Troisième partie
La vitesse qualitative🔗
Rien ne paraît plus simple qu’un déplacement : abstraction faite de sa vitesse, il semble évident que le mouvement se traduise en chemin parcouru, et que celui-ci soit l’objet d’une intuition immédiate. Or, nous venons de voir que le déplacement consistait essentiellement en un changement de position ou de placement, les mouvements s’évaluant d’abord à l’ordre de succession de leurs seuls points d’arrivée, et que la notion de chemin parcouru ne se dessinait clairement qu’à titre d’intervalle entre les points ordonnés de départ et d’arrivée et après seulement que les opérations de placement ou d’ordre étaient constituées.
La vitesse, au contraire, peut paraître plus complexe : en tant que rapport entre un espace et un temps, il semblerait qu’elle dût attendre pour se constituer que soient achevées les opérations relatives à la construction des notions de chemin parcouru et de durée. Mais, s’il en est bien ainsi de la notion métrique de la vitesse, n’existerait-il pas une intuition primitive de la rapidité et peut-être même un système d’opérations qualitatives fondant la vitesse sur l’ordre comme le mouvement lui-même ? Et si, de ce point de vue, la vitesse inhérente à un seul mobile reste inanalysable parce qu’absolue, la comparaison de deux vitesses ne pourrait-elle procéder de cette autre idée d’ordre qu’est le dépassement ?