20 novembre 2025 -Anton Vos

 

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Staar met l’expérimentation animale sous les projecteurs

Un rapport fait le point sur la transparence dont font preuve 26 institutions publiques ou privées suisses dans le domaine de la recherche sur les animaux.

 

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Image: AdobeStock

 

L’organisation faîtière des hautes écoles suisses, swissuniversities, a publié le 11 novembre le rapport annuel du Swiss Transparency Agreement on Animal Research (Staar). Les entités signataires de cet accord, dont fait partie l’Université de Genève, s’engagent à communiquer ouvertement sur leur pratique de la recherche animale ou sur le soutien qu’elles lui apportent, à promouvoir le dialogue avec le public et les médias sur cette question, à offrir à la population des possibilités de s’informer sur la recherche animale et à rendre compte de leurs progrès en matière de transparence. Sur les 26 institutions membres de Staar, 14 effectuent réellement des recherches sur les animaux tandis que 12 soutiennent le recours à cette pratique. Explications avec Daniele Roppolo, directeur de l’expérimentation animale à l’UNIGE.

 

Le Journal de l’UNIGE: Quels sont les principaux résultats du dernier rapport Staar?

Daniele Roppolo: Cela peut sembler évident aujourd’hui, mais quand Staar a été créé en 2022, une partie seulement des organisations membres publiait des chiffres sur les animaux utilisés dans les expériences. Le premier objectif de l’assemblée de Staar a donc consisté à augmenter la transparence sur ce point. Résultat: de 9 sur 14 en 2022, le nombre de membres détenant des animaux ayant publié ces chiffres est passé à 11 en 2023 puis à 12 en 2024. Les institutions ont créé des pages dédiées sur leur site Internet qu’elles ont souvent enrichies d’autres informations. C’est un premier succès qui leur a permis non seulement d’être plus transparentes avec le public, mais aussi de nourrir la discussion en interne.

 

Est-ce que l’UNIGE remplit sa mission de transparence telle que stipulée dans l’accord?

L’UNIGE suit attentivement les objectifs posés par l’assemblée de Staar et s’efforce de les mettre en place. Nous avons d’ailleurs commencé à publier nos chiffres sur l’expérimentation animale (sur notre site Internet et dans un rapport annuel) avant même la création de Staar. En 2024, pour la première fois, nous avons également fait état du nombre d’animaux utilisés dans la recherche dans le rapport de gestion de l’institution.

 

Y a-t-il des points faibles sur lesquels nous pourrions agir?

Il m’est arrivé de parler avec des collègues qui n’étaient pas au courant de la présence d’animaux d’expérience sur notre campus. Cela peut s’expliquer par le fait que l’UNIGE compte de très nombreux membres, mais nous devons tout de même nous engager à ce que toute la communauté puisse s’informer sur la question sociétale de l’expérimentation animale. C’est pour cette raison qu’en 2023, nous avons soutenu une table ronde sur la question, mise sur pied par une de nos associations estudiantines, avant d’en organiser une autre, en 2024, dans le cadre du Festival Histoire et Cité. Les articles traitant de l’expérimentation animale dans les organes de diffusion de notre institution, notamment Le journal ou Campus nous aident également à atteindre cet objectif.

 

 Pensez-vous que le public soutienne toujours l’expérimentation animale?

Les résultats de plusieurs votations sur le sujet le prouvent. Lors du dernier vote sur l’initiative populaire fédérale pour l’interdiction totale de la recherche sur les animaux, 79,1% de personnes qui ont voté ont rejeté l’idée de se passer des expériences sur les animaux. Mais ce soutien est lourd de responsabilités. Le cadre réglementaire suisse assure la protection des animaux de laboratoire à plusieurs niveaux – dans les animaleries, les laboratoires, lors de leur transport, pendant et après les procédures expérimentales. C’est ce cadre qui justifie la confiance que l’on nous accorde. J’éprouve par ailleurs toujours du plaisir à dialoguer avec les élèves qui préparent leur travail de maturité sur le sujet de l’expérimentation animale et qui nous contactent pour se renseigner. Ces jeunes reconnaissent l’importance de la recherche mais veulent comprendre pourquoi, aujourd’hui encore, nous avons besoin de recourir au modèle animal. C’est notre devoir de le leur expliquer.

 

Est-il possible d’avoir un dialogue constructif avec les associations antispécistes, de protection des animaux ou encore animalistes?

Bien sûr. Nous avons un intérêt commun qui est la protection des animaux. Elle nous tient à cœur, à nous tous. Sur ce terrain d’entente, plusieurs membres de Staar ont établi des programmes d’adoption des animaux par des particuliers: rats et souris de laboratoire sont donnés à des foyers gérés par des sociétés de protection des animaux qui s’occupent ensuite de leur trouver des familles d’adoption. Le succès est total car aucun animal mis à disposition par les laboratoires n’est resté dans un foyer. L’UNIGE s’en est inspirée et travaille sur un programme d’adoption que nous espérons pouvoir lancer bientôt.

 

Si l’on veut améliorer la condition animale de manière générale, le domaine de l’expérimentation animale doit-il être la priorité?

Il faut de toute façon que le domaine de l’expérimentation animale s’améliore. Le principe des 3Rs (replace, refine, reduce) est inscrit dans la Loi fédérale pour la protection des animaux. Ce principe exige qu’on remplace l’utilisation des animaux par une autre méthode quand cela est possible, qu’on améliore leurs conditions de vie sur la base des dernières connaissances en la matière et qu’on réduise au minimum le nombre d’animaux nécessaire. Maintenant, que se passerait-il si ce principe devait s’appliquer à d’autres domaines de la protection des animaux? Doit-on imposer le principe du «remplacer quand cela est possible» à l’alimentation? Doit-on appliquer le principe d’«améliorer en continu les conditions de vie des animaux» aux félins domestiques qui ne sortent jamais de leur appartement? Ou encore «réduire au strict minimum» les animaux utilisés dans les manifestations publiques – y a-t-il vraiment un intérêt public à exposer des chèvres, des moutons ou des vaches au marché de Noël ou sur les réseaux sociaux? Quand on emploie des animaux de laboratoire, le fait de devoir justifier cet acte à chaque fois et de réfléchir à son intérêt pour la société exerce un impact certain sur la perception de l’exploitation des animaux dans d’autres domaines.

 

 

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