Tous les supraconducteurs décrits par une seule théorie
La supraconductivité a eu chaud! L’édifice théorique de ce phénomène, caractérisé par la disparition de toute résistance électrique, a pu surmonter une de ses principales faiblesses. On pensait en effet que la théorie dite BCS (du nom de ses inventeurs, Bardeen, Cooper et Schrieffer) décrivait incorrectement certains matériaux supraconducteurs, et pas des moindres puisqu’il s’agit des céramiques à base d’oxydes de cuivre (notamment le YBa2Cu3O7−δ ou Y123) qui détiennent le record de la température critique la plus élevée (-139 °C, soit 134° au-dessus du zéro absolu). Le problème était essentiellement dû au fait que certaines propriétés de ces céramiques ne semblaient pas parfaitement coller avec les prédictions de la théorie. Dans un article paru le 8 décembre dans la revue Physical Review Letters, l’équipe de Christoph Renner, professeur au Département de physique de la matière quantique (DQMP, Faculté des sciences), montre qu’en réalité les mesures antérieures mélangeaient différents signaux. Les chercheurs ont réussi à isoler celui qui les intéressait et à constater qu’en fin de compte la supraconductivité de ces céramiques est bel et bien conforme aux prédictions.
Expulser le champ magnétique
Les matériaux supraconducteurs ont la particularité, dès qu’ils passent en dessous d’une certaine température dite critique, d’expulser le champ magnétique, de réduire à zéro la résistance électrique et de laisser circuler sans aucune entrave les charges électriques.
Les supraconducteurs dits de type II, qui incluent la plupart des alliages et des céramiques utilisés pour les bobines supraconductrices des scanners IRM et des accélérateurs de particules, présentent les mêmes propriétés mais au lieu d’expulser totalement le champ magnétique, ils le laissent passer par des «trous», les fameux vortex. La présence et les propriétés de ces tourbillons de courant électrique sont bien expliquées par la théorie BCS.
Pas le bon profil
Le problème, c’est que, jusqu’ici, les vortex dans l’Y123 ne présentaient pas un profil spectroscopique identique à celui prévu par la théorie.
«Nous avons finalement compris que les mesures effectuées sur ces vortex mélangent deux signaux différents, ce qui a faussé leur analyse jusqu’à présent, explique Christophe Berthod, maître d’enseignement et de recherche au DQMP et premier auteur de l’article. D’abord celui, très faible, créé par les électrons supraconducteurs puis celui, dominant, généré par les électrons normaux.»
Les auteurs ont, eux, réussi à soustraire du spectre «mélangé» celui des électrons normaux pour obtenir la seule signature des électrons supraconducteurs, responsables de la création des vortex.
«Il se trouve que le réseau de vortex du Y123 est assez désordonné, précise Christophe Berthod. Nous avons donc dû passer par pas mal de calculs et de simulations pour finalement interpréter correctement nos mesures.» —