Journal n°79

Des doutes, de l’espoir et de la sueur

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Recul des glaciers, température en hausse et augmentation des événements extrêmes. Voilà à quoi devrait ressembler le climat des régions de montagne en 2050

Si la forêt amazonienne est le poumon de la planète, les montagnes en sont le château d’eau. Source de 60% des eaux de surface au niveau planétaire, ces régions s’avèrent cependant très sensibles à l’évolution du climat, puisque la hausse des températures y est deux ou trois fois plus rapide que la moyenne. Evaluer l’impact du réchauffement climatique sur les ressources en eau, cerner l’effet de ces changements sur l’économie comme sur l’environnement et dessiner des stratégies d’adaptation: tels étaient les principaux objectifs d’ACQWA (Assessing climate impacts on the quantity and quality of water).

Pour relever le défi, les équipes mobilisées dans le cadre de ce projet européen initié et coordonné depuis 2008 par le professeur Martin Beniston, directeur de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UNIGE, ont concentré leur attention sur cinq sites principaux: la vallée du Rhône et la plaine du Pô dans les Alpes, les alentours de l’Aconcagua au Chili, les régions de l’Amou-Darya et du Syr-Darya au Kirghizistan. Leurs résultats ont été présentés le 4 septembre dernier au siège de l’Organisation météorologique mondiale à Genève.

L’incertitude demeure
Premier constat, malgré les efforts déployés (11 millions de francs de budget et une centaine de chercheurs issus d’une trentaine d’institutions réparties dans 10 pays) et la complexité des modèles mathématiques utilisés, il n’y a pas une image univoque pour le climat des régions de montagne en 2050, vu les incertitudes sur les émissions futures de gaz à effet de serre, notamment. Il est donc essentiel, selon les chercheurs, que les décideurs songent à conserver une certaine marge de manœuvre pour éviter toute mauvaise surprise.

Globalement, il semble toutefois établi qu’il fera plus chaud, que les étés seront plus secs et que les précipitations seront plus abondantes durant l’hiver.

Les conséquences de ces changements sont multiples. L’allongement de la période de croissance des végétaux permettra ainsi d’augmenter le rendement des cultures. En contrepartie, ces dernières exigeront davantage d’eau et seront moins exposées aux épisodes de gel mais davantage exposées aux risques de sécheresses et de canicules estivales.

De son côté, l’augmentation des chutes de neige n’empêchera pas le recul des glaciers. Elle entraînera en revanche des fontes plus importantes au printemps, ce qui, associé au réchauffement du permafrost, risque de générer des crues ou des chutes de pierres d’une amplitude supérieure à celle que l’on connaît aujourd’hui.

Conflits d'intérêts
Autre élément relevé par les chercheurs: le moment de l’année ou le débit des rivières est le plus élevé est en train de se déplacer de l’été vers le printemps. Conséquence: certaines populations, notamment au Kirghizistan, risquent d’être privées d’eau au moment où celle-ci est la plus nécessaire autant pour l’irrigation que pour la consommation domestique. Sans oublier les importants conflits d’intérêts entre l’agriculture, le tourisme et l’industrie hydroélectrique que cette situation ne manquera pas de créer, tant dans les Alpes que dans les autres zones d’études du projet ACQWA.

Selon les chercheurs, la question de l’eau d’ici à 2050 dans les régions étudiées ne doit toutefois pas être source de pessimisme. Notamment parce qu’une adaptation de nos comportements en matière de consommation pourrait suffire à atténuer le choc attendu de manière significative.

A titre d’exemple, l’équipe de Franco Romerio, chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement, a démontré qu’il était possible de réduire de moitié l’impact réel de la baisse des ressources en eau dans les barrages (estimées à 20% environ), grâce à une gestion optimisée des installations hydroélectriques.

www.acqwa.ch


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