«C’est une reconnaissance pour notre institution comme pour la place académique suisse dans son ensemble», se réjouit Yves Flückiger, recteur de l’UNIGE et président de swissuniversities. «Cette distinction prouve notre capacité à attirer les jeunes talents et à créer autour d’eux les conditions nécessaires au succès de leurs recherches. Cette attractivité ainsi que notre présence sur les réseaux internationaux sont essentielles et doivent être préservées.»
De retour d’Helsinki où a eu lieu la cérémonie de remise de la médaille, les deux lauréat-es ont été accueilli-es à l’aéroport de Cointrin par Yves Flückiger accompagné de la conseillère d’État Anne Emery-Torracinta, du président de l’EPFL Martin Vetterli, et du conseiller d’État vaudois Frédéric Borloz.
Épris de physique et de probabilités
Les travaux d’Hugo Duminil-Copin, expert en probabilités et passionné de physique, portent sur la branche mathématique de la physique statistique. Il étudie les transitions de phases – les changements brusques des propriétés de la matière, comme le passage de l’état gazeux à l’état liquide de l’eau – en faisant appel à la théorie des probabilités. Ces dernières sont en particulier utilisées pour analyser des modèles mathématiques décrivant trois phénomènes distincts: la porosité des matériaux (via la théorie de la percolation), le ferromagnétisme (via le modèle d’Ising) et les polymères (via l’étude des marches auto-évitantes).
Dans le premier cas, il s’agit de comprendre les mécanismes à l’oeuvre dans des matériaux tels que la pierre ponce ou le café (quel chemin l’eau emprunte-t-elle lorsqu’elle traverse un tel matériau, par exemple?). Dans le second, de déterminer le comportement des aimants, plus précisément la perte progressive de leur magnétisme, lorsqu’ils sont soumis à des températures élevées. Dans le troisième, il s’agit de comprendre le positionnement des polymères lorsque ceux-ci sont plongés dans un solvant.
En utilisant de nouvelles connexions entre ces modèles, et en développant une théorie de la percolation dite dépendante, Hugo Duminil-Copin a obtenu des résultats transformateurs sur ces modèles classiques, améliorant notre compréhension des phénomènes critiques en physique statistique. «Il s’agit de recherche purement fondamentale, sans application directe. Néanmoins, modéliser mathématiquement les transitions de phase demeure très important: cela permet de mieux comprendre le comportement de la matière. Ce sont des bases solides dont pourra se saisir la recherche appliquée en vue de développements industriels encore impossibles à prévoir», s’enthousiasme le chercheur.
Professeur à l’UNIGE à 29 ans
Né le 26 août 1985 à Châtenay-Malabry (France), Hugo Duminil-Copin a grandi en région parisienne. Il entre en 2005 à l’École normale supérieure de Paris. Agrégé de mathématiques et titulaire d’un Master de probabilités et statistiques de l’Université Paris-Saclay (anciennement Université Paris-Sud), il rejoint l’UNIGE en 2008 pour y effectuer sa thèse de doctorat, qu’il obtient en 2011, sous la direction du professeur Stanislav Smirnov, médaillé Fields en 2010.
L’UNIGE le nomme professeur en 2013 puis professeur ordinaire en 2014, à seulement 29 ans. Il rejoint en parallèle l’Institut des hautes études scientifiques à Bures-Sur-Yvette (Paris) en 2016. Il a été distingué par de nombreux prix, dont le prix de la Société mathématique européenne et le prix New Horizons in Mathematics de la Fondation Breakthrough.
L’Arc lémanique à la pointe de la recherche fondamentale
Si l’attribution d’une médaille Fields à Hugo Duminil-Copin et Maryna Viazovska récompense la qualité exceptionnelle de leurs travaux, elle confirme également l’excellence de la recherche et de l’enseignement dans les institutions de l’Arc lémanique et l’importance de leurs collaborations, déjà concrétisée par des projets tels que le Swiss Cancer Center Léman et le Centre d’imagerie Dubochet. Ces distinctions renforcent le positionnement de la Suisse romande, et plus largement de la Suisse, sur la carte mondiale de la recherche fondamentale de pointe.
Créée par le mathématicien canadien John Charles Fields (1863-1932), la médaille Fields est attribuée tous les quatre ans depuis 1936, avec un maximum de quatre lauréat-es par édition. Elle ne peut être décernée qu’à des mathématiciens/ennes âgé-es de moins de 40 ans. Le comité de la médaille Fields est sélectionné par le comité exécutif de l’Union mathématique internationale (IMU - International Mathematical Union). Il est en général présidé par le/la responsable de l’IMU (actuellement, l’Argentino-Américain Carlos E. Kenig). Le comité de la médaille doit choisir au minimum deux lauréat-e-s représentant des champs divers de la discipline. Chaque lauréat-e reçoit une médaille et 15 000 dollars canadiens.