Vers une meilleure «santé planétaire»

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Directeur de l’Institut de santé globale (Faculté de médecine), le professeur Antoine Flahault coorganisait le 11 décembre dernier, en marge de la COP21, une conférence intitulée «Mieux vivre sur une planète en meilleure santé».

En quoi le changement climatique affecte-t-il la santé des populations?

Antoine Flahault: La majorité des effets, qu’ils soient directs ou indirects, sont encore à venir. Mais certains d’entre eux sont déjà observables, comme les canicules avec pour conséquence une surmortalité des segments les plus vulnérables de la population, les personnes âgées et les nourrissons. Par ailleurs, les aspects météorologiques et climatiques jouent un rôle important dans la pullulation des vecteurs responsables de certaines maladies transmissibles, notamment les moustiques comme c’est le cas dans l’épidémie du virus Zika qui sévit actuellement. L’augmentation du nombre d’événements climatiques extrêmes accroît aussi les risques pour la santé. Par exemple, des pluies diluviennes peuvent avoir pour conséquence des épidémies de choléra.

Selon l’OMS, le changement climatique représente la plus grande menace pour la santé dans le monde. Partagez-vous ce point de vue?

Le développement économique est le principal déterminant d’une bonne santé. C’est en effet le niveau de revenu qui conditionne l’alimentation, l’accès aux soins et l’éducation. De ce point de vue, si la croissance économique d’un pays est freinée, voire inversée, les dégâts sur la santé sont extrêmement rapides. Or, le dérèglement climatique est en train de modifier considérablement les capacités de production de la Terre, et les pays qui en souffrent le plus font partie des plus pauvres de la planète. Les prix grimpent et les famines surviennent. Il y a des zones entières de la planète où il devient de plus en plus difficile de survivre. Il faut donc s’attendre à des migrations massives qui concerneront près d’un milliard de personnes pour le siècle à venir, selon les experts réunis à Davos.

La lutte contre le réchauffement climatique aura donc un effet positif sur la santé des populations?

Oui, et pas seulement à cause du climat. Les gaz à effet de serre sont en effet chargés de particules fines, très nocives pour l’appareil respiratoire. L’OMS estime à 6 millions par an le nombre de victimes dues à la pollution de l’air, soit pratiquement autant que celles liées au tabac. La bataille climatique présente donc des bénéfices collatéraux pour la santé. Il en va également ainsi des nouvelles mobilités urbaines: elles visent d’abord à diminuer la pollution, mais elles permettent aussi davantage d’activités physiques.

Cet aspect a-t-il été pris en compte dans les négociations de la COP21?

Assez peu, mais la pollution atmosphérique urbaine a été un argument de nature à convaincre des pays comme l’Inde ou la Chine, peu sensibles à la disparition des ours polaires ou à l’élévation du niveau de la mer, de rejoindre la table des négociations. D’autres pays, très hostiles à un accord pour des raisons économiques mais avec une forte culture de santé publique, comme l’Australie ou le Canada, ont permis de contrebalancer les discours politiques de pays beaucoup moins enclins à s’engager dans la réduction des émissions.

Votre conférence visait à définir l’agenda post-COP21 pour le secteur de la santé publique. Que reste-il à faire?

Les impacts de la COP21 sont énormes. La santé s’est améliorée de façon continue depuis le début du XXe siècle et le réchauffement pourrait venir interrompre cette magnifique épopée. La prévention, rarement prise en compte dans les politiques mondiales, a cette fois mobilisé les plus hauts niveaux de l’échiquier politique. C’est un tournant majeur, mais plusieurs décennies de recherches scientifiques sont encore nécessaires pour comprendre l’ensemble des liens entre les changements climatiques, la démographie et la globalisation, que ce soit sur le plan des réserves en eau, de la déforestation, de l’agriculture, des migrations, etc. Ces déterminants majeurs pour la «santé planétaire» nécessitent une vision globale afin que les interventions ne restent pas monosectorielles, mais le plus possible transdisciplinaires. A titre d’exemple, de récentes études ont montré qu’une diminution de 30% de la consommation de viande en Angleterre permettrait de réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre.

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