Journal n°71

Des clics pour sauver la forêt

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Hébergé sur un serveur d’Uni Dufour, le site Forestwatchers propose aux internautes d’identifier des zones de déforestation au Brésil sur des images satellites. Une nouvelle forme de science citoyenne

Vous voulez lutter contre la destruction de la forêt amazonienne? Rendez-vous sur le site www.forestwatchers.net. En quelques clics, vous aurez accès à des images satellites fournies par la NASA et préparées par l’Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE), partenaire du projet. Deux missions vous seront alors proposées. Soit sélectionner, pour une portion de terrain donnée, la meilleure image en fonction de la couverture nuageuse, soit identifier et marquer sur les images déjà sélectionnées ce que vous estimez être des zones de déforestation. Peut-être qu’avec un peu de zèle, vous figurerez au tableau d’honneur des meilleurs contributeurs du site.

cyberactivistes

Lancée l’été dernier en collaboration avec des informaticiens de l’UNIGE, le CERN et Unosat, le programme de l’ONU chargé des solutions satellitaires et de l’information géographique, la plateforme Forestwatchers a fait l’objet d’une présentation à l’ONU cet automne. Il est vrai que le projet, hébergé sur un serveur d’Uni Dufour, a très vite pris son envol: quelque 800 contributeurs actifs et des centaines de tâches accomplies quotidiennement, avec un pic à 8000 en un jour. Pour veiller à la fiabilité de ces mesures, chaque image est distribuée à plusieurs participants, afin d’identifier les marquages aberrants dus à des erreurs ou à de la malveillance. Les données sont ensuite transmises à des experts de l’INPE et de l’Université de São Paolo travaillant en étroite collaboration avec les agences gouvernementales brésiliennes chargées du monitoring environnemental.
C’est Daniel Lombraña González, un informaticien espagnol, qui a développé le logiciel pour ce projet, inspiré par le succès du système de surveillance de déforestation mis en place il y a quelques années au Brésil. Un système qui a prouvé son efficacité, puisqu’il a permis une diminution de 70% du taux de déforestation depuis 2004. En revanche, il est très gourmand en ressources humaines pour l’analyse des images satellites. La solution, le chercheur espagnol l’a trouvée dans le «crowdsourcing». Une démarche qui renoue avec les idéaux participatifs des pionniers du Web, le «crowdsourcing» mise sur le volontariat des internautes pour effectuer des tâches de calcul, d’analyse, de lecture de textes ou d’images.

la force du nombre

Né à la fin des années 1990, ce mouvement a d’abord fait appel à la puissance de calcul des ordinateurs personnels. En téléchargeant un petit programme, chaque internaute peut ainsi mettre à la disposition d’un projet scientifique la puissance de son ordinateur, lorsque celui-ci se trouve en mode veille, le cumul de milliers d’ordinateurs permettant d’effectuer des calculs qu’une seule machine mettrait des siècles à réaliser. Le succès des premières expériences a rapidement fait des émules.

service à la collectivité

En 2005, à Genève, un projet pour promouvoir le «crowdsourcing» pour l’Afrique, Africa@home, est lancé par Christian Pellegrini, professeur à la Faculté des sciences, et par François Grey, physicien au CERN. Ce projet a permis la mise au point d’une application destinée à faire tourner un modèle de propagation de la malaria développé par l’Institut tropical et de santé publique suisse. Un système très sophistiqué et exigeant en capacité de calcul. Sans aucune publicité, l’application a attiré en quelques mois plus de 10'000 volontaires disposés à prêter la puissance de leur ordinateur.
Sur la base de ce premier succès, les scientifiques ont fondé le Citizen Cyberscience Centre (lire article) afin d’attirer des financements pour d’autres projets, dont Forestwatchers. Une dynamique s’est rapidement instaurée, donnant une orientation inédite aux relations entre science et public, à travers de nouvelles formes de service à la collectivité. Des dizaines de milliers d’internautes, et autant d’accros du smartphone de tous âges et de toutes provenances contribuent désormais à tester les possibilités de repliement des protéines (Foldit), à identifier la forme des galaxies (Galaxy Zoo), à déchiffrer les anciens carnets de bord de la marine royale britannique pour en tirer des informations sur le climat passé (Old Weather) ou à freiner la lente érosion des forêts tropicales.


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