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Initiative européenne majeure autour d’une maladie génétique rare

Inconnue jusqu’en 2013, l'encéphalopathie GNAO1 est une maladie rare causée par des mutations dans le gène GNAO1 provoquant dès la naissance de graves handicaps moteurs et intellectuels. En 2022, Vladimir Katanaev, professeur au Département de physiologie cellulaire et métabolisme, découvrait qu’un traitement simple à base de zinc pourrait changer la vie de ces enfants. Aujourd’hui, le Programme européen sur les maladies rares réunit dans une nouvelle initiative huit équipes cliniques et de recherche ainsi que des associations de patientes et patients pour booster la recherche fondamentale et clinique sur cette maladie méconnue. Vladimir Katanaev aura la charge de son volet fondamental.

Numéro 47 - février 2024

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© iStock

Professeur Katanaev, quels sont les caractéristiques de l'encéphalopathie GNAO1?

Il s’agit d’un trouble neurodéveloppemental causé par des mutations sur le gène GNAO1, identifié pour la première fois en 2013. Le remplacement d’un acide aminé par un autre dans une séquence protéique codée par ce gène perturbe un mécanisme d’activation et de désactivation de la protéine et modifie la capacité des neurones à communiquer correctement avec leur environnement. Les résultats sur la construction du cerveau sont dévastateurs: retard du développement intellectuel et moteur, mouvements incontrôlables, ou encore épilepsie parfois accompagnée de lésions et d’atrophies cérébrales. En dix ans, environ 200 cas ont été identifiés, mais l'étendue de la maladie et sa progression ne sont pas encore totalement comprises.

Vous avez fait en 2022 une découverte inattendue...

Je travaille sur ce gène depuis une vingtaine d'années. Lorsque les premiers malades ont été décrits en 2013, j’ai naturellement cherché à décrypter les causes moléculaires de la maladie, poussé notamment par des parents d'enfants atteints qui m’avaient contacté. Comprendre les mécanismes les plus fins de cette mutation m’a conduit à tester des centaines de molécules afin d’évaluer leur effet. Or, surprise: le zinc, un produit connu depuis des décennies, semble avoir un effet positif sur les symptômes de ces enfants.  
Ce traitement a commencé à être appliqué dans le monde entier.

Après la découverte de la cause exacte de cette maladie, des associations de patientes et patients se sont peu à peu constituées, de même que des réseaux de scientifiques et de médecins. Cela a permis l’émergence de synergies, puis la dépose de demande de subsides importants. Nous avons ainsi pu obtenir un financement paneuropéen dans le cadre du European Joint Programme on Rare Diseases, co-financé par le FNS. Notre projet réunit huit équipes en Italie, en Suisse, en Espagne, en France, au Royaume-Uni, en Turquie, en Israël, et aux Pays-Bas, et inclut aussi ainsi des associations de malades.

Quel est l’objectif principal de ce grand projet européen?

Sous le titre "European Natural History Study and search for novel biomarkers in GNAO1 associated disorders", ce projet comporte deux volets. Le volet clinique vise à analyse l’histoire médicale d’une cohorte de 90 malades. Il s'agira d'évaluer et de suivre leur histoire clinique à l'aide d'une série de mesures quantitatives, notamment cliniques (troubles du mouvement, cognition, sommeil, nutrition), ou encore des évaluations de la qualité de vie. En recueillant ces données longitudinales, nous souhaitons mieux comprendre l'évolution de la maladie et identifier les facteurs susceptibles d'influencer les résultats.

Et en termes de recherche fondamentale?

Le volet académique, dont je suis responsable avec la Dre Paola Bonsi, une collègue italienne, vise à explorer le rôle de la neuroinflammation et à identifier de nouveaux biomarqueurs afin de prédire la gravité de la maladie, l'évolution de l'état de santé des enfants et l’efficacité des traitements médicaux — actuels comme ceux que nous sommes en train de mettre au point. Parmi ces biomarqueurs, mon laboratoire se concentrera sur l'analyse du microbiome des malades et du modèle murin de la maladie. En effet, GNAO1 est également exprimé dans l'intestin et tous les malades présentent, en plus des syndromes neurologiques, divers problèmes au niveau du système digestif. Nous allons donc étudier les modifications morphologiques et histologiques de l'intestin des souris modèles et analyser leur microbiome.

Quand espérez-vous les premiers résultats concrets?

Nos premiers résultats sont déjà très motivants. Et le programme EJP Rare va permettre d’amplifier encore plus ce dynamisme déjà prometteur. Par exemple, une nouvelle recherche menées par des équipes cliniques norvégiennes, françaises et suisses sur une nouvelle mutation du gène GNAO1 et les mécanismes moléculaires qui lient cette mutation à la maladie a été récemment publiée. D’autres résultats, obtenus avec des collègues en Allemagne, décrivent non seulement une nouvelle mutation de GNAO1, mais aussi des manifestations cliniques qui n’avaient jamais encore été associées à cette maladie – proches des symptômes de la maladie de Parkinson. Nous travaillons aussi, avec une  autre équipe, sur les détails d’action du zinc sur les différentes mutations en cause et sur ses résultats en clinique. Le soutien de l’Union européenne à notre alliance de scientifiques, de médecins et d’associations de patient-es pourrait ainsi faire une réelle différence pour ces enfants et de leur famille.

Vladimir Katanaev
Professeur ordinaire, Département de physiologie cellulaire et métabolisme & Centre de recherche translationnelle en onco-hématologie

Relire le communiqué de presse «Le zinc pour traiter une maladie génétique rare»

Yonika A. Larasati, Mikhail Savitsky, Alexey Koval, Gonzalo P. Solis, Jana Valnohova, Vladimir L. Katanaev, Science Advances, 7 Oct 2022, Vol 8, Issue 40.

DOI: 10.1126/sciadv.abn9350

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