Beccaria. Revue d'histoire du droit de punir

Beccaria_v.pngV, 2019

« Que celui, je le répète, qui voudra m’honorer de ses critiques, ne commence donc pas par me supposer des principes destructeurs de la vertu ou de la religion, alors que j’ai démontré que tels ne sont pas mes principes, et au lieu de faire de moi un incrédule ou un séditieux qu’il tache de me découvrir mauvais logicien ou politique sans clairvoyance ; qu’il ne tremble pas devant chaque position soutenant les intérêts de l’humanité ; qu’il me convainque de l’inutilité ou du dommage politique qui pourrait résulter de mes principes, qu’il me fasse voir l’avantage des pratiques reçues » (Des Délits et des peines, « Au lecteur »).

Ce cinquième numéro de Beccaria. Revue d’histoire du droit de punir accueille une lecture plurielle de l’humanisme abolitionniste beccarien. Le réformateur milanais y est notamment repensé entre la conception du droit pénal de l’ennemi, le dialogue juridique, historiographique et philosophique avec le Dei Delitti e delle pene dont le volet patibulaire, l’herméneutique du religieux comme sécularisation du régime patibulaire, l’incompatibilité de l’esprit familial avec le régime démocratique et la simple police de la cité. S’y ajoutent les traductions des concepts juridiques du Dei delitti e delle pene, sa lecture par l’avocat Casamayor, mais aussi le rappel de la nécessaire prudence épistémologique envers l’histoire intellectuelle et le « jeu des idées » qui sanctuarisent dans l’abstraction philosophique ou le positivisme juridique l’oeuvre politique et sociale de Beccaria, loin des pratiques et des usages judiciaires du droit de punir, loin des rapports de force institutionnels. Franco Venturi l’avait bien montré : le moment Beccaria est historiographique et politique. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’actualité démocratique de Cesare Beccaria reprend son sens éthique dans l’Italie libérée du fascisme. C’est à la renaissance des Lumières du pénal que s’attache le grand civiliste libéral et humaniste florentin Piero Calamandrei (1889-1956), éditeur en janvier 1945 chez Le Monnier à Florence du texte beccarien, quasiment censuré depuis la publication des Opere scelte de Beccaria (1925) par l’antifasciste Rodolfo Mondolfo. Plaidoyer pour l’État de droit en démocratie, la lumineuse « préface » de cette édition historique de Calamandrei est restée inédite en français jusqu’à la traduction sensible qu’en donne ici Xavier Tabet.

 

Sommaire du numéro:

  • Michel PORRET - Éditorial - Une actualité beccarienne
  • Robert JACOB - Fonder la cité, inventer l’homicide d’État. Sur la genèse des formes de la peine de mort dans la cité antique.

  • Robert ROTH - Contre le droit pénal de l’ennemi

  • Mathieu SOULA - Penser les désillusions avec Beccaria

  • Luigi LACCHE - In dialogo con Cesare Beccaria. Il Dei delitti e delle pene tra storici e giuristi

  • Wolfgang ROTHER - Beccaria critique de la religion : le fondement philosophique du droit pénal

  • Marco CAVINA - L’inconciliabilità del patriarcato con la democrazia (Il capitolo 26 di Dei delitti e delle pene)

  • Marco CICCHINI - Penser la Police au prisme de Beccaria

  • Elio TAVILLA - Beccaria nella rilettura della scienza giuridica italiana più recente

  • Frédéric CHAUVAUD - Casamayor, l’homme qui ne croyait pas vraiment en la justice judiciaire, lecteur de Beccaria

  • Gabriella SILVESTRINI - L’impensato di Cesare Beccaria: pena di morte e tortura a partire da Derrida e Foucault

  • Falk BREITSCHNEIDER – Rainer Maria KIESOW–
    Claudine MOULIN – Christof SCHOCH - Les mots de Beccaria. Métalexicographie des langues du droit à partir de Dei delitti e delle pene (1764) et ses traductions en Europe

  • André KUHN - Beccaria et la circulation routière

D'un Cesare à l'autre

  • Alessandro PASTORE - Cesare Lombroso (1835-1909) e la medicina legale del suo tempo

Etudes beccariennes classiques

  • Xavier TABET - Après le fascisme, le "retour" de Beccaria
  • Piero CALAMANDREI - Préface à Des délits et des peines

 

Site de l'éditeur: Beccaria. Revue d'histoire du droit de punir, V