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30 mars 2015: Soutenance de thèse d'Evelyne Fiechter-Widemann « Droit humain à l’eau : justice ou…imposture ? »

Madame Evelyne FIECHTER-WIDEMANN soutiendra, en vue de l’obtention du grade de docteure en théologie, sa thèse intitulée :

« Droit humain à l’eau : justice ou…imposture ? »

LUNDI 30 MARS 2015 – 14 h 30
Salle U109 – UNI DUFOUR

La séance est publique


Résumé :

L’accès à l’eau potable est une question de vie ou de mort.

Lier l’eau à un droit humain, comme les Nations-Unies ont décidé de le faire le 28 juillet 2010, est-ce apporter la solution idoine au stress hydrique de nombreuses régions du monde, ou est-ce instrumentaliser la ressource hydrique à des fins partisanes ?

Rappelons que la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948 (ci-après DUDH) distingue les droits civils et politiques d’une part, les droits économiques sociaux et culturels, d’autre part. En 1966, la communauté internationale a adopté sa systématique propre en insérant ces divers droits dans un ordre inversé au sein de deux Pactes, le Pacte I étant consacré au bien-être et le Pace II, réservé aux libertés.

Postulant que ce choix, visant à donner tout son poids à la sécurité matérielle, n’était pas sans intérêt pour la question vitale de l’eau potable, j’ai mené une double enquête. Tout en visitant des pays d’Afrique et d’Asie où vivent des populations confrontées quotidiennement à un accès insuffisant à l’eau potable, j’ai interrogé les sources vétéro et néotestamentaires, ainsi qu’un certain nombre de grands penseurs dont le monde occidental a été nourri depuis le 16ème siècle, au nombre desquels des théologiens, des philosophes, des juristes, des économistes et des politologues.

L’étude interdisciplinaire tente de faire émerger une distinction capitale à opérer entre « loi naturelle » et « dignité humaine ». La première a fait l’objet d’innombrables controverses depuis la nuit des temps et fut véhiculée au cours des siècles sous divers avatars, tandis que la seconde a trouvé son berceau conceptuel à la Renaissance et une nouvelle vitalité après la Seconde guerre mondiale, grâce aux rédacteurs de la DUDH.

Deux visions du monde s’opposent par le truchement de ces deux concepts qui marquent l’Occident encore de nos jours. En un mot, la controverse qui oppose Jean Calvin à Immanuel Kant porte sur la question de savoir s’il existe une justice fondée plutôt sur Dieu que sur la Raison. Il n’est pas inutile de préciser que la question n’est pas obsolète. En effet, tant pour Calvin que pour Dietrich Bonhoeffer et Paul Ricœur, respectivement théologien et philosophe du 20ème siècle, l’ordre de la justice est vertical et c’est à Dieu et à ses commandements qu’il faut obéir. Pour Kant et nombre de nos contemporains, l’ordre de la justice est horizontal et dicté par la Raison.

Or ces deux conceptions de justice se reflètent dans la DUDH, même si son préambule évoque seule la dignité humaine et non la loi naturelle. Elles semblent aussi diviser les juristes internationalistes, aussi bien que les Églises chrétiennes sur la question de savoir si le droit humain à l’eau potable entre conceptuellement dans le droit à la vie du Pacte II ou dans le droit à l’alimentation du Pacte I.

Pour moi, l’eau comme besoin vital fait partie du Pacte II. Je rejoins à cet égard la position du Conseil Œcuménique des Églises qui, dans sa déclaration de 2006 se distance sur ce point précis des Églises de Suisse et du Brésil. Ces dernières, en effet, ont opté pour le Pacte I dans leur déclaration de 2005.

Je vois, en dernière analyse, dans le slogan « penser globalement, agir localement » –dont le concepteur n’est autre que le théologien et juriste Jacques Ellul –, un avertissement à l’intention des tenants d’une justice distributive globale, fondée sur le Pacte I. Je considère même que cette maxime pourrait avoir pour vertu d’éviter que leur irénisme séculier ne fasse le lit d’une imposture à l’égard de ceux que menacent les puits secs.

L’eau potable pour la vie et le bien-être nous oblige encore et surtout à une urgente leçon de tolérance. Comment ? En nous invitant au dialogue interreligieux, comme clé d’un monde réconcilié non seulement autour de l’eau, mais autour des valeurs théologales de foi, d’espérance et d’amour.

12 févr. 2015

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