Journal n°96

Le Soleil garde sa part d’ombre

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Les colloques Wright 2014 rendent hommage au Soleil, un astre de mieux en mieux connu. Mais qui pourrait révéler encore quelques surprises comme le suggère Georges Meynet, professeur au Département d’astrophysique (Faculté des sciences).

Comment est-on parvenu à comprendre le fonctionnement du Soleil?

Georges Meynet: C’est une longue histoire. On a d’abord cru que c’était un feu, que son cœur était en charbon. Puis certains ont commencé à comprendre que ce mode de combustion ne pouvait être le bon étant donné que le Soleil était sûrement très vieux. Lord Kelvin, un physicien britannique du XIXe siècle, a conclu à un âge de 30 millions d’années pour le Soleil et la Terre. Des géologues ont ensuite contesté ce chiffre, ayant déterminé que le temps nécessaire à une rivière pour creuser certaines vallées sur Terre était au moins trois fois plus long.

L’observation de la Terre aurait donc contribué à mieux connaître le Soleil?

En partie. Mais c’est surtout en analysant la lumière du Soleil. Au milieu du XIXe, deux chimistes ont fait progresser la spectroscopie, cette science qui consiste à décomposer la lumière et à réaliser son spectre. Dans celui du Soleil, on peut observer plusieurs fines raies sombres. Bunsen et Kirchhoff ont compris qu’il s’agissait de raies d’absorption. Les éléments chimiques présents à la surface du Soleil absorbent une partie des particules lumineuses – les photons – qui s’échappent de notre astre. La lumière qui nous parvient est donc tronquée à certains endroits bien précis qui correspondent à la composition chimique du Soleil. Il a fallu ensuite attendre la découverte de la radioactivité, cette capacité qu’ont certains éléments chimiques de transmuter. Finalement, Einstein et son fameux E=mc2 ont apporté une pièce essentielle.

Laquelle?

Cette équation indique une équivalence entre masse et énergie. Quand quatre noyaux d’hydrogène fusionnent, une toute petite partie de leur masse, 7 millièmes, est transformée en énergie. On estime qu’au centre du Soleil, 5 millions de tonnes de matière sont changées en énergie chaque seconde. C’est ce qui lui permet de briller pendant des milliards d’années.

Est-il vrai qu’en observant les bouillonnements qui agitent la surface du Soleil, on peut comprendre sa structure interne?

Tout à fait. On appelle cela l’héliosismologie, la science des tremblements du Soleil. La surface de ce dernier est un peu comme une casserole d’eau sur le feu. La température à la base de son enveloppe est d’environ 1 million de degrés et de 5500 degrés à sa surface. Cette région se caractérise par des mouvements qui permettent à la chaleur de s’évacuer. Ils créent des tremblements en surface. En observant tous les types de tremblements, on a compris les différentes structures de cette énorme boule faite d’un gaz incandescent appelé plasma.

Qu’ignore-t-on encore sur le Soleil?

Il est vrai qu’il est désormais un compagnon bien connu. Mais il garde certains secrets. En 2005, on a par exemple découvert que ses couches superficielles contenaient deux fois moins d’oxygène que ce que l’on pensait jusqu’ici.

Et qu’est-ce que cela signifie?

Les deux éléments principaux qui composent les étoiles et alimentent leurs réactions nucléaires, l’hydrogène et l’hélium, ont été créés lors du Big Bang. Tous les éléments chimiques suivants ont été créés dans le cœur des étoiles, par différentes vagues de fusion nucléaire et lors de l’explosion des étoiles les plus massives. L’oxygène est l’un des éléments lourds fabriqués dans le cœur des étoiles. Or, jusqu’en 2005, on croyait que la surface du Soleil en contenait plus que ses étoiles voisines. On a donc émis l’hypothèse que le système solaire s’est formé à un endroit plus intérieur de la galaxie, où l’enrichissement en oxygène a été plus rapide, avant de dériver vers l’extérieur. Avec la découverte de 2005, cette hypothèse de la migration n’est plus nécessaire. Le Soleil est pareil à ses voisines. Mais cette controverse est loin d’être close.

Le Soleil est intimement lié au maintien de la vie sur Terre. Sait-on précisément combien de temps il continuera à remplir cette fonction?

Notre étoile appartient à la classe des naines jaunes dont on sait qu’elles ont une durée de vie d’un peu plus de 10 milliards d’années. Elle est à moins de la moitié de sa vie. Dans 8-9 milliards d’années, elle sera une géante rouge dont le rayon sera équivalent à plus de 100 fois son rayon actuel.

Et cette géante avalera la Terre?

C’est possible. A moins qu’en perdant de la masse dans son gonflement, le Soleil ne desserre son emprise gravitationnelle sur la Terre et lui permette de s’éloigner. Restera-t-il des êtres humains pour l’observer? Rien n’est moins sûr.


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