10 mars 2022 - UNIGE

 

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Une brèche s’ouvre dans la résistance au traitement du cancer du sein

Une équipe de la Faculté des sciences a identifié une cible qui permettrait de restaurer chez les patientes résistantes l’efficacité du traitement standard contre le cancer du sein dit hormonodépendant.

 

 

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La combinaison de deux médicaments pourrait permettre de vaincre la résistance au traitement standard. Image: Didier Picard


C’est une faille – et pas des moindres – qui apparaît dans la résistance que développent certaines tumeurs au Tamoxifène, un traitement utilisé contre le cancer du sein dit hormonodépendant. Dans un article à paraître le 14 mars dans la revue Cancers, l’équipe de Didier Picard, professeur au Département de biologie moléculaire et cellulaire (Faculté des sciences), observe en effet que l’absence ou même un faible taux de la protéine appelée Spred2 dans des cellules tumorales humaines conduit à leur prolifération, et ce, malgré le traitement censé l’arrêter. En revanche, lorsqu’elle est présente en quantité suffisante, cette même protéine empêche la croissance des cellules. Par ailleurs, les scientifiques ont pu déterminer que les patientes atteintes d’un cancer du sein hormonodépendant qui présentent une faible concentration de Spred2 ont des pronostics moins favorables que les autres. Enfin, il existe une molécule actuellement en phase de test clinique qui est justement capable de contrer le mécanisme biomoléculaire enclenché par l’absence de Spred2. L’ensemble de ces découvertes permet d’envisager une double thérapie (Tamoxifène + nouvelle molécule) chez certaines patientes dont les tumeurs ne répondent plus au traitement standard.

 

Le cancer du sein touche 6300 femmes par année en Suisse. Entre 70 et 80% d’entre elles développent un type de tumeur dit hormonodépendant. Dans ce cas, les cellules cancéreuses présentent à leur surface un récepteur pour l’œstrogène. Lorsqu’elle s’y fixe, l’hormone féminine, qui est naturellement produite par l’organisme, stimule la croissance des cellules cancéreuses.

Pour traiter ces formes de tumeurs, les médecins ont recours à l’hormonothérapie qui empêche l’action stimulante de l’hormone féminine sur les cellules cancéreuses. La molécule standard utilisée dans ce type de traitement est le Tamoxifène. Celle-ci est capable de se lier aux récepteurs à œstrogène pour les bloquer, empêchant la fixation de l’hormone et donc la stimulation de la croissance des cellules cancéreuses. Cependant, chez environ 40% des patientes traitées, les cellules cancéreuses finissent par développer une résistance au médicament.

Ciseaux moléculaires
Pour y voir plus clair dans les rouages biomoléculaires de cette résistance, le laboratoire de Didier Picard a étudié des lignées cellulaires cancéreuses. «Nous avons utilisé la technique des ciseaux moléculaires Crispr/Cas9 pour générer des cellules dans lesquelles il manque à chaque fois un gène différent, explique Vasiliki Vafeiadou, étudiante en master au Département de biologie moléculaire et cellulaire et première auteure de l’étude. Nous avons ensuite observé les cellules cancéreuses capables de proliférer même en présence de Tamoxifène. Et c’est ainsi que nous avons identifié le rôle de la protéine Spred2 dans ce phénomène.»

Lorsqu’elle est présente en quantité suffisante, cette protéine empêche la croissance des cellules en bloquant une voie de signalisation activatrice de la prolifération cellulaire. Lorsqu’elle est absente – ou présente en faible quantité – la croissance des cellules est alors activée, et ce, même en présence du Tamoxifène qui empêche la stimulation dépendante de l’œstrogène.

En analysant des bases de données répertoriant les niveaux d’expression de certains gènes chez les patientes, les scientifiques ont constaté que celles qui ont un faible niveau de Spred2 ont des pronostics moins favorables.
Il se trouve également qu’un traitement (l’Ulixertinib) capable d’inhiber cette voie d’activation cellulaire indépendante de l’œstrogène est déjà en test clinique. Les auteur-es de l’article proposent donc de combiner le Tamoxifène à cette nouvelle molécule chez les patientes présentant un faible niveau de Spred2. «Il reste encore évidemment de nombreuses études à mener mais cette combinaison de traitements pourrait être très prometteuse», conclut Didier Picard.

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