2 septembre 2020 - UNIGE

 

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Découverte d'une galaxie ultraviolette «extrême»

La découverte de la première galaxie émettant un rayonnement ultraviolet «extrême» pourrait aider à mieux comprendre comment a pris fin l’ère cosmique dite des «âges sombres», il y a plus de 13 milliards d’années.

 

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Image prise par le satellite indien AstroSat dans le domaine de l’ultraviolet. Le zoom montre la galaxie AUDFs01 vue par le télescope spatial Hubble (à gauche) et par AstroSat (à droite). @AstroSat

 

Le satellite AstroSat a accroché un trophée de choix à son tableau de chasse. L’analyse des données récoltées par le premier observatoire spatial astronomique indien a en effet permis d’identifier la seule galaxie connue à ce jour émettant un rayonnement ultraviolet «extrême», c’est-à-dire très énergétique (d’une longueur d’onde d’environ 60 nanomètres, ou milliardièmes de mètre). Selon l’article qui rapporte la découverte, paru le 24 août dans la revue Nature Astronomy et signé par Anne Verhamme, professeure au Département d’astronomie (Faculté des sciences), et ses collègues genevois et indiens, les galaxies ultraviolettes sont très rares. On n’en connaît que quelques dizaines, émettant toutes des photons moins énergétiques que la dernière venue, baptisée AUDFs01.
Ces objets sont néanmoins précieux. Ils peuvent contribuer à apporter un éclairage inédit sur une période très précoce et méconnue de l’histoire du cosmos: la fin de l’ère dite des «âges sombres». «Quelque temps après le Big Bang, survenu il y a 13,8 milliards d’années, l’Univers passe en effet par une ère très obscure, précise Anne Verhamme. Au cours de cette période de quelques centaines de milliers ou centaines de millions d’années, l’Univers est noir. Il est rempli de gaz neutre, essentiellement de l’hydrogène, l’élément le plus simple et le plus abondant dans la nature. Il bloque tout rayonnement.»

 

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Une transition radicale a lieu il y a environ 13 milliards d’années. Résultat d’effondrements locaux de nuages de gaz sur eux-mêmes sous l’effet de la force de gravitation, les premières étoiles et galaxies apparaissent et brillent. Leur rayonnement est suffisamment énergétique pour ioniser les atomes de gaz présents dans l’espace intergalactique, autrement dit pour leur arracher un électron. L’Univers, dans son ensemble, devient alors lumineux et transparent comme c’est encore le cas aujourd’hui.

Des étoiles massives

Le problème, c’est que l’on ignore comment cet épisode, qui s’appelle la ré-ionisation, s’est précisément déroulé, combien de temps il a duré, etc. «On sait que seules les étoiles les plus massives émettent un rayonnement assez énergétique pour casser les atomes d’hydrogène, poursuit Anne Verhamme. Mais l’étude de tels astres est problématique. La part de leur rayonnement qui est ionisant est en effet presque toujours absorbée par l’hydrogène environnant et donc difficile, si ce n’est impossible, à observer directement. Du coup, pour connaître la distribution d’énergie complète des photons émis par ces étoiles – une information essentielle pour reconstruire le scénario qui nous intéresse – nous sommes contraints de nous reposer sur des prédictions théoriques. Malheureusement, ces dernières divergent grandement entre elles, justement dans le domaine des ultraviolets dits extrêmes et spécialement aux longueurs d’onde de moins de 80 nanomètres.»

Cette incertitude n’est pas la seule. Les astronomes supposent en effet que les premières étoiles massives apparues à la fin des âges sombres ont dû émettre suffisamment de rayonnement ionisant pour qu’une partie s’échappe des galaxies primordiales et ionise le milieu intergalactique. Mais ce scénario est lui aussi invérifiable par des observations directes. En effet, la probabilité qu’un de ces photons ionisants, émis par une galaxie aussi lointaine, arrive jusqu’à un télescope sans rencontrer d’atome d’hydrogène en chemin est nulle.

Pour tenter d’en savoir plus, les scientifiques sont donc contraint-es de se tourner vers des galaxies plus proches mais analogues aux galaxies primordiales et qui émettraient suffisamment de photons ionisants pour que certains s’échappent et arrivent jusqu’à la Terre. Le problème, c’est que la vaste majorité de ces galaxies proches ne laissent pas sortir leurs photons ionisants.

Quelques dizaines de galaxies UV

Après des décennies de recherches, et grâce à des techniques de présélection efficaces, seulement quelques dizaines de galaxies ultraviolettes ont été découvertes (toutes après 2016). Elles sont soit très proches, soit très loin, deux distances qui correspondent simplement aux limites de détection des appareils à disposition à la surface de la Terre et à bord de satellites actuels.

«Grâce à ses détecteurs sensibles à une large gamme d’ultraviolets, AstroSat, lancé en 2015, a permis pour la première fois de chercher des galaxies ultraviolettes situées à des distances intermédiaires, souligne Anne Verhamme. C’est ainsi que nous avons découvert AUDFs01, la première galaxie émettant dans le domaine des ultraviolets extrêmes. Elle nous offre les premières contraintes dans un régime de longueurs d’onde où les modèles stellaires sont les plus divergents. D’ailleurs, toujours grâce à AstroSat, on en attend d’autres dans un futur proche. Cela nous permettra de raffiner le scénario décrivant l’épisode fascinant de la ré-ionisation de l’Univers.»

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