Alors que le programme fait figure de précurseur, son réseau de collaboration s’est également progressivement étendu aux hautes écoles, dont la Haute École spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO), et plus récemment l’Université de Zurich. Le modèle mis en place à l’Université de Genève a par ailleurs attiré l’attention du réseau swissuniversities, au sein duquel le travail réalisé a pu être présenté à plusieurs reprises.
«Lorsqu’on est contraint de quitter son pays, il faut reconstruire sa vie»
«Je suis une Kurde originaire du nord de la Syrie, explique Montaha Jaafar, participante au programme. Je suis ingénieure en électronique et j’ai travaillé durant huit ans à la Banque centrale de Syrie à Alep. J’ai quitté mon pays fin 2016, en transitant par le Liban où je suis restée une année et demie. Puis j’ai rejoint la Suisse en traversant la Turquie et la Grèce. Lorsqu’on est contraint de quitter son pays, il faut reconstruire complètement sa vie privée et professionnelle. Je l’ai fait au Liban et j’en ai fait de même en Suisse.»
Montaha Jaafar a deux frères en Suisse. L’un est médecin établi à Genève depuis 12 ans. L’autre est arrivé dans le canton en 2012 et a obtenu cette année un master en ingénierie biomédicale. Pourtant, en 2014, alors que son frère aîné l’invite à le rejoindre dans le cadre du regroupement familial, Montaha Jaafar refuse : «En Syrie, j’avais tout, un poste à responsabilité, mes parents, ma famille, mes amis, une vie confortable. Il y avait la guerre, mais je faisais avec. Je voulais continuer à être utile à la société syrienne.» Deux ans plus tard, il lui faut admettre que sa sécurité personnelle est menacée. Elle quitte donc le pays du jour au lendemain et laisse tout derrière elle.
Montaha Jaafar
À son arrivée en Suisse en août 2018, la jeune femme, actuellement sous le régime d’un permis N, qui depuis 2019 lui donne le droit de travailler ou de s’inscrire à l’université, obtient la reconnaissance de son diplôme d’ingénieur en électronique. Elle intègre le programme Horizon académique à la rentrée 2019-2020 et s’inscrit à l’Executive Master in Business Administration de la Faculté d'économie et de management (GSEM). Puis, finalement, sur conseil d’un intervenant d’Horizon Académique, elle décide de se diriger vers un master en management de la sécurité des systèmes d’Information (MAS MSSI) auprès de la Haute École de Gestion (HEG), une formation plus proche de ses compétences, qu’elle entamera en janvier 2021.
«Le programme Horizon académique met l’accent sur le fait que les cours proposés doivent faciliter l’intégration dans la culture académique suisse, explique Montaha Jaafar. La socialisation des étudiant-es à travers des activités culturelles hebdomadaires a été importante pour moi. Cela m’a permis de développer des liens forts.»
La participation à Horizon académique a une autre retombée inattendue sur le parcours de la Syrienne : par l’intermédiaire d’un participant au programme, elle est mise en relation avec une ingénieure en informatique de la Ville de Genève. Cette dernière, convaincue par la force de son profil professionnel, lui propose un contrat d’auxiliaire. Censé durer six mois, celui-ci vient d’être prolongé pour une durée de deux ans.
Offre renforcée
Depuis 2018, le public cible d’Horizon Académique inclut les personnes au bénéfice d’un permis B de regroupement familial (15% des étudiant-es) ainsi que les Suisses et Suissesses de retour de l’étranger (5%). Le programme propose aux réfugié-es un accompagnement personnalisé, un mentorat ainsi qu’une année de cours avant d’intégrer un cursus régulier.
Proposer à des personnes issues de l’asile et formées dans leur pays de continuer ou de reprendre leur formation dans une culture académique qui n’est pas la leur soulève des enjeux qui vont au-delà de la simple reconnaissance des diplômes. En conséquence, le suivi offert touche aux domaines de l’intégration académique, de la reconnaissance des diplômes, mais également à la gestion des aspects de stabilité financière, des conditions de logement et de la situation psychologique liée à l’asile.
Au fil des ans, l’offre d’Horizon académique a été renforcée pour proposer non seulement un enseignement du français, mais également des cours d'expression créative ou encore des formations en informatique. Par ailleurs, une équipe académique mène désormais une réflexion sur le contenu des cours de français. Un groupe d’étudiant-es de l’´École de langue et civilisation françaises (ELCF) anime, en outre, des ateliers, tandis que le volet de mentorat bénéficie depuis cette année de la participation de 50 étudiant-es-mentors bénévoles. Mathieu Crettenand, qui dirige le programme, souligne l’investissement des facultés et des différents acteurs et actrices de l’Université dans le projet: les secrétaires, les enseignant-es, le décanat comme les conseillers et conseillères aux études.
À noter que le programme propose également des formations sur les questions d’asile et d’interculturalité qui s’adressent au personnel administratif et technique mais aussi enseignant. D‘autres projets ont été initiés, dont une collaboration avec la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (Fapse), visant à doter le personnel du programme d’outils liés à la psychologie de basse intensité. Il s’agit ici pour l’équipe de se former à favoriser la résilience chez les participant-es au programme.
«Horizon académique, conclut Mathieu Crettenand, est une initiative à tiroir, dans laquelle les gens s’engagent à leur manière. En fonction de leurs compétences, les membres de la communauté universitaire peuvent ainsi participer au projet et se l’approprier. C’est cela la force de notre programme, une approche issue du mélange des idées, des compétences et des personnes».
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