Le Rhône se cherche un maître

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Le projet de recherche GouvRhône, dont les résultats ont été présentés cet automne, propose plusieurs pistes de réflexion pour une meilleure gouvernance du Rhône à l’échelle transfrontalière

Le projet de recherche GouvRhône, dont les résultats ont été présentés cet automne, propose plusieurs pistes de réflexion pour une meilleure gouvernance du Rhône à l’échelle transfrontalière

Production d’hydroélectricité, refroidissement de centrales nucléaires, alimentation en eau potable, source de biodiversité, espace de navigation, aire de pêche: les usages que l’on fait du Rhône sont de plus en plus diversifiés. Et c’est avec plus ou moins de bonheur que ces différents secteurs d’activité cohabitent. Pourtant, avec les diminutions annoncées de la ressource en eau ces prochaines décennies – la faute au réchauffement climatique –, les rivalités iront en augmentant. Afin de proposer de nouveaux modèles de gouvernance, une équipe de chercheurs s’est attelée à étudier la gestion de ce fleuve.

Gestion hydroélectrique

Dans un premier temps, les scientifiques ont mis au jour les mécanismes de régulation existants. Coordinateur du projet «GouvRhône», Christian Bréthaut, adjoint scientifique à l’Institut des sciences de l’environnement, raconte: «La première surprise a été de constater qu’il n’existe pas d’instance de coordination franco-suisse portant sur le Rhône. La gestion opérationnelle du fleuve a essentiellement été déléguée aux hydroélectriciens. Pourtant de nouvelles collaborations doivent être instaurées, notamment avec les objectifs environnementaux fixés par l’Union européenne.» Côté français, par exemple, la gestion opérationnelle du fleuve dépend en grande partie d’accords de droit privé. Un atout qui permet une certaine flexibilité (renégociation tous les 5 ans versus entre 60 et 90 ans pour des concessions de droit public), mais qui conduit également à un certain manque de lisibilité.

La seconde phase du projet consistait à étudier l’évolution du système en regard de différents enjeux, qu’ils soient environnementaux, économiques (avec la libéralisation du marché de l’électricité et les modifications possibles des opérateurs hydroélectriques), ou encore politiques (avec l’importance croissante donnée à la production d’énergie renouvelable, notamment suite à l’accident de Fukushima).

En dernier lieu, les scientifiques ont développé plusieurs scénarios de gouvernance. «Notre mandat était de représenter une force de proposition», explique Christian Bréthaut. Ainsi, trois modèles de gouvernance ont été imaginés, comprenant chacun trois scénarios d’intensité croissante. Premier modèle proposé, celui de l’intégration: il s’agit de gérer l’eau, non pas selon des limites politiques, mais à l’échelle du bassin-versant. Il pourrait s’agir d’une simple plateforme de coordination jusqu’à la mise en œuvre d’une Commission internationale responsable de la gestion. Deuxième proposition des chercheurs, le modèle monofonctionnel: la gestion du fleuve s’organise autour d’un usage principal avec un arbitrage prenant en compte les autres usages. «Un scénario serait de constituer une organisation faîtière de production d’énergie qui serait chargée de négocier avec les autres secteurs d’activité sous l’égide des autorités publiques», explique Christian Bréthaut. Enfin, le polycentrisme est le dernier modèle proposé, soit un système fragmenté de gouvernance, avec une multitude d’arènes de décision pas nécessairement coordonnées, comme c’est le cas dans le système actuel.

Fournir une boîte à outils

Chaque scénario a ensuite été analysé en fonction de ses forces et de ses faiblesses, notamment en fonction de sa capacité d’adaptation, de sa transparence et de son intégration des questions environnementales. «Nous avons voulu fournir une boîte à outils où les différentes parties concernées par la thématique peuvent venir piocher. On ne passe pas d’un jour à l’autre d’une gestion polycentrique à une gestion intégrée, constate le chercheur. C’est pourquoi nous avons proposé des scénarios intermédiaires permettant d’avancer progressivement vers l’un ou l’autre des modèles de gouvernance. Par exemple, un observatoire scientifique transfrontalier du Rhône pourrait constituer un premier pas vers une gouvernance franco-suisse du fleuve. L’enjeu est de réussir à garder la force actuelle du système, sa flexibilité, tout en renforçant les capacités de coordination entre l’amont et l’aval et la représentation des différents usagers du fleuve.»

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