16 juin 2022 - Jacques Erard

 

Vie de l'UNIGE

Une banderole pour marquer le soutien de l’UNIGE à Fariba Adelkhah

L’Université a hissé une banderole sur la façade d’Uni Mail, le 9 juin dernier, pour rappeler son soutien indéfectible à la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah détenue à Téhéran depuis trois ans.

 

 

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Photo: J. Erard/UNIGE

 

En décernant, lors du Dies academicus 2020, le titre de docteure honoris causa à la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, détenue depuis le 5 juin 2019 par les autorités iraniennes, l’UNIGE rappelait le rôle souverain joué par la liberté académique dans la démarche des scientifiques et dans leur contribution à la société. Ces deux dernières années, les atteintes à la liberté académique ont continué de se multiplier et les conditions de détention de Fariba Adelkhah de s’aggraver. Entre septembre 2020 et août 2021, le réseau Scholars at Risk a recensé pas moins de 332 attaques contre des membres de la communauté académique dans 65 pays, causant quelque 110 décès et conduisant à l’emprisonnement d’une centaine de personnes. Quant à l’anthropologue franco-iranienne, elle était de nouveau incarcérée à la prison d’Evin, à Téhéran en janvier de cette année, après une période d’assignation à résidence. «Son incarcération est incompréhensible et inadmissible, avait dénoncé le recteur Yves Flückiger à cette occasion. En la maintenant en détention, le gouvernement iranien met en danger la santé et même la vie de Fariba Adelkhah.»

 

Le 9 juin dernier, pour marquer son soutien indéfectible à la chercheuse, l’Université de Genève a hissé une banderole sur la façade du bâtiment d’Uni Mail, une démarche à laquelle se sont jointes de nombreuses universités en France et en Europe, engagées dans la défense de la liberté académique. Professeur à la Faculté des sciences de la société et membre du Comité de soutien à Fariba Adelkhah, Didier Péclard a rappelé à cette occasion qu’elle devait être considérée comme une prisonnière scientifique: «Parler de Fariba Adelkhah comme d’une prisonnière scientifique et non pas politique, c’est respecter la façon dont elle a toujours conçu son métier de chercheuse, en toute indépendance. C’est aussi rappeler que les faits qui lui sont reprochés, et les prétendues preuves qui ont été accumulées contre elle, sont ses écrits scientifiques, publiés ou mis en ligne, que chacun-e peut consulter à sa guise.»

Être chercheuse en sciences sociales implique, au jour le jour, de négocier l’équilibre entre participer à la vie sociale et l’observer pour pouvoir expliquer le monde, a souligné la professeure Juliet Fall: «Pour maintenir cet équilibre difficile, il faut cette garantie fondamentale de la liberté académique. La possibilité de choisir ses thèmes de recherche, de définir à quelles questions on souhaite répondre, de participer à des collectifs et des débats au sein du monde universitaire et, au-delà, de publier et de partager ses résultats, d’en débattre avec autrui.»

 

«L’anthropologue que j’étais faisait partie du jeu»

Cet équilibre, Fariba Adelkhah en a fait la marque de fabrique de son travail de terrain. «Elle n’a jamais fait ni plus ni moins que son travail d’anthropologue, attentive aux nuances et aux détails du quotidien, dans ce qu’ils révèlent du fonctionnement de la société iranienne, a relevé pour sa part le vice-recteur Stéphane Berthet. C’est d’ailleurs ce travail qui lui vaut la reconnaissance de ses pairs et qui fait d’elle une des grandes spécialistes de l’Iran contemporain. On lui doit notamment une réflexion profonde sur les dynamiques historiques de la modernité en Iran ainsi que sur la problématique des relations que l’Iran a entretenues, dans la durée, avec le reste du monde. Formidable enquêtrice de terrain, restituant avec subtilité et ironie les faits relevés, mais avec toujours beaucoup d’empathie et de respect pour les gens qu’elle étudie, elle a su rendre intelligibles, de façon particulièrement nuancée et subtile, les transformations sociales et religieuses qu’a connues l’Iran post-révolutionnaire.»

Fariba Adelkhah est l’auteure notamment des Paradoxes de l’Iran (Le Cavalier Bleu, 2013) et des Mille et une frontières de l'Iran. Quand les voyages forment la nation (Karthala, 2012). Dans ce dernier ouvrage consacré à son travail de terrain, elle déclarait: «Cette recherche a été une école de vie. Je m’y suis jetée sans méfiance ni a priori parce que le terrain allait de soi et que sa fluidité était en quelque sorte celle-là même des voyages qui en étaient l’objet. Ce qui ne m’a pas évité certaines expériences désagréables, voire intimidantes (…). Dire que je n’ai jamais eu peur ni jamais eu le sentiment d’être soupçonnée serait mentir. Mais, pour autant, ce travail de terrain n’a rien eu d’héroïque. Simplement, j’ai éprouvé cette condition d’un statut inhabituel, aux marges des rapports sociaux et même des pratiques professionnelles en usage dans les milieux universitaires, qu’éprouvent eux-mêmes les voyageurs que j’ai croisés, de leur point de vue. Je me suis prise au jeu, mais sans jamais me jouer des personnages que j’ai étudiés (…). Ou plutôt, l’anthropologue que j’étais faisait partie du jeu.»

 

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