17 mars 2022 - Anton Vos

 

Vie de l'UNIGE

L’UNIGE se prépare à l’accueil des étudiant-es touché-es par la guerre en Ukraine

L’UNIGE anticipe un flux important de demandes d’immatriculation d’étudiantes et d’étudiants touché-es par le conflit en Ukraine et assouplit certaines procédures administratives. Elle prépare également l’accueil de chercheurs et chercheuses et défend l’approche d’un dialogue scientifique ouvert.

 

 

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Frontière entre l'Ukraine et la Pologne, 25 février 2022. Des citoyens ukrainiens, en majorité des femmes et des enfants, fuient leur pays depuis l'invasion de l'armée russe.
Photo: B. Zawrze / Anadolu Agency / AFP

Fuyant avec sa mère son pays en guerre, cette jeune Ukrainienne de 18 ans est l’une des premières personnes à s’être adressées à l’Université de Genève où elle espère rejoindre la Faculté de traduction et d’interprétation. Pour elle, cela ne fait aucun doute, la situation catastrophique qui règne en Ukraine est là pour durer. Reconnaissante de l’aide dont elle bénéficie en Suisse, elle est inquiète pour sa vie future et veut avant tout poursuivre ses études. Même angoisse chez cette autre Ukrainienne du même âge, qui aimerait suivre la même filière et qui a exprimé son désir de trouver immédiatement un emploi. Quant à cet Ivoirien, il est venu rejoindre sa tante et se demande maintenant de quelle manière il pourrait poursuivre à l’Université de Genève le cursus qu’il a dû, lui aussi, interrompre en Ukraine à cause des obus et des tanks de Vladimir Poutine.
Ce n’est là qu’un petit échantillon des demandes reçues par l’Université de Genève ces dernières semaines et qui ne cessent d’affluer. En se basant sur le nombre (forcément approximatif à ce stade) de réfugié-es attendu-es en Suisse à la suite de l’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie, le Rectorat se prépare dans le cours de l’année à un afflux de plusieurs dizaines, voire de plus d’une centaine de demandes d’immatriculation de la part d’universitaires touché-es par le conflit. Il a décidé d’assouplir certaines démarches administratives pour accueillir étudiant-es et chercheurs/euses.


 

Toutes nationalités confondues
«Pour toutes et tous les étudiant-es, toutes nationalités confondues, touché-es par le conflit en Ukraine et qui se réfugient en Suisse, nous rallongeons les délais d’inscription jusqu’au 30 avril dans presque toutes les filières (au lieu de fin février), explique Stéphane Berthet, vice-recteur responsable des relations internationales et interinstitutionnelles. Celles et ceux qui disposent de tous les documents et répondent aux critères d’admission pourront entrer à l’Université selon la filière classique. Je précise toutefois que beaucoup de paramètres ne dépendent pas de l’Université de Genève, comme l’attribution des réfugié-es à un canton plutôt qu’à un autre ou encore la délivrance d’un permis de séjour. Il est donc important que les candidat-es entreprennent les démarches nécessaires le plus rapidement possible.»
Pour les candidat-es dont le dossier présenterait quelques manques ou serait hors délai, il est possible de passer par le programme Horizon académique qui offre une intégration académique professionnelle et sociale essentiellement destinée aux personnes relevant de l’asile et de la migration, notamment pour les titulaires des permis de séjour N, F, B et C réfugié. Ce dispositif devrait rapidement être étendu aux titulaires d’un permis S qui accorde un statut de protection collective à un groupe déterminé de personnes pour la durée d’une menace grave.

Égalité de traitement
«Nous devons agir vite, tout en veillant à ne pas créer d’inégalités de traitement et préserver les dispositifs existants, précise Mathieu Crettenand, délégué à l’intégration et responsable d’Horizon académique. Nous faisons tout pour ouvrir l’accès aux études aux personnes touchées par la guerre en Ukraine. Normalement, nous allons pouvoir leur proposer très vite une filière anticipée vers un programme d’études préparatoires d’un an qui comprend notamment un cours de français, une orientation et un suivi dans les facultés.»
Dès leur admission dans l’une ou l’autre des filières, les candidats et les candidates pourront aussi bénéficier de l’entier des prestations universitaires, même s’ils ou elles n’entament leur parcours académique qu’au semestre d’automne. Elles ou ils auront ainsi accès à des services d’urgence tels qu’une aide financière, un soutien psychologique (via une ligne d’écoute gratuite au 022 379 92 00) et un accompagnement médical et psychologique, en plus des services courants tels que la carte multiservice, une adresse électronique et un accès informatique.
Le Fonds national suisse pour la recherche scientifique (FNS) a par ailleurs ouvert un fonds pour accueillir des chercheurs et chercheuses ukrainien-nes, russes ou biélorusses, dont l’Université pourra également bénéficier. Des sources complémentaires de financement sont actuellement à l’étude pour créer des bourses de recherche et répondre à l’entier des besoins. Les personnes concernées peuvent se renseigner en écrivant à integration(at)unige.ch.

Maintenir le dialogue scientifique
Dès les premiers jours suivant l’invasion de l’Ukraine le 24 février dernier, l’Université a pris position en condamnant une violation massive du droit international par la Fédération de Russie. Elle a aussi rappelé l’importance des échanges au sein de la communauté universitaire internationale, «porteuse d’une conception commune de la liberté scientifique et de l’intégrité académique, et vectrice de paix sur la scène mondiale».
À la suite d'une prise de position pro-Poutine de l’Union russe des recteurs le 4 mars dernier, l’Université a rappelé qu’il faut «différencier les relations institutionnelles des relations personnelles entre chercheurs/euses, comme le précise Stéphane Berthet. Ce canal-là doit rester ouvert, beaucoup se sont prononcé-es contre la guerre, contre l’avis de leur direction.» Sur le plan institutionnel, l’Université a suspendu tout nouvel accord avec des institutions russes et tout renouvellement des accords existants.

Quatorze universités russes
L’Université a des accords de collaboration avec 14 universités russes (et une biélorusse). Neuf d’entre eux concernent principalement des programmes d’échange d’étudiant-es et cinq autres sont des accords-cadres ou accords spécifiques pour des collaborations scientifiques directement entre chercheurs/euses. Aucun de ces accords n’implique un flux financier entre l’Université de Genève et la Russie, et chacun d’entre eux est examiné pour s’assurer de sa conformité avec les valeurs et les positions de l’Université de Genève.
Les universités russes avec lesquelles celle de Genève a le plus de contacts sont l’Université d’État des relations internationales de Moscou, l’Université linguistique d’État de Moscou, l’Université de Saint-Pétersbourg et l’Université d’État Lomonossov de Moscou. Avec cette dernière, l’Université de Genève pratique même l’échange d’étudiant-es depuis 1990, basé sur un accord de collaboration qui est l’un des premiers de ce type que l’alma mater ait signé. Si les quatre établissements sont signataires du message de l’Union russe des recteurs, des membres de ces mêmes universités ont, malgré les risques, fait savoir publiquement qu’ils ne soutiennent pas les actions de guerre du pouvoir russe. Trois des partenaires russes de l’Université de Genève n’ont pas signé la déclaration des recteurs russes: l’Université d’État d’Irkoutsk, Skoltech (qui est un institut privé) et l’Académie russe des sciences.

Informations et contacts

 

Le blues des étudiants et étudiantes russes
«Il faut dire au revoir au pays qu’on a connu, il est mort», confie une étudiante russe à la Tribune de Genève datée de mercredi. Elle comme d’autres se trouvant dans la même situation condamnent la guerre en Ukraine. Elles craignent également de ne plus pouvoir rentrer dans leur pays, même après une éventuelle fin du conflit, en raison du durcissement de la répression de toute voix discordante en Russie.
Le malaise de cette petite communauté est palpable. Plusieurs étudiantes et étudiants russes ont également affiché leur opposition à la guerre et leur solidarité vis-à-vis des habitant-es d’Ukraine dans un texte placardé dans les espaces d’affichage libre de l’Université de Genève. Le geste n’est pas anodin puisque les auteur-es précisent que leurs proches resté-es en Russie risquent jusqu’à 15 ans de prison juste à cause de la diffusion de ce message. Ils et elles précisent aussi que malgré leurs craintes, aucune discrimination visant les Russes n’a été observée à ce jour à l’Université de Genève.
En tout, huit étudiant-es et deux doctorant-es boursiers/ères russes – mais aucun-e Ukrainien-ne, ni Biélorusse – sont actuellement en échange à l’Université de Genève. Dans l’autre sens, seul-es quatre étudiant-es genevois-es l’étaient en Russie durant le semestre de printemps 2022. L’alma mater, qui est restée en contact avec elles et eux, leur a conseillé de rentrer en Suisse. Trois l’ont fait. Un seul a décidé de rester.
Pour le semestre d’automne 2022, tous les voyages d’étudiant-es entre la Suisse et la Russie ou l’Ukraine sont par ailleurs de facto suspendus, les déplacements ne pouvant pas être garantis dans l’état actuel. La Russie est en effet classée orange, ce qui signifie que les déplacements y sont actuellement déconseillés, sauf raison impérative. Et l’Ukraine, en proie aux bombardements, est, quant à elle, classée rouge, c’est-à-dire que les séjours n’y sont pas autorisés.

 

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