17 mars 2022 - AC

 

Analyse

Une Suisse tout orange

Mardi 15 mars, la Suisse se teintait en orange, un phénomène dû à une dépression d’altitude au-dessus de l’Algérie qui a entraîné avec elle du sable du Sahara. Explications avec Mario Bruno Rohrer, collaborateur scientifique à l’Institut des sciences de l’environnement.

 

 

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Lucerne, mardi 15 mars 2022. Image: U. Flueeler/Keystone

 

LeJournal: Comment explique-t-on le phénomène observé le 15 mars dans le ciel helvétique?
Mario Bruno Rohrer
: Celia, une dépression survenue au-dessus des îles Canaries, a créé des rafales de vent à la surface du sol dans le désert du Sahara, soulevant des particules de sable et de poussière. Pendant la nuit, la formation d’une inversion thermique a empêché que ces particules fines ne retombent au sol. La même Celia a alors transporté cette poussière de désert vers l’Europe.

Un événement semblable avait déjà eu lieu l’an dernier à la même période. Assiste-t-on à une recrudescence de ces épisodes?
En 2019, une équipe de scientifiques a pu reconstruire les incursions de poussière saharienne en Suisse sur une période de deux mille ans grâce à l’analyse d’une carotte de glace forée en 2013 dans les Alpes suisses italiennes, au Colle Gnifetti. Les scientifiques ont constaté une augmentation anormale du transport de poussières sahariennes lors du début de l'anomalie climatique médiévale (870-1000). D’autres événements importants, mais plus courts, ont également été relevés (140-170, 370-450, 1320-1370 et 1910-2000). Ce qui signifie que le XXe siècle est caractérisé par de grands vents de poussières sahariennes continus, fournissant la preuve de conditions plus sèches en Afrique du Nord.

Les changements climatiques ont-ils un effet sur la fréquence et l’ampleur de ces épisodes?
Il est probable qu’une désertification de la zone du Sahel, par exemple, augmente la fréquence et l’ampleur de ces intrusions de poussières sahariennes. Or les changements climatiques contribuent à la désertification. Cependant, d’autres influences anthropogènes, comme le surpâturage ou certaines pratiques agricoles mécanisées, sont également en cause. Le Dust Bowl aux États-Unis – une période dans les années 1930 caractérisée par une série de tempêtes de poussière – a d’ailleurs résulté d’une telle combinaison de facteurs (sécheresse et pratiques agricoles non adaptées à la prairie).

Ce type d’événement est-il dangereux pour la santé?
Au moment où je vous parle – le 15 mars à 20h –, la concentration de particules fines liée à cette intrusion de poussières de désert est modérée en Suisse. Elle est surtout concentrée en altitude, au contraire de certaines régions d’Espagne où des concentrations très élevées ont été mesurées (à 2 m du sol), ce qui peut effectivement être dangereux pour la santé. Dans de telles conditions, il est fortement recommandé de porter des masques FFP2, en particulier pour les personnes vulnérables.

 

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