L’injustice sociale: cause de violence des jeunes hommes
L’essayiste et romancière Nancy Huston ouvre le semestre de printemps avec une conférence sur les racines de la violence chez les jeunes hommes. Elle est invitée à l’occasion des 125 ans de l’enseignement du français langue étrangère
Que signifie «être un homme» aujourd’hui? C’est la question à laquelle la romancière Nancy Huston tentera d’apporter une réponse, en mettant en évidence le paradoxe dans lequel sont plongés les jeunes hommes aujourd’hui.
Les mâles de l’espèce humaine auraient, selon l’auteure, un penchant naturel à la violence, résultat de la sélection sexuelle: tout au long de l’histoire de l’humanité, les femmes ont choisi des partenaires à même de les défendre. Mais cette réalité n’est plus vraie dans l’Occident moderne, qui décourage la violence physique en la déléguant à l’Etat. Dans ce contexte, les signes de la puissance virile se modifient et tendent vers des critères sociaux: la réussite sociale, l’argent, le pouvoir dans le monde du travail. Des moyens qu’un grand nombre d’hommes ne parvient pas à atteindre. Sans possibilité de prouver leur virilité, ces derniers retournent aux moyens traditionnels et renouent avec la violence physique. Pour Nancy Huston, notre société qui impose aux jeunes hommes un catégorique «sois fort et tais-toi!» a la responsabilité de les aider à gérer cette double contrainte.
De langue maternelle anglaise, Nancy Huston a choisi le français pour son écriture. Elle est invitée à prendre la parole à l’occasion des 125 ans de l’enseignement du français langue étrangère à l’UNIGE. (lire p. 16).
| Mardi 23 février |
Réflexions sur les racines de la violence
18h30 | Uni Dufour
Le français langue étrangère, un outil devenu une discipline
Il y a 125 ans, l’Université de Genève commençait à enseigner le français comme langue étrangère. La leçon d’ouverture du semestre de printemps permettra de commémorer cet événement
Cette année, cela fait 125 ans que le français est enseigné comme langue étrangère à l’UNIGE. D’abord proposé comme outil pratique pour des enseignants voulant renforcer leurs compétences en français pendant les vacances, le français langue étrangère (FLE) s’est peu à peu institutionnalisé au point de devenir une discipline académique à part entière. Aujourd’hui, elle est enseignée à l’Ecole de langue et de civilisation françaises (ELCF), rattachée à la Faculté des lettres, ainsi qu’à la Maison des langues. Entretien avec Laurent Gajo, directeur de l’Ecole de langue et de civilisation françaises (ELCF) et Jean-Marc Luscher, directeur de la Maison des langues.
Pourquoi avoir lancé des cours de français langue étrangère il y a 125 ans?
J-M. Luscher: C’est le linguiste Charles Bally qui a insufflé l’idée de cours de vacances pour des enseignants allemands souhaitant perfectionner leur niveau de français. Très rapidement, ce n’était pas seulement la langue française qui a été abordée dans les cours, mais également des aspects culturels, des problèmes didactiques et des thèmes qui sont devenus avec le temps des disciplines universitaires à part entière, comme les relations internationales, la traduction et la linguistique.
Pourquoi Genève?
J.-M. Luscher: Ce n’était pas un hasard. L’Université de Genève jouissait, déjà à l’époque, d’une excellente réputation et baignait dans un climat relativement serein dans une Europe troublée. Le fait que la Suisse fasse partie de la francophonie tout en étant extérieure à la France, était un point déterminant.
Aujourd’hui, quelles sont les missions principales de l’ELCF?
L. Gajo: Nos missions portent sur l’enseignement, la recherche et le service à la cité. A côté de la formation pratique en langue, nous proposons, depuis 2005, un Bachelor et – depuis 2007 – un Master de FLE. Nous contribuons également à la formation d’enseignants. Sur le plan de la recherche, nos spécialités sont le plurilinguisme, l’interculturalité, la variation linguistique et l’évaluation. Nous obtenons régulièrement des financements extérieurs et prenons part à des projets interfacultaires, notamment au sein du réseau thématique «Langage et communication». Le service à la cité occupe également une place importante, à travers des expertises en Suisse et à l’étranger, des conférences et des sommets internationaux. Par ailleurs, nous sommes partenaires, avec Paris 3 – Sorbonne Nouvelle, Craiova et Politehnica (Bucarest) d’un Master en FLE et en didactique des langues soutenu par l’AUF (Agence universitaire de la francophonie) en Europe centrale et orientale.
Pourquoi étudier à l’ELCF?
L. Gajo: Les débouchés spécifiques concernent l’enseignement du français à des non-francophones, dans le monde ou, le cas échéant, dans des classes d’accueil ou des institutions privées en Suisse. Certains diplômés s’orientent vers le domaine socioculturel, les organisations internationales ou la politique linguistique et éducative.
Quels événements célébreront ce 125e anniversaire?
J.-M. Luscher: Le français langue étrangère sera à l’honneur lors de la venue de l’écrivaine Nancy Huston, invitée à donner la leçon d’ouverture du semestre (lire p. 5). Nous organisons par ailleurs un colloque intitulé: «Plurilinguisme, variation et évaluation en FLE», du 22 au 24 juin. Il sera ouvert par une conférence de Daniel Coste, ancien directeur de l’ELCF. Le côté commémoratif sera marqué par le rappel de quelques repères historiques et la projection d’un film de présentation des Cours d’été réalisé par un collaborateur de la Maison des langues.
Pourquoi avoir choisi Nancy Huston comme figure emblématique?
L. Gajo: C’est une écrivaine engagée, de langue maternelle anglaise, qui a choisi le français comme langue de travail. Elle s’est largement exprimée par le passé sur ce choix du français comme langue d’écriture. Sa conférence portera toutefois sur un autre sujet puisqu’elle a choisi de parler des racines de la violence.