Journal n°120

L’incitation financière motive pour arrêter de fumer

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Offrir de l’argent à un fumeur qui désire arrêter la consommation de tabac est aussi efficace que les méthodes traditionnelles basées sur les médicaments et les conseils médicaux.

La promesse de toucher 1 500 francs est aussi efficace pour arrêter de fumer que d’autres méthodes. C’est ce qu’a réussi à montrer une étude réalisée par l’équipe de Jean-François Etter, professeur-associé à l’Institut de santé globale (Faculté de médecine) et parue le 16 août dans le Journal of the American College of Cardiology.

L’étude comprend 800 fumeurs de la région genevoise ayant un revenu annuel modeste, ne dépassant pas 50 000 francs, ce qui correspond à la population la plus touchée par le tabagisme en Suisse. Les membres d’un premier groupe se voient offrir des sommes d’argent progressives s’ils s’arrêtent de fumer, le montant total maximal s’élevant à 1 500 francs pour autant que l’abstinence tienne jusqu’à la fin des six premiers mois de contrôle. Les participants ne bénéficient d’aucun soutien médical ou médicamenteux. Les membres du second groupe, quant à eux, ne reçoivent rien.

Tests biochimiques

Pour contrôler les habitudes des volontaires, ces derniers sont soumis à des tests biochimiques réguliers consistant à mesurer le taux de monoxyde de carbone et de cotinine, un composant de la nicotine. Les prélèvements sont effectués après une semaine (avec une prime de 100 francs à la clé), deux semaines (150 francs), trois semaines (200 francs), un mois (300 francs), trois mois (350 francs) et six mois (400 francs) suivant le début de l’expérience. Un ultime contrôle (sans récompense) est exécuté dix-huit mois plus tard.

Un score de 5,8 %

Le pourcentage de personnes ayant arrêté de fumer dans le groupe recevant une incitation financière se monte à 55 % après trois mois, baisse à 45 % après six mois pour finalement tomber à 9,5 % après dix-huit mois. Ce dernier chiffre est toutefois supérieur de 5,8 points à celui du groupe de contrôle (3,7 % d’abstinents au bout de dix-huit mois). Cette différence est similaire au taux de réussite d’autres méthodes telles que les médicaments (5 %), les conseils médicaux (5 %) ou la combinaison des deux (6 %). Cette dernière méthode, associée à la récompense financière, pourrait obtenir des taux de réussite encore plus élevés, estiment les auteurs.

«Notre résultat nous invite à penser qu’il faudrait prolonger l’incitation financière sur une période plus longue, ajoute Jean-François Etter. Nous pensons que cela pourrait diminuer le nombre de personnes reprenant la cigarette. De plus, associé à des conseils médicaux et des substituts nicotiniques, le taux de réussite pourrait être plus élevé, au vu déjà de la seule efficacité de l’argent


| En bref |

Dans l’intimité de la fabrique du poignet

La fabrication du bras, du poignet et de la main lors de la vie embryonnaire est le résultat d’une orchestration génétique très fine. Dans un article paru le 19 mai dans la revue Genes et Development, l’équipe dirigée par Denis Duboule, professeur au Département de génétique et évolution (Faculté des sciences) et à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, propose un modèle expliquant comment cette partition complexe est mise en musique. Les acteurs principaux de la pièce sont les Hox, une famille d’une dizaine de gènes placés les uns à côté des autres le long de l’ADN dans un ordre très précis. Ces gènes sont dirigés par deux tours de contrôle, placées de part et d’autre. La première s’active pour former le bras et la seconde la main. Au niveau du poignet, les gènes Hox sont presque réduits au silence. Les auteurs de l’article ont montré que c’est plus particulièrement l’action des gènes Hox13 qui inhibe le fonctionnement de la tour de contrôle du bras et réveille celle de la main, empêchant ainsi qu’elles ne fonctionnent simultanément dans les mêmes cellules. En aménageant une zone tampon dans laquelle aucune des deux tours de contrôle n’exerce d’influence, ces gènes permettent la fabrication du poignet.

Le protocole qui trouve les bonnes combinaisons de médicaments

Dans un article paru le 14 janvier dans la revue Nature Protocols, Patrycja Nowak-Sliwinska, professeure assistante à la Section de pharmacie (Faculté des sciences) et ses collègues décrivent un protocole facilitant la découverte de combinaisons synergiques de médicaments pour le traitement de diverses maladies, y compris les cancers et les maladies infectieuses. Selon les auteurs, la combinaison synergique de médicaments permet d’administrer des doses de produit plus faibles – ce qui réduit les effets secondaires et les risques d’apparition de résistance – tout en étant plus efficace que les médicaments pris de manière isolée. Pour faire face au nombre énorme de combinaisons possibles, les chercheurs ont développé une méthode alliant des tests expérimentaux et l’utilisation d’algorithmes permettant d’économiser des mois d’efforts en laboratoire. La durée d’un processus complet d’optimisation est estimée à environ quatre semaines.

L’Autisme et l’implication du système de récompense dansle cerveau

Dans une étude parue le 6 juin dans la revue Nature Neuroscience, une équipe dirigée par Camilla Bellone, professeure assistante au Département de neurosciences fondamentales (Faculté de médecine), a pour la première fois démontré formellement l’implication du système cérébral de récompense dans les troubles du spectre autistique. Ces derniers constituent un groupe hétérogène de troubles neurodéveloppementaux ayant pour caractéristiques principales des altérations de la communication sociale ainsi que des intérêts restreints et des comportements répétitifs. Les chercheurs ont utilisé des souris manipulées de telle manière que dans une région du cerveau impliquée dans le circuit de la récompense, les cellules expriment beaucoup moins un gène (SHANK3), suspecté d’avoir un lien avec l’autisme. Les chercheurs ont alors observé des altérations tant au niveau cellulaire – dans les synapses – que comportemental. Les rongeurs modifiés perdent en effet rapidement tout intérêt pour leurs congénères et toute interaction avec eux disparaît.