Atelier 2018 du Jointmaster d'architecture (HEPIA)

Grosselin demain: projeter la ville avec ses futurs habitants 

Contexte général et réflexion sur le projet participatif

Au cours des dernières années, les coopératives d’habitants ont inauguré et acquis une solide expérience dans des méthodes innovantes de projet architectural participatif. Elles ont installé le futur résident au cœur du processus d’élaboration du projet du logement collectif, lui donnant accès à des logements répondant mieux à ses besoins et à ses moyens. Elles sont ainsi parvenues à réaliser de nombreux bâtiments remarquablement innovants, en Suisse et à Genève.

Ces méthodes n’ont toutefois été que peu explorées à l’échelle d’un quartier ou d’un lotissement. Elles n’ont pas encore permis d’y faire les mêmes démonstrations.  Or la dynamique participative réunissant concepteurs, spécialistes, usagers et autorités autour de la conception de quartiers ou de lotissements est l’objet d’une réelle demande et se développe déjà considérablement, avec le soutien et l’encouragement des autorités.

Au printemps 2018, sur l’initiative du consortium de coopératives Grosselin, l’atelier du professeur Bonhôte à Hepia a organisé un atelier de travail réunissant une dizaine d’étudiants pour tester les opportunités de projet que présentent à l’échelle d’un quartier une dynamique participative et concertée. La direction du PAV s’est associée à la démarche pour fournir toutes les informations et conseils utiles à l’intégration des propositions dans une réalité administrative et leur permettre d’en faire de véritables propositions.

Grosselin: vers un urbanisme négocié

Le travail développé sur le secteur Grosselin à Carouge au printemps 2018 a fait suite aux travaux des ateliers participatifs organisés par le Canton de Genève et la Ville de Carouge, en anticipant sur la phase d’élaboration de Plans localisés de quartier. Elle a expérimenté les méthodes participatives à grande échelle en explorant les contraintes, les limites et les opportunités ouvertes par cette approche. L’enjeu a été de parvenir à identifier les souhaits des futurs habitants, les évolutions notables dans les usages et mode de vie et de les incarner dans des propositions concrètes de projets. Le travail a été conduit en collaboration avec les représentants des autorités, des coopératives et de leurs coopérateurs. Le matériau servant de base aux réflexions a été d’abord fourni par les résultats des ateliers participatifs Grosselin Demain, par les futurs habitants et s’est aussi nourri d’observations et recherches faites par les étudiants eux-mêmes. L’enjeu fut de découvrir comment les processus usuels de développement et de planification peuvent évoluer et de quelle manière ils se traduisent dans la forme urbaine et architecturale à travers un processus participatif et négocié.

Méthode et objectifs de projet

L’objectif a été d’élaborer un avant-projet de quartier et de bâtiments réunissant les lieux d’habitat, de travail et de vie collective, les espaces publics et communs d’une population d’environ mille personnes. La réflexion a porté simultanément sur la forme urbaine et l’organisation spatiale du projet.

L’organisation du travail s’est inspirée de celle d’un mandat d’études parallèles, en y ajoutant la dynamique créée par le travail en atelier et en groupe: Sur la base d’un échange avec les coopératives concernées, les étudiants ont d’abord formalisé des idées et concepts innovants ou inédits touchant à toutes les manières de vivre et de cohabiter. Ces idées ont permis d’établir les premières esquisses de projet, proposant des images et visions ‘utopiques’ ou idéalisées à l’ensemble du secteur. Après un premier échange avec un groupe d’habitants et les représentant des coopératives et de l’office de l’urbanisme, les projets ont été adaptés pour correspondre aux contraintes parcellaires, réglementaires et quantitatives du secteur. Chaque étudiant a ensuite développé un projet à l’échelle d’une parcelle. Les idées développées et discutées par la suite ont touché tant au cadre général du nouvel ensemble (espaces publics, espaces communs, forme urbaine) qu’à la typologie des logements, des lieux de vie et de travail ainsi que leur éventuelle hybridation. Une série d’échanges et de dialogues intermédiaires, alternés ou liés avec des critiques du corps enseignant ont permis de faire évoluer les propositions pour aboutir à l’élaboration d’avant-projets complets proposant une morphologie générale et des typologies détaillées de divers lieux de vie.

Au terme du processus, deux projets ont été retenus suite à un choix fait par l’ensemble des futurs 80 habitants présents dans le processus, portant sur environ 10'000 m2 de surface brute de plancher. Ces propositions ont été sélectionnées pour l’intérêt et le caractère innovant de leurs propositions typologiques et formelles. Elles ont fait l’objet d’un mandat destiné à vérifier la faisabilité des projets dans le contexte administratif et économique du quartier.

Synthèse

L’intérêt de la démarche peut être résumé en plusieurs points. 

Du point de vue du projet urbain, il propose une démarche inédite qui part du point de vue individuel sur le logement, l’espace de vie domestique ou communautaire, pour remonter vers le projet architectural puis urbain à l’échelle d’un îlot ou d’un quartier. Cette approche permet de véritablement intégrer les réflexions et préoccupations des principaux destinataires du développement (futurs habitants, riverains et collectivité) et de les tester à travers le medium du projet, seul à même de susciter critiques et remarques véritablement opératoires à ce stade du développement des projets de logements et du quartier.

Il intègre la notion de négociation portant immédiatement sur le projet en cours d’élaboration et pouvant porter tant sur des questions d’architecture et de voisinage que de droits à bâtir ou priorités économiques, étant admis que les contraintes parcellaires et la densité générale déjà admises sont impérativement respectées.

Il permet d’identifier très en amont des propositions susceptibles de faire évoluer les pratiques administratives, supposant des dérogations ponctuelles aux lignes directrices du plan de quartier, voire à la LCI, mais basées sur un consensus déjà obtenu de la part des riverains et des acteurs immobiliers concernés.

Il intègre une dynamique de laboratoire comme seule une école peut en proposer, plusieurs projets, et hypothèses étant développées simultanément dans un processus parallèle, pour conduire à un vrai éventail de propositions, un choix pour le développement du quartier, enrichies par le travail en groupe.

Il met la dynamique de projet architectural et urbain au cœur du processus de développement entre l’établissement du plan directeur général et l’établissement du plan localisé de quartier.

Les études de faisabilité établies sur un temps très court ont réintégré un processus courant de vérification et de contrôle, afin de permettre aux coopératives porteuses de projets de poursuivre leurs études en connaissant les réelles possibilités de développement de chacun des projets dans un contexte professionnel usuel.

En guise de bilan intermédiaire, nous sommes convaincus que les approches et méthodes testées dans cet atelier collaboratif ouvrent des perspectives de travail capables d’apporter de réels avantages et qualités dans la conception et la mise en œuvre de nos quartiers de demain, qui devraient encore être poussées lors de prochaines collaborations.

Une sélection des planches peut être téléchargées ici.

L’atelier Grosselin demain, projeter la ville avec ses futurs habitants s’est déroulé de février 2018 à juin 2018. Il a réuni 10 étudiant-e-s du jointmaster of architecture d’HEPIA.

Direction de l’atelier et groupe de suivi Hepia: Philippe Bonhôte, Nicolas Bassand, Pauline Dellacherie, Tedros Yosef.