reconstituer un individu complet à partir de n’importe quel fragment de son corps. Elle parvient également à se maintenir en vie même en cas de disparition complète de ses neurones. Selon une étude du 23 novembre dans Philosophical Transactions, la revue de la Royal Society, ces facultés seraient dues aux cellules épithéliales de l’animal qui ont la particularité de pouvoir modifier leur programme génétique en surexprimant toute une série de gènes dont certains sont impliqués dans diverses fonctions nerveuses. Ce travail, réalisé par l’équipe de Brigitte Galliot, professeure au Département de génétique et évolution (Faculté des sciences), pourrait influencer la recherche dans le domaine des maladies neurodégénératives.

Le pouvoir de régénération hors du commun de l’hydre d’eau douce a été découvert par le naturaliste genevois Abraham Trembley il y a plus de 250 ans. Poursuivant l’œuvre de son illustre prédécesseur, Brigitte Galliot étudie aujourd’hui le phénomène sous l’angle du fonctionnement des cellules souches et de la plasticité cellulaire du polype.

Sans neurones

«Le système nerveux de l’hydre lui sert notamment à se contracter, se nourrir, se déplacer ou nager, explique la biologiste. Si les cellules souches chargées de le renouveler viennent à manquer, l’animal continue à se développer malgré tout et ce, même lorsque tous ses neurones ont disparu.»

En comparant l’expression des gènes chez des hydres normales avec celle d’individus dépourvus de leurs cellules souches nerveuses, les chercheurs ont constaté une modification du programme génétique chez les seconds. Ils ont ainsi identifié dans les cellules épithéliales, c’est-à-dire les cellules constituant les tissus de revêtement de l’animal, 25 gènes surexprimés. Certains d’entre eux sont impliqués dans des fonctions telles que la neurogenèse ou la neurotransmission.

Cela signifie que les cellules épithéliales de l’hydre, qui n’ont en temps normal pas de fonctions neuronales assument certaines des missions du système nerveux lorsque celui-ci est absent.

Reprogrammation

L’étude de la plasticité cellulaire de l’hydre pourrait susciter l’intérêt des chercheurs dans le domaine des maladies neurodégénératives. En effet, certains des gènes identifiés chez cet animal jouent un rôle important dans la reprogrammation cellulaire ou dans la neurogenèse chez les mammifères. Dès lors, les scientifiques se demandent s’il est possible de confier des fonctions de perception ou de sécrétion à d’autres types cellulaires, lorsque certains neurones dégénèrent.

Cette étude permet aussi de remonter aux origines du système nerveux. Les cellules de type épithélial ont en effet vraisemblablement existé bien avant les cellules nerveuses, remplissant certaines de leurs fonctions mais de façon beaucoup plus lente.


 

Le microbiote a un impact sur l’obésité

Des chercheurs genevois ont réussi à démontrer que, chez les souris, l’absence de microbiote (qui désigne l’ensemble des micro-organismes, essentiellement des bactéries, vivant dans les intestins) a un effet inattendu contre l’obésité. Elle déclenche en effet un mécanisme métabolique au cours duquel le tissu adipeux blanc – qui, s’il est trop abondant, entraîne l’obésité et une résistance à l’insuline – est transformé en cellules semblables à du tissu adipeux brun, protégeant le corps contre le surpoids et ses conséquences néfastes. Ce résultat, paru le 17 novembre dans la revue Nature Medicine, a été obtenu par une équipe de chercheurs dirigés par Mirko Trajkovski, professeur au Département de physiologie cellulaire et métabolisme (Faculté de médecine).

Ce n’est que récemment que les scientifiques ont compris la relation entre la flore intestinale et son hôte humain. Nombre d’études soulignent désormais son impact sur la régulation de multiples voies métaboliques, reliant entre eux le tractus gastro-intestinal, la peau, le foie, le cerveau, etc.

Un microbiote d’obèse

On sait également que chez les personnes obèses, le microbiote possède une composition particulière, différente de celle des personnes ayant un poids normal.

Pour en savoir plus, les chercheurs genevois ont étudié des souris chez lesquelles la flore intestinale a été éliminée soit parce qu’elles ont été élevées dans un milieu stérile, dépourvu de germes, soit parce qu’on leur a administré des doses importantes d’antibiotiques.

Les scientifiques ont observé que l’appauvrissement du microbiote stimule le développement du tissu adipeux brun à l’intérieur du tissu adipeux blanc, de la même manière que l’exposition au froid ou l’exercice.

Les effets des antibiotiques perdurent plusieurs semaines. Les chercheurs estiment toutefois que le traitement de l’obésité par antibiotiques à fortes doses est irréaliste, principalement en raison du risque de résistance. Selon eux, il existe cependant des moyens alternatifs de suppression ou de modification du microbiote, notamment en agissant sur les gènes des bactéries elles-mêmes.