L'Ecole de Genève

La littérature est inconcevable sans ce qui la prolonge et l’interroge: la critique. Celle-ci ne se fait pas dans le vide et il arrive parfois qu’un département de littérature lui insuffle un esprit où se reconnaît un courant de pensée, une proximité d’intentions et de recherche. Albert Thibaudet (1874-1936) enseigna pendant plusieurs années à Genève et fut le maître de Marcel Raymond (1897-1981), qui lui succéda de 1937 à 1962. Une communauté de maîtres et d’élèves se forma autour de celui-ci, par delà les limites géographiques, avec Albert Béguin (1898-1957), Georges Poulet (1902-1991), Jean Rousset (1910-2002), Jean-Pierre Richard (1922-2019) et Jean Starobinski (1920-2019) : deux générations de critiques certes bien distincts les uns des autres, mais partageant une vision non dogmatique de la littérature, qui relie les faits littéraires à la conscience humaine tout en maintenant l’exigence d’une lecture attentive des œuvres. Ce fut Georges Poulet, au début des années 1960, qui eut l’idée d’appeler ce groupe «École de Genève». Cette école, ou plus exactement cet esprit, s’est perpétué et renouvelé à travers l’enseignement de Michel Butor, Lucien Dällenbach, Michel Jeanneret, Alain Grosrichard, Antoine Raybaud, Philippe Renaud. De maître à élève, de thèse en thèse, à travers les mutations du monde intellectuel et des institutions universitaires, l’équipe actuelle continue la tradition de l’«École de Genève»: l’enseignement et la recherche au Département de langue et de littérature françaises modernes visent à une critique ouverte qui confirme le souci constant de ne pas isoler la littérature des autres savoirs et de respecter en même temps sa spécificité en tant que phénomène de langage et de style.