24 novembre 2021 - Jacques Erard

 

Analyse

L’UNIGE se dote d’un premier bilan carbone

L’Université a récemment rendu publics les résultats d’une analyse de son empreinte carbone. Ces données brutes vont servir à orienter la politique de développement durable de l’institution. Explications avec Fabrice Calame, conseiller au Rectorat responsable de ces questions.

 

 

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L’Université de Genève a mandaté une entreprise indépendante pour procéder à une analyse de son empreinte carbone, dont les principaux résultats viennent d’être rendus publics. Cette démarche s’inscrit dans la volonté du Rectorat de mener une politique volontariste autour des objectifs de développement durable des Nations unies. Elle s’est révélée, comme on pouvait s’y attendre, complexe de par les choix méthodologiques à opérer et la qualité inégales des données utilisées. Les chiffres bruts résultant de cette analyse demandent encore à être mis en perspective. Ils fournissent néanmoins une base de travail permettant de mettre en place des indicateurs plus fiables, d’identifier les secteurs où un effort particulier doit être fourni et de mieux impliquer la communauté universitaire dans la démarche de durabilité. L’empreinte 2019 servira notamment de référence à l’objectif de diminution de nos émissions d’au moins 50% à l’horizon 2030. Conseiller au Rectorat auprès du vice-recteur Jean-Marc Triscone, responsable du développement durable et des bâtiments, Fabrice Calame apporte ses éclaircissements sur les principaux résultats de cette analyse.

 

Le Journal: Quels sont les domaines d’activité pour lesquels l’empreinte carbone de l’Université est la plus marquée?
Fabrice Calame: On peut distinguer trois principaux domaines dans ce bilan: celui des équipements et services, le plus important, qui représente à lui seul 52% des émissions totales de CO2 de l’Université en 2019, celui de l’énergie, qui compte pour 30% du total, et celui de la mobilité pour 15%, les 3% restants étant liés à la gestion des déchets et à l’alimentation. Les chiffres pour 2020 sont assez similaires, sauf que la diminution assez drastique, de plus de 50%, des émissions dues à la mobilité et à l’alimentation, a fait baisser le total des émissions, qui passe de 50'000 tonnes de CO2 en 2019 à 41'000 tonnes en 2020. On s’attend forcément à une remontée en 2021 que l’on espère la moins prononcée possible.

 

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La part prépondérante liée aux équipements et services n’est-elle pas étonnante?
Pas vraiment. Cela recouvre l’ensemble des achats pour les activités de l’Université, du trombone, aux ordinateurs, des microscopes de tout type jusqu’aux équipements d’analyse sophistiqués. On observe d’ailleurs cette même prépondérance des achats au niveau des ménages à Genève. Mais c’est un domaine dans lequel nous avons les données les moins fiables et où la marge de manœuvre est mince, car la plupart de ces achats sont jugés nécessaires. On peut cependant envisager une politique de réduction, de substitution et d’allongement des cycles de vie, dans le domaine informatique notamment. Nous prévoyons également de passer en revue nos fournisseurs et prestataires pour identifier ceux qui sont engagés dans une politique de décarbonation. Mais au préalable, nous devons absolument améliorer la qualité des données et des modes de calcul dans ce secteur où les chiffres sont les plus difficiles à obtenir.

 

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Ce bilan a-t-il réservé des surprises?
Une des surprises est le poids des cafétérias, qui apparaît nettement moins élevé que dans d’autres universités. Après réflexion, cela s’explique logiquement par la structure du campus urbain qui fait que le personnel et les étudiant-es mangent souvent à l’extérieur. L’autre demi-surprise a trait à la consommation relativement élevée d’électricité, qui représente 16,5% du total des émissions de CO2. Nous avons des bâtiments avec des équipements très gourmands, en particulier le CMU et Sciences II. Nous avons observé que la consommation diminue très peu le week-end, ce qui tend à confirmer que c’est moins l’activité administrative que les flux liés à l’appareillage, à la gestion du froid et à la ventilation qui sont concernés. À Uni Dufour par exemple, les serveurs tournent en continu, y compris le week-end.

Que peut-on faire pour diminuer cette consommation d’électricité?
La bonne nouvelle est que nous avons une certaine maîtrise dans ce domaine. Nous pouvons consommer moins en identifiant les équipements susceptibles d’être remplacés par d’autres moins énergivores. Il est aussi envisageable de mieux les mutualiser ou de les concentrer dans des locaux bien ventilés. On peut aussi placer du photovoltaïque sur les toits, même si les gains seront marginaux au vu des volumes utilisés. Pour le reste, nous dépendons de la qualité de l’approvisionnement et des types de contrats établis avec les fournisseurs.

 

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Pour ce qui est des émissions liées au chauffage, quelle est la marge de manœuvre de l’Université, sachant que les bâtiments appartiennent à l’État?
La part chaleur va très certainement peu évoluer d’ici à 2030, au vu du temps que prennent les programmes de rénovation lourde des bâtiments. D’ici là, nous allons collaborer étroitement avec les autorités cantonales pour que ces rénovations restent prioritaires. Nous aurons donc des calendriers et des objectifs différents selon les domaines. Pour la mobilité et l’électricité, nous pouvons agir rapidement, mais en obtenant une diminution relativement lente des émissions. Avec la chaleur, par contre, il faudra certainement attendre cinq ou dix ans, mais dès qu’on disposera d’un système cantonal de géothermie à distance et de bâtiments bien isolés, la baisse sera drastique.

Quels changements peut-on envisager dans le domaine de la mobilité?
Comme dans la sphère privée, le fait de renoncer à un déplacement professionnel en avion, surtout sur une longue distance, a un impact fort et immédiat sur l’empreinte carbone. La pandémie a entraîné une baisse de près de 70% des trajets engendrés pour les conférences. Il y aura forcément une reprise à la hausse, parce que le fait de renoncer à participer en présentiel à une réunion internationale peut représenter une perte pour un chercheur ou une chercheuse en termes de qualité des échanges et de réseautage. Il ne faut pas sous-estimer cet élément. Nous misons toutefois sur un changement de culture. Celui-ci est possible. De nombreuses personnes se rendent compte que certains déplacements sont inutiles, énergivores et chronophages.

Où l’UNIGE se situe-t-elle en comparaison avec les autres universités suisses?
Il est difficile de répondre à cette question. Les chiffres bruts de l’analyse peuvent laisser croire que nous nous situons nettement au-dessus d'autres hautes écoles, mais cette différence s’explique par la méthodologie utilisée, qui est propre à chaque institution. La plupart ne prennent pas en compte les achats, alors que nous l’avons fait. La manière de calculer la consommation d’électricité varie également. En calculant une empreinte par personne, nous sommes cependant dans une moyenne comparable aux autres hautes écoles suisses. Un groupe de travail rassemblant les hautes écoles suisses a d’ailleurs été récemment constitué dans l’objectif d’harmoniser nos méthodes d’analyse.

Pour en savoir plus:
https://durable.unige.ch/

 

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