Trajectoires
Hommages 2023
André Haefliger
Professeur honoraire
Faculté des sciences
Section de mathématiques
André Haefliger est décédé le 7 mars 2023, peu avant ses 94 ans. Il a largement contribué à fonder la Section de mathématiques de l'Université de Genève, puis à en faire une référence autant par sa qualité scientifique que par la générosité sociale et amicale qui le caractérisait.
André Haefliger obtient une licence ès sciences mathématiques à l'Université de Lausanne (UNIL) en 1952, parallèlement à un certificat de violon et à un apprentissage de l'alto. Il a ensuite été étudiant et assistant à l’UNIL (1952-1954), à Strasbourg (1954) et à Paris (1955-1958), où il soutient une thèse intitulée «Structures feuilletées et cohomologie à valeur dans un faisceau de groupoïdes» (1958). Il devient ensuite suppléant à l'Université de Genève (1958-1959) et membre temporaire de l'Institute of Advanded Study de Princeton (1959-1961). André Haefliger est nommé à l'UNIGE, d'abord professeur extraordinaire, puis professeur ordinaire en 1962. Dans les années qui suivent, il rassemble chaque année une quarantaine d'expert-es et d' étudiant-es pour des semaines mathématiques dans un chalet. L'ancienne école primaire de ce village de montagne accueillait alors des séminaires sur des sujets variés. Les mathématicien-nes locales/aux y apprenaient les derniers résultats et y côtoyaient les futures célébrités des congrès internationaux.
Ses premiers travaux mathématiques ont pour sujet les feuilletages et leurs espaces classifiants. Ils étaient très précurseurs et leur importance n'a été reconnue que plusieurs années après leur publication. Ses recherches ont ensuite porté sur la géométrie différentielle, la topologie algébrique, la théorie des singularités, les espaces analytiques et la théorie des groupes. André Haefliger savait écouter, avait une intuition inégalable et exprimait souvent des idées profondes même sur des sujets qui lui étaient en bonne partie étrangers. Son immense influence se retrouve, par exemple, par la marque qu’il a laissé sur les premiers travaux de mathématiciens plus jeunes que lui, comme Etienne Ghys, Vaughan Jones ou par les plus de 2500 citations dans Mathscinet du livre qu’il a rédigé avec Martin Bridson. André Haefliger a reçu des doctorats honoris causa de l'Université de Bourgogne et de l'École polytechnique de Zurich. Sa renommée débordait toutefois du monde mathématique comme en témoigne le Prix de la Ville de Genève qu'il a reçu en 2003.
Justin Thorens
Professeur honoraire
Faculté de droit
Professeur honoraire à la Faculté de droit et ancien recteur de l’Université, Justin Thorens est décédé le 4 mars 2023 à l’âge de 91 ans. Après des études de droit à l’Université de Genève et un brevet d’avocat, il obtient un doctorat en 1962. Chargé de cours puis professeur ordinaire dès 1973, il est nommé directeur du Département de droit civil, puis doyen de la Faculté de droit, de 1974 à 1977.
Tout au long de sa carrière académique, Justin Thorens contribue également au développement et au rayonnement international de l’Université de Genève, notamment à travers ses engagements dans les organisations scientifiques et universitaires internationales, où il joue le rôle d'ambassadeur de l'UNIGE. Il plaide en faveur de la liberté académique et a défendu l'autonomie de l'Université, tout en s’engageant pour la défense des droits humains, en particulier lors de la disparition en Argentine d'Alexei Jaccard, étudiant de l'UNIGE, en intervenant par des manifestations publiques et des actions politiques.
Recteur de l’Université de Genève de 1977 à 1983, Justin Thorens œuvre également en faveur des universités en tant que président de la Fondation Latsis et en apportant son soutien à de jeunes chercheurs et chercheuses. Il encourage des opérations d'entraide universitaire, notamment lors des événements survenus en Pologne dans les années 1980.
Président d'honneur de l'Association internationale des universités (1985-1990), président de l’Université des Nations unies (1988-1989), président du Centre européen pour les études supérieures de l’Unesco (1986-1988), Justin Thorens s’est vu remettre, lors du Dies academicus en 2003, la Médaille de l’Université de Genève.
Pierre-Claude Sizonenko
Professeur honoraire
Faculté de médecine
Professeur honoraire de la Faculté de médecine depuis sa retraite en 1997, Pierre-Claude Sizonenko est décédé le 13 février 2023.
Après un doctorat en médecine obtenu à Paris, Pierre-Claude Sizonenko se spécialise en pédiatrie, puis en endocrinologie. Il débute sa carrière au sein des Hôpitaux de Paris, puis effectue un séjour post-doctoral à l’Université de Californie à San Francisco, à la fin des années 60. En 1969, il arrive à Genève pour occuper la fonction de chargé de recherche à la Clinique universitaire de pédiatrie et celle de médecin consultant pour le Service de santé de la jeunesse.
Il est nommé professeur ordinaire au sein du Département de pédiatrie et génétique de la Faculté de médecine en 1982, et accède en même temps à la fonction de chef de la Division de biologie de la croissance et de la reproduction des HUG. Parallèlement à la prise en charge des jeunes enfants atteints de troubles endocriniens ou de diabète, Pierre-Claude Sizonenko a mené de nombreux projets de recherche, en particulier dans le domaine de la croissance et de la puberté.
Enseignant hors pair, il a formé de nombreux jeunes médecins et futur-es médecins en pédiatrie, périnatalogie et endocrinologie, et ainsi considérablement renforcé la prise en charge dans le domaine de l’endocrinologie, précédemment peu développé à Genève.
Très investi dans la vie universitaire, Pierre-Claude Sizonenko a notamment été membre du Conseil de l’Université pendant plusieurs années. Très actif dans les sociétés savantes de sa spécialité, il a organisé le premier congrès conjoint de la Société américaine (LWPES) et de la Société européenne d’endocrinologie pédiatrique à Genève en 1981. Il a en outre été expert de la Commission des Communautés européennes pour la science, la recherche et le développement. Il a également reçu de nombreuses récompenses dont le Prix Bizot en 1975, le Prix mondial Nessim Habif en 1981 et le Prix Andreas Prader de la Société européenne d’endocrinologie pédiatrique en 1995.
Willem Doise
Professeur honoraire
Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation
Professeur honoraire de la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, Willem Doise est décédé en janvier 2023.
Willem Doise a été à l’origine de la formation en psychologie sociale à Genève et a contribué au rayonnement international de ce qui est devenu depuis l’«École genevoise de psychologie sociale», au sein de laquelle il a initié plusieurs lignes de recherche. Après des formations en psychologie clinique et en psychologie sociale à Paris, il rejoint l’École de psychologie de l’Université de Genève en 1970. Il y fera sa carrière, devenant professeur extraordinaire (1972), puis professeur ordinaire (1975) de psychologie sociale expérimentale dans la nouvelle Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. Il occupera ce poste jusqu’à son départ à la retraite et sa nomination au rang de professeur honoraire en 2003. Pendant ces années, il a été très investi dans plusieurs mandats institutionnels, notamment en tant que vice-président puis président, de la Section de psychologie.
Sur le plan international, Willem Doise a été très engagé dans la création de l’Association européenne de psychologie sociale. Il en exerce la présidence (1978-1981), et édite la nouvelle «vitrine» de cette association, l’European Journal of Social Psychology. Ses travaux sur le conflit entre groupes et les représentations sociales lui ont valu plusieurs distinctions internationales (médailles, doctorats honoris causa) et l’ont conduit à séjourner, en tant que professeur invité, dans plusieurs Universités, en Europe et sur d’autres continents (Argentine, Brésil, Nouvelle Zélande).
La contribution de Willem Doise sur le plan scientifique est constituée de près de 380 publications, de nombreuses directions de thèses et de foyers de psychologie sociale essaimés dans plusieurs universités en Suisse romande et en Europe. Son parcours a été sous-tendu par un constant souci éthique. Tout d’abord, celui de clarifier le paysage d’une discipline, la psychologie sociale, aux facettes multiples, vers l’individu d’une part, vers la société globale d’autre part. Tout au long de son parcours scientifique, Willem Doise a su s’entourer de collaboratrices/teurs provenant tant de la psychologie que de la sociologie, ce qui s’est traduit dans la composition d’équipes interdisciplinaires sur le plan des approches, et interfacultaires sur le plan institutionnel. Quatre contributions scientifiques majeures dans la carrière de Willem Doise peuvent être cités. Tout d’abord, ses travaux sur les «niveaux d’analyse», consignés dans un doctorat d’État défendu à Paris (1980), ont permis de tracer les frontières entre les explications privilégiées dans les sciences psychologiques et sociales pour rendre compte des actions individuelles et collectives et conférer à la psychologie sociale une place plus audible dans le paysage des sciences humaines. Ensuite, il faut signaler ses recherches dans le domaine du conflit entre groupes et des moyens à mettre en œuvre pour le résoudre, ainsi que celles sur le conflit socio-cognitif dans le développement de l’intelligence. Son intérêt s’est également porté sur l’analyse des représentations sociales, en particulier celles qui interviennent dans la construction, la défense et la violation des droits humains.
Tout au long de cette impressionnante carrière académique, Willem Doise a été un collègue d’une intelligence vive, d’une fine sensibilité aux enjeux de sa discipline, d’un conseil toujours à-propos. Doté d’une personnalité généreuse et respectueuse, il a toujours soutenu et mis en avant ses collaboratrices/teurs et a su créer autour de lui un contexte de travail riche et stimulant. Il n’était d’ailleurs pas seulement professeur de psychologie sociale mais nourrissait d’autres intérêts comme la peinture et l’architecture. Aimant la nature, il a pratiqué la randonnée. On se souvient de son visage radieux lorsqu’il nous parlait de ses marches vers et depuis Saint-Jacques-de-Compostelle.
Décanat de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Lucie Mottier Lopez, Nathalie Delobbe et Edouard Gentaz
Jean-Pierre Paunier
Professeur honoraire
Faculté de médecine
Professeur honoraire de la Faculté de médecine, Jean-Pierre Paunier est décédé le 31 janvier 2023 à l’âge de 93 ans. Pionnier de la radiothérapie genevoise, il avait pris sa retraite hospitalo-académique en 1990.
Spécialiste des traitements anticancéreux par radiothérapie, il a été l’une des chevilles ouvrières du développement de leurs applications cliniques dans notre canton.
Né à Genève, il y a fait toutes ses études, obtenant un diplôme fédéral de médecin en 1954. Il consacre le début de sa carrière à la pneumologie avant de se tourner vers la radiologie, d’abord à Lausanne, puis au sein de l’Institut Gustave Roussy à Villejuif, près de Paris, où il découvre la curiothérapie (une technique plus ciblée que la radiothérapie externe permettant de limiter les atteintes aux tissus sains).
Il passe ensuite deux ans à l’Institut universitaire de radiologie de Lausanne avant de se spécialiser en radiothérapie aux États-Unis. De retour en Suisse en 1966, il est nommé Chef de service adjoint à l’Institut universitaire de radiologie des HUG. En 1968, un nouveau Centre hospitalier de radiothérapie est ouvert sous sa direction. Il met alors sur pied un centre clinique de pointe et y établi un riche programme de recherche. Il initie par exemple avec le CERN un programme de dosimétrie par ordinateur très novateur pour l’époque.
Gravissant tous les échelons académiques, Jean-Pierre Paunier est nommé professeur ordinaire à la Faculté de médecine en 1975, puis professeur honoraire en 1990. Figure importante de la radiothérapie à Genève, il n’a jamais négligé la recherche malgré une intense activité clinique et managériale. Il a toujours eu à cœur le perfectionnement des techniques d’irradiation et la formation d’équipes spécialistes afin d’apporter les soins les plus performants aux malades du cancer.
Caroline Chausson
Cheffe de secteur
Service de soutien à la recherche
Responsable du Pôle lémanique et national (PoLN) au sein du Service de soutien à la recherche, Caroline Chausson (née Loutre) est décédée le 16 décembre 2022 à 47 ans.
Après des études d’ingénierie de la santé effectuées à l’Université de Toulouse, Caroline Chausson obtient un doctorat en biochimie végétale à l’Université de Durham, puis effectue un post-doc à l’Université de Zurich. Par la suite, elle devient responsable de recherche en biologie végétale au Swiss Plant Science Web à Lausanne et est ensuite nommée responsable des opérations au sein du Pôle de recherche national ChemBio à l’UNIGE, avant de rejoindre le Service de soutien à la recherche fin 2015. Son rôle était d’apporter un soutien proactif à l’ensemble des chercheurs et chercheuses de l’UNIGE, de coordonner et de suivre l’ensemble des programmes collaboratifs nationaux et d’apporter un soutien opérationnel et stratégique à la direction du Service et au Rectorat.
Au-delà de ses compétences, de sa rigueur et de son efficacité professionnelle, Caroline Chausson était une collègue agréable, ouverte, disponible et pleine de ressources et d’humour. Face à la maladie, elle a gardé toutes ses qualités et son esprit positif, suscitant l’admiration de toutes les personnes qui l’ont côtoyée.