Le Laboratoire RIFT a le plaisir de vous inviter à une conférence du cycle « Vulnérabilité(s) et formation : des conceptions et des pratiques inventives ». L’intérêt central de cette thématique est d’articuler deux problématiques, celle de l’innovation en formation, et celle des publics à demandes particulières.
Vulnérabilité et formation à la recherche
Par Maryvonne Charmillot, FPSE
Mardi 13 décembre 2016 - 17h30 - Uni Mail - salle R160
La conférence sera suivie d'une verrée amicale.
Résumé
Parmi les gestes qui constituent l’activité des chercheur.e.s prend place un travail sur les concepts. Quel est ce travail ? Choisir, définir, adopter, construire, critiquer, opérationnaliser, déconstruire, abandonner, discuter, articuler ? Comment naissent les concepts, comment circulent-ils ? Comment certains s’imposent-ils quand d’autres restent dans l’ombre ? La première partie de cette conférence s’attachera à réfléchir aux conditions historiques de l’émergence du concept de vulnérabilité dans les sciences sociales, à ses (ré)appropriations successives, à sa circulation, dans le temps et dans l’espace, à ses traductions, à son succès. En 2006, Birkmann (2006, cité par Becerra 2012) recense quelques 25 définitions, 6 écoles théoriques, une vingtaine de manuels et plusieurs guides concernant son évaluation (Becerra, 2012, p. 2). L’attention sera portée, dans cette première partie, aux affiliations épistémologiques des usages de la vulnérabilité dans les sciences sociales : la vulnérabilité se situe-t-elle dans le champ des luttes sociales et politiques et recèle-t-elle, à ce titre, un sens critique et un potentiel de transformation sociale ? Est-elle au contraire, comme l’affirme Thomas (2008 ; 2010) une « notion-éponge » qui véhicule un « modèle d’entendement darwinien de l’adaptation et un modèle politique de contrôle des pauvres et des sans-pouvoir » ?
Sur la base des réflexions construites autour de ces interrogations, la deuxième partie de la conférence mettra à l’épreuve le concept de vulnérabilité dans le champ de la formation à la recherche. Partant d’une conception de la formation à la recherche comme ouverture à la pluralité des savoirs et des points de vue, je montrerai, premièrement, comment les chercheur.e.s peuvent être rendu.e.s vulnérables par la conception de l’universalisme propre à la science moderne. Cette vulnérabilité s’exprime notamment par la « peur de penser » (Charmillot, 2013) et elle se retrouve chez les acteurs sociaux et les actrices sociales placé.e.s en condition de « vulnérabilité à penser » par des logiques institutionnelles éducatives managériales (Fernandez-Iglesias, 2016). Je montrerai, deuxièmement, comment la formation à la recherche, dans sa composante positiviste dominante, rend les personnes observées (questionnées, classées etc.) vulnérables, soumises à un regard scientifique (et politique) qui n’accueille pas la pluralité pour comprendre le lien social mais impose une pensée catégorielle pré-établie de la réalité sociale pour la contrôler, la réguler.
La troisième partie de la conférence proposera de repenser la formation à la recherche sous l’angle d’une « épistémologie de solidarité » (Connell, 2015) construite à partir d’une responsabilité éthique et politique pour autrui (une « éthique de la vulnérabilité » au sens de Levinas (1982)). La dimension innovante de cette orientation donnée à la formation à la recherche sera pensée à partir des concepts de « justice cognitive » (Visvanathan, 2009 ; Piron, 2016) et de « citoyenneté collective » (Piron, 2005).
8 nov. 2016