La culture influence la façon dont les individus se perçoivent, jugent ce qui leur arrive et bâtissent les sociétés. Dans son dernier ouvrage, le sociologue Gaël Brulé, chercheur au Centre interfacultaire de gérontologie et d’études des vulnérabilités, recourt à ce prisme culturel pour se livrer à une analyse du bonheur en France. La culture s’appuyant sur un certain nombre de valeurs et de mythes que reflète l’usage affirmé d’objets du quotidien, l’auteur dessine un hexagone du bonheur français à partir de six figures: le bouchon de la bouteille de vin (l’attachement au passé et la recherche de l’authenticité), le repas à la française (l’hédonisme), la clôture (l’aversion au risque), la classe d’école (marqueur d’un mille-feuille social), la 2 CV (la pulsion libertaire) et le journal (au cœur des grandes idées).

Équipé de cette feuille de route, le sociologue questionne les facteurs qui favorisent ou, au contraire, freinent l’épanouissement individuel. En illustrant son propos de nombreuses données factuelles tirées d’enquêtes internationales, il privilégie une approche quantitative et empirique des phénomènes de société qui le situe à contre-courant de l’école critique propre à la sociologie française. La lecture de l’ouvrage s’en trouve allégée, d’autant qu’il ponctue son texte d’apartés sous forme d’éclairages, de citations ou d’anecdotes révélatrices: Serge Gainsbourg brûlant en direct sur le plateau de TF1 un billet de 500 francs ou Jacques Chirac photographié en train de sauter les tourniquets du métro parisien dans un geste de défiance. Si le bonheur français s’épanouit en cultivant le goût de la liberté, des petits plaisirs de la vie, le familier et l’authentique, il est sans cesse menacé par le manque de mobilité sociale, l’aversion au risque ou encore le poids des contradictions entre des pulsions libertaires et un système liberticide, conclut Gaël Brulé.