Journal n°88

Une histoire du cochon au pays des pharaons

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Témoignant d’un rapport à l’animal complexe, les relations entre l’homme et le porc dans l’Egypte ancienne sont plus ambiguës qu’on ne le pense depuis l’Antiquité

Tabou pour les musulmans et les juifs, le porc était-il également proscrit au temps des pharaons comme l’ont affirmé de nombreux auteurs classiques? Oui et non, répond Youri Volokhine, maître d’enseignement et de recherche en sciences de l’Antiquité (Faculté des lettres) dans un ouvrage qui se veut une «histoire globale du cochon en Egypte ancienne».
D’une part, la consommation du porc sur les rives du Nil est en effet attestée depuis le Paléolithique tardif. De l’autre, il semble que cela soit dans le cadre de la culture pharaonique qu’il faille chercher les plus anciennes réticences culturelles à consommer de la chair porcine.
Celles-ci reposent sur deux types de représentations antagonistes. La première est attachée au porc mâle dont l’aptitude à se nourrir de déchets et d’excréments fait très tôt l’objet d’une interprétation mythologique.
Associé à Seth, divinité généralement maléfique, l’animal aurait, selon ce récit, blessé l’œil d’Horus, symbole du pouvoir pharaonique. De ce fait, il doit donc être tenu à l’écart du dieu-faucon afin d’assurer la guérison et la sauvegarde de ce dernier.
Toujours dans un registre négatif, le porc est également associé par les Egyptiens à la transmission des maladies, au premier rang desquelles figure la lèpre, mal épouvantable par excellence.
Tout autre est cependant l’image de la truie. Mère nourricière qui en vient à dévorer sa progéniture lorsqu’une portée est trop nombreuse, elle incarne Nout, la mère de tous les astres, qui, selon la tradition égyptienne, engloutit chaque soir ses enfants pour permettre leur régénération. Dans le cas présent, si interdit, il y a, ce n’est plus par détestation, mais par dévotion.
«L’exemple égyptien montre que la règle des prêtres n’est pas forcément celle de tous, quand bien même une véritable théocratie détient le pouvoir», conclut Youri Volokhine.


Le porc en Egypte ancienne , par Youri Volokhine, Presses universitaires de Liège, 324 p.