16 novembre 2023 - Rachel Richterich

 

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Autisme: «Réfléchir à la terminologie, c’est déjà faire un pas vers l’autre»

La Faculté de traduction et d’interprétation organise une journée d’étude destinée notamment à explorer des manières plus respectueuses de parler de l’autisme.

 

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Image: C. Serrano


Sentir le poids des mots et l’importance de les choisir avec soin, tel est l’objectif de la Journée de formation et de recherche consacrée à la neuro-diversité organisée le 20 novembre par la Faculté de traduction et d’interprétation (FTI). Il y sera question de la charge potentiellement stigmatisante de certaines terminologies utilisées pour qualifier des fonctionnements atypiques et en particulier l’autisme. Étudiante en master à la FTI, Chloé Barsoum consacre son mémoire à l’identification de manières plus respectueuses de parler de ces personnes et de leur différence. Entretien.


Le Journal: Qu’entend-on par «neuro-diversité» et pourquoi la Faculté de traduction et d’interprétation s’y intéresse-t-elle?
Chloé Barsoum:
La neuro-diversité décrit l’ensemble des différents fonctionnements neurologiques et traits comportementaux qui font partie de l’espèce humaine. Sa prise en compte vise principalement à faire reconnaître les fonctionnements neurologiques atypiques comme des variantes de la norme plutôt que comme des anomalies. Parmi ces variantes figurent les troubles du neuro-développement, dont font partie l’autisme, le trouble de l’attention, les troubles de la communication, les troubles spécifiques des apprentissages ou encore les troubles moteurs et le handicap intellectuel. À travers cette journée d’étude, la FTI vise à faire se rencontrer les domaines scientifique et langagier, afin d’amorcer une réflexion sur la façon de parler de cette neuro-diversité. Les mots ont en effet une incidence directe sur les représentations que l’on en a dans notre société.

 

Vos recherches se concentrent principalement sur l’autisme, qu’est-ce qui caractérise ce fonctionnement neurologique?
Trois caractéristiques sont toujours identifiées. Premièrement, les personnes concernées éprouvent des difficultés dans les interactions sociales. Deuxièmement, elles manifestent des intérêts restreints, c’est-à-dire des passions dévorantes pour certains sujets qui peuvent être doublées de comportements répétitifs. Enfin, elles présentent des spécificités sensorielles, telles que des hypo ou des hypersensibilités à certains stimuli.

 

Qu’est-ce qui pose problème dans notre manière de parler de l’autisme?
La façon dont on évoque ce trouble est souvent connotée négativement, et ce, de diverses manières. Dans le langage centré sur la personne, qui est majoritairement employé par le corps médical, les différents experts et les partenaires sociaux avec la volonté de bien faire et dans l’idée de ne pas réduire la personne à son trouble, on parle par exemple plus volontiers de «personne avec autisme» que de «personne autiste». Mais, ce faisant, on renforce la stigmatisation.

 

De quelle manière?
En parlant de «personne avec autisme» on dissocie artificiellement la personne de sa condition, comme s’il s’agissait de mettre à distance une grave déficience qu’il faudrait traiter et éradiquer. Comme si ces personnes, dont le cerveau s’est simplement développé différemment, devaient pouvoir déposer le fardeau que constitue l’autisme. De plus, cette formulation renvoie implicitement à «personne sans autisme». Or, dans les pays anglophones et francophones, la plupart des personnes autistes revendiquent le fait que cette variante fait partie intégrante de leur personne. À cela s’ajoute la charge négative véhiculée par l’utilisation de termes négatifs présents dans les notions de «risque» d’autisme, d’«autisme sévère» ou d’«autisme profond». Cela laisse par ailleurs entendre que l’autisme dit «léger» ou «de haut niveau» serait facile à vivre, ce qui n’est pas le cas.

 

Quelle serait la bonne terminologie pour parler de l’autisme?
Il semble que le langage centré sur l’identité en parlant de personnes autistes est plus respectueux. Et plutôt que de parler de «comportements-problèmes», une terminologie qui ne dit rien du vécu de la personne ou de ses proches, il conviendrait de décrire de manière factuelle la situation en essayant de donner ses causes.

 

Par exemple?
Dans le cas d’une crise autistique, par exemple, au lieu de parler de «comportements-problèmes», il pourrait être plus utile et moins dénigrant de parler de «comportements-défis» et de décrire le plus objectivement possible la situation (sans pour autant abandonner des termes précis): la personne a-t-elle des comportements d’auto ou d’hétéro-agression? Observe-t-on une intensification de ses stéréotypies? Quel est ou quels sont les événements susceptibles d’être à l’origine de cette crise? S’agit-il d’une surcharge sensorielle? Ce faisant, on retirerait à la fois la part de fantasme, la charge émotionnelle et le jugement qui contribuent à stigmatiser et donner une représentation négative de l’autisme dans notre société. Réfléchir à la terminologie, c’est déjà faire un pas vers l’autre.

TRADUCTION ET NEURODIVERSITÉ

Journée de formation et de recherche

Lundi 20 novembre | 10h30-17h | Uni Mail, salle 6050


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