Journal n°96

Poste de nouveau recteur: la parole aux deux candidats

Le prochain recteur entrera en fonction en juillet 2015. Les deux candidats restants, Christian Bovet et Yves Flückiger, ont été entendus par l’Assemblée de l’Université le 29 octobre dernier. Résumé de leurs intentions en cinq questions.

  1. Quels axes de développement estimez-vous prioritaires pour l’Université?
  2. Les autorités cantonales ont annoncé des coupes dans le budget de l’Université. Comment envisagez-vous d’y faire face?
  3. L’IHEID annonce une augmentation des taxes d’études, l’EPFL un numerus clausus pour les étudiants étrangers. Est-il nécessaire de réguler l’accès à l’Université?
  4. Comment optimiser les perspectives de carrière pour la relève académique?
  5. Quelles sont les principales qualités que doit posséder un recteur selon vous?

bovet

Christian Bovet

Ancien doyen de la Faculté de droit

Professeur de droit public

flueckiger

Yves Flückiger

Vice-recteur

Professeur d’économie

1. La méthode me paraît pour ainsi dire aussi importante que le résultat. D’emblée, il faut souligner que ces priorités doivent être définies en pleine concertation avec les facultés, en impliquant en outre autant que possible les centres interfacultaires; cette étape fondamentale a notamment un impact sur la motivation de tous ceux qui constituent la communauté universitaire. En matière de recherche, une portion significative de ces priorités – comme les Pôles de recherche nationaux – est déterminée en partie par l’extérieur, dans la mesure où l’impulsion vient de chercheuses et de chercheurs de notre Université, mais le choix est opéré par d’autres organismes. Il convient aussi d’encourager des projets de recherche d’abord purement «internes»; il s’agit de sources d’innovation scientifiques importantes, qui pourront ensuite bénéficier de financements extérieurs. Même si je déteste qu’on essaie parfois d’opposer les sciences humaines aux sciences dites dures et à la médecine, il faut reconnaître que les premières sont trop souvent le parent pauvre de ces processus; il est donc essentiel de les soutenir sans réserve et sans donner l’impression de le faire à titre d’alibi. L’interdisciplinarité est d’ailleurs une façon de rétablir cet équilibre. La diversité de l’enseignement est une richesse à maintenir. Elle s’illustre tant par la variété des matières que par les nombreux modes de transmission du savoir. Pendant douze ans, j’ai été membre du régulateur suisse des télécommunications; j’aime ce domaine. Je pense cependant que les innovations dans l’enseignement ne doivent pas être axées uniquement sur la technologie, mais porter également sur les méthodes, par exemple pour mieux intégrer la dimension pratique dans une perspective de haut niveau académique. 1. La polyvalence. Elle constitue un formidable atout dans le paysage académique lémanique. Elle nous donne la capacité d’aborder les défis actuels dans une vision interdisciplinaire et de tisser des liens étroits avec la Genève internationale. Ensuite, nous avons besoin d’infrastructures de qualité pour conserver nos chercheurs ou les attirer à Genève. Cela implique de pouvoir investir dans des équipements et dans la rénovation de bâtiments, conditions indispensables d’une recherche de pointe qui contribue au développement social et économique de notre région. Cela passe par un renforcement de notre autonomie. Mais pas dans n’importe quelles conditions. Le nouveau Rectorat devra y être extrêmement attentif. Nous devons aussi être une université à la pointe de la révolution numérique pour améliorer la qualité de l’apprentissage et préparer nos étudiants à la société du XXIe siècle. Enfin, il faut offrir des perspectives de carrière à notre relève pour accroître notamment le pourcentage de femmes professeures.
2. On peut affronter ces défis budgétaires tout en étant cohérent avec les perspectives de développement que je viens d’évoquer. Cela implique toutefois, d’abord, de mieux utiliser les ressources mises à la disposition de notre Université, en évitant en particulier la dispersion des domaines d’enseignement et de recherche. Cette approche n’empêche surtout pas de sortir des sentiers battus sur le plan scientifique! Ensuite, il faut savoir créer et renforcer nos partenariats académiques, en respectant la typicité de chacun (p. ex. avec l’IHEID) ou en additionnant nos compétences, comme c’est le cas avec l’EPFL pour le Campus Biotech. Une approche comptable moins statique, intégrant pleinement notre autonomie, ainsi que des outils budgétaires et financiers performants nous aideront aussi à diminuer les effets négatifs de ces restrictions. Enfin, le Rectorat doit déployer des efforts importants pour augmenter les fonds tiers, publics et privés. 2. Nous avons présenté pour 2015 un budget équilibré en y intégrant la coupure de 1% imposée à tout le secteur public. Les mesures annoncées ensuite par le Conseil d’Etat pourraient se traduire par un déficit de 6 millions en 2015. Cela équivaudrait à une coupure totale de 3% supérieure à celle que le reste de l’Etat a subie. Je conteste vigoureusement les mesures qui sont venues s’ajouter à la coupe linéaire de 1%. En effet, grâce au dynamisme de l’Université, chaque franc supplémentaire octroyé par l’Etat, entre 2007 et 2013, s’est traduit par une hausse de 5 francs obtenus à l’extérieur (FNS, fonds européens, américains et privés), soit plus de 200 millions. Ce spectaculaire effet de levier ne doit pas être cassé, au contraire! Il profite à toute la collectivité. C’est la raison pour laquelle il est impératif de conserver le mécanisme de la convention d’objectifs pour les années à venir.
3. Je suis moi-même un produit de la démocratisation des études et j’ai fait de l’égalité un point central de mon programme. Tout cela forme un ensemble, qui explique pourquoi je ne souhaite pas que l’on limite l’accès à l’Université. 3. Non. J’ai toujours été catégorique sur ce point et n’ai pas dévié durant la campagne. Ceci d’autant plus que la régulation par les taxes est inefficace et inéquitable. Celle par le numerus clausus l’est tout autant, surtout si elle est basée sur des critères de nationalité. Finalement, il faut rappeler que les formations sont sélectives en elles-mêmes par les exigences qu’elles posent pour l’obtention d’un titre.
4. Là je propose des mesures telles que la création d’un fonds servant à mettre en place un «pont entre les générations» et de lier le statut de boursière d’excellence à une perspective de relève dans notre institution. 4. Les mesures que je propose figurent dans ma lettre d’intention transmise à l’Assemblée. Il faut, en particulier, analyser, faculté par faculté, la structure des postes permanents qui y sont offerts pour s’assurer qu’il existe une pyramide des fonctions susceptible d’offrir des perspectives de promotion. De surcroît, toutes les facultés doivent être dotées d’une commission de la relève académique.
5. Savoir écouter et être entendu, à l’intérieur comme à l’extérieur, pour appliquer avec vigueur une stratégie claire. 5. Le sens du dialogue. La capacité de consulter, de décider puis, lorsque la décision est prise, de s’y tenir. Il doit avoir des qualités de négociateur avec les autorités politiques, la capacité de convaincre et de motiver. Un rassembleur capable de s’entretenir avec ses interlocuteurs en allemand, au sein de la CRUS notamment, et en anglais à l’étranger. Le recteur ne doit pas opposer les différents corps, les facultés ou les centres, mais travailler sans relâche pour offrir les meilleures conditions-cadres à l’ensemble de l’Université.

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