Journal n°114

Une équipe décortique le génome de la tique

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Le décryptage de l’ADN de ce parasite offre des armes pour lutter contre la maladie de Lyme dont l’occurrence en Suisse est l’une des plus élevées d’Europe

Après une décennie d’efforts, le premier génome d’une espèce de tique, Ixodes scapularis, a été entièrement décrypté par une équipe internationale dirigée par Catherine Hill, professeure à la Purdue University (Indiana, Etats-Unis) et dont font partie Robert Waterhouse, maître-assistant, et Evgeny Zdobnov, professeur au Département de médecine génétique et développement (Faculté de médecine).

Maladie de Lyme

Ce minuscule arthropode, aussi appelé tique du cerf, se rencontre dans les forêts de l’est de l’Amérique du Nord. Cette avancée, publiée le 9 février dans la revue Nature Communications, devrait permettre aux scientifiques d’élaborer des stratégies visant à contrôler la prolifération de ce parasite et, surtout, à interférer dans la transmission à l’être humain de nombreux agents pathogènes qu’il véhicule. Le plus connu d’entre eux est la bactérie responsable de la maladie de Lyme que la tique du cerf peut inoculer à l’être humain, à l’instar de sa cousine européenne Ixodes ricinus ou tique du mouton.

Avec 10 000 nouveaux patients par année, l’occurrence de la maladie de Lyme en Suisse est l’une des plus élevées d’Europe. Bien que non mortelle, elle peut néanmoins provoquer des séquelles permanentes et très invalidantes si elle n’est pas soignée avant qu’elle ne devienne chronique.

En plus de la maladie de Lyme, la tique est susceptible de transmettre d’autres agents pathogènes tels que ceux responsables de l’anaplasmose humaine, la babésiose ou encore de l’encéphalomyélite de Powassan, rare mais potentiellement mortelle.

Le séquençage du génome de l’animal a d’ores et déjà permis l’identification de certaines protéines jouant un rôle clé dans les inter­actions entre la tique et la bactérie provoquant la maladie de Lyme. Les auteurs de l’étude ont également trouvé des molécules associées à la transmission de l’anaplasmose humaine ainsi que des gènes qui pourraient être liés à l’habilité de la tique à grossir plus de 100 fois par rapport à sa taille normale lorsqu’elle se gorge du sang de son hôte. Le génome a par ailleurs révélé que la salive du parasite contient des milliers de composants – contre quelques centaines seulement chez le moustique – parmi lesquels on sait qu’il existe des substances antibiotiques, antidouleur, anticoagulantes ou encore inhibitrices de la réponse immunitaire.

Grand génome

Le génome de la tique s’avère très grand – 1000 fois plus long que celui de la mouche drosophile – ce qui est dû principalement à l’accumulation de grandes régions d’ADN répétitif. Il est également particulièrement complexe avec de nombreuses régions «non codantes» (des introns) séparant des portions d’ADN «codantes» (les exons). Une architecture qui ressemble plus à celle des mammifères qu’à celle des insectes, pourtant plus proche du point de vue évolutif.