Programme innovant
Mon programme est-il innovant?
Je coordonne une formation et je me demande si elle est innovante.
J’aimerais que l’on puisse qualifier mon programme d’innovant.
L’innovation pédagogique est l’une des priorités de l'Université de Genève. L’UNIGE soutient et valorise les innovations portées par une personne ou par une équipe enseignante.
Dans ce contexte, on parle de plus en plus des «programmes innovants».
Que désigne exactement cette expression? Comment innover à l’échelle d’un programme?
Qu’est‑ce que l’innovation pédagogique?
On associe spontanément le terme «innovation» à l’idée d’une transformation, d’un changement. Mais, en contexte universitaire, de quel changement parle‑t‑on?
Si toute innovation constitue un changement, tout changement n’est pas une innovation.
(Lison, Bédard, Beaucher, & Trudelle, 2014, p.2)
L’innovation pédagogique dans le supérieur implique «un changement qui s’éloigne de la norme et qui rehausse la qualité des apprentissages des étudiants» (Bédard & Béchard, 2009, p.36).
Comme le souligne Berthiaume (2011), innovation ne signifie pas forcément invention. Innover peut certes impliquer de développer une nouveauté, quelque chose d’inédit. Mais il peut aussi s’agir d’implanter dans un contexte une nouveauté ou une pratique déjà en place ailleurs.
Pour déterminer si un changement constitue une innovation pédagogique, il faut selon cet auteur considérer deux critères: la culture locale dans laquelle il s’insère, ainsi que l’objectif visé. Ainsi toute action pédagogique peut être qualifiée d’innovante si elle s’éloigne des pratiques habituelles en matière d’enseignement et d’apprentissage dans le contexte donné, et qu’elle vise à améliorer l’expérience d’apprentissage des étudiant-es.
L’innovation en pédagogie universitaire peut prendre plusieurs formes: elle peut par exemple consister à modifier les stratégies d’enseignement, les méthodes d’apprentissage, les dispositifs pédagogiques, l’organisation du programme ou encore la finalité des études (Berthiaume, 2011).
Comment définir l’innovation pédagogique à l’échelle d’un programme?
En s’inspirant de différentes contributions dont celle de Lison et al. (2014), on peut considérer qu’innover au niveau d’un programme implique de:
- modifier l’ensemble ou une partie importante de la formation;
- mettre en place un changement par rapport aux façons actuelles d’enseigner et d’apprendre dans le programme;
- viser des apprentissages plus profonds, durables et transférables chez les étudiant‑es.
Par exemple, l’approche par résolution de problèmes peut contribuer à rendre un programme innovant si:
- elle est introduite dans plusieurs enseignements du programme;
- elle représente une nouveauté par rapport aux pratiques pédagogiques existantes au sein du programme;
- elle vise un bénéfice au niveau des apprentissages des étudiant‑es.
À l’opposé, renforcer l’usage d’une technologie déjà largement répandue au sein du programme ou de l’institution n’est pas forcément une innovation pédagogique. Adopter une nouveauté (méthode, outil) parce que c’est «à la mode» sans nécessairement viser une plus‑value pour l’apprentissage, non plus.
A quoi reconnaît‑on un programme innovant?
On trouve dans la littérature plusieurs pistes pour répondre à cette question. En guise de synthèse des différentes sources consultées (listées dans l’onglet «Références et ressources»), voici quelques caractéristiques qui peuvent s’appliquer aux programmes innovants:
- une organisation et un fonctionnement selon l’approche programme. Selon cette approche, l’équipe enseignante échange à propos de l'enseignement, se coordonne et pilote le programme de façon collégiale. Elle a une vision partagée du profil qu’auront les étudiant‑es à la sortie du programme (Prégent, Bernard, & Kozanitis, 2009). En savoir plus sur l’approche-programme.
- une ouverture à la mobilité et l’interdisciplinarité. On peut établir des collaborations avec d’autres disciplines à l’intérieur ou à l’extérieur de la faculté ou de l’institution. Cela implique souvent de prévoir des fenêtres de mobilité et une flexibilité dans le parcours des étudiant‑es. Une formation organisée en modules, par exemple, peut favoriser la concertation entre enseignant‑es et contribuer à réduire le cloisonnement disciplinaire.
- des contextes d’apprentissage authentiques, proches des situations que pourraient rencontrer les étudiant‑es dans leur vie citoyenne ou dans leurs futures activités professionnelles, académiques ou non. Cela contribue à donner du sens à la formation. Il peut être utile d’impliquer des acteurs et actrices du monde socioprofessionnel lorsque l'on crée ou ajuste le programme. On peut renforcer et expliciter les liens entre les cours d’un programme, entre la théorie et la pratique, entre l’expérience académique et celle acquise hors des murs de l’université. Cela favorise le transfert des apprentissages dans d’autres contextes, un aspect au cœur de plusieurs programmes innovants.
- des méthodes d’enseignement centrées sur l’étudiant‑e, où la personne qui apprend joue un rôle actif dans son apprentissage. On peut par exemple intégrer des doses d’interactivité dans les cours magistraux. On peut aussi remplacer les exposés par d’autres stratégies d’enseignement qui impliquent l’étudiant‑e et l’engagent d’un point de vue cognitif (apprentissage par problèmes, projet intégrateur, production originale, étude de cas, jeu de rôles, débat, classe inversée, travail réflexif, etc.), l'amènent au questionnement et à la prise de recul.
- des méthodes d’évaluation cohérentes, c’est‑à‑dire alignées sur les objectifs d’apprentissage visés et les méthodes d’enseignement innovantes utilisées. L’évaluation en situation complexe et authentique est privilégiée dans un programme innovant. On peut aussi intégrer de l’évaluation formative, en recourant par exemple à l’auto‑évaluation et l’évaluation par les pairs.
- des dispositifs stimulants qui permettent une expérimentation utile pour l’apprentissage des étudiant‑es et soutiennent leur motivation. Ces dispositifs peuvent faire appel aux technologies (serious games, simulation en environnement virtuel, forums, wiki, e‑portfolio, etc.), mais pas obligatoirement. Il peut être pertinent et innovant d’intégrer à un cursus une visite, une sortie, un stage, un travail de terrain, une expérience en laboratoire, un voyage d’études, etc. De plus en plus de programmes intègrent des activités liées au projet professionnel de l'étudiant‑e.
- des formats d’apprentissage qui responsabilisent l’étudiant‑e, qui soutiennent son autonomie intellectuelle et lui permettent de développer des compétences transversales (stratégies d’apprentissage, gestion de l’information, collaboration, communication, etc.). Proposer des activités à distance en recourant aux technologies éducatives peut favoriser l’autonomisation et l’engagement des étudiant‑es tout comme le développement de leurs compétences numériques. Les communautés d’apprentissage, le mentorat et le tutorat sont aussi des options intéressantes. En savoir plus sur le peer‑to‑peer à l’UNIGE.
Cette liste de caractéristiques n’est bien sûr pas exhaustive et est amenée à évoluer.
Par ailleurs, le degré d’innovation peut varier d’un programme à l’autre. On peut imaginer que ces caractéristiques soient introduites à petite ou à grande échelle dans une formation. Pour innover à l'échelle d'un programme, il est possible de mettre l’accent sur l’une de ces caractéristiques en particulier, ou encore d’en cibler plusieurs simultanément.
Parmi tous les leviers à votre disposition pour rendre un programme innovant, le(s)quel(s) choisirez‑vous?
Quelles questions se poser pour concevoir une innovation?
Vous envisagez d’innover et aimeriez savoir ce qu’il est possible et pertinent de mettre en place dans votre programme?
Nous vous recommandons de tenir compte de certaines réalités.
Pour ce faire, voici quelques questions qu’il est utile de se poser. Ces questions s’appuient sur les idées de Barnett et Coate (2005), Béchard et Bédard (2009) et Berthiaume (2011), et sur le retour d’expérience d’équipes enseignantes à l’UNIGE. Elles concernent 3 dimensions importantes :
1. La discipline du programme
- Quels savoirs et techniques se développent actuellement en lien avec votre discipline?
- Votre discipline est‑elle à l’interface d’autres disciplines? Pouvez-vous prévoir l’émergence d’espaces interdisciplinaires?
- Quelles sont les spécificités de votre discipline et comment se reflètent‑elles dans l’enseignement?
- En quoi l’enseignement de votre discipline se distingue‑t‑il de l’enseignement d’autres disciplines?
- Quelles sont les nouvelles tendances dans l’enseignement supérieur de votre discipline, ici et ailleurs?
- Comment peut‑on viser le développement intellectuel de haut niveau des étudiant‑es dans votre discipline?
- Quel est le poids accordé à l’apport de connaissances théoriques (savoirs), la mise en action de l’étudiant‑e (savoir‑faire), la réflexion sur soi et sur les autres (savoir‑être)?
- Comment ces dimensions (savoirs, savoir‑faire, savoir‑être) s’articulent‑elles dans votre programme? Cela pourrait‑il évoluer?
Le saviez‑vous? L’ équipe du pôle SEA peut effectuer pour vous une veille des tendances dans l’enseignement universitaire de votre discipline. Nous pouvons aussi partager avec votre équipe les récents apports de la recherche en pédagogie universitaire.
2. La culture des acteurs et actrices du programme
- Quels groupes de personnes seraient touchés par une innovation pédagogique dans votre programme?
- Quel est leur degré d’ouverture à la pédagogie, à l’innovation pédagogique, au changement en général?
- Ces personnes perçoivent‑elles le besoin de changer?
- Quelles attitudes peut‑on anticiper face à une innovation pédagogique? (engouement, résistance, craintes…)
- Quelles sont les conceptions des personnes vis‑à‑vis de l’enseignement et de l’apprentissage?
- Comment les enseignant‑es et les étudiant‑es de votre programme perçoivent‑ils leurs rôles respectifs?
- Qu’est‑ce qui encouragerait les acteurs à s’investir? Qui pourrait fournir un appui fort à l’innovation?
- Comment leurs efforts seraient‑ils encouragés, reconnus, valorisés?
Le saviez‑vous? Les recherches montrent qu’il est important de préparer l’équipe enseignante à la mise en place d’une innovation dans un programme et de l’accompagner tout au long de l’implantation (Bédard & Béchard, 2009). Le pôle SEA peut vous accompagner dans ces démarches. Consultez notre offre d’accompagnement
3. Les ressources allouées au programme
- De quelles ressources humaines, matérielles et financières dispose le programme?
- Ces ressources seraient‑elles suffisantes pour permettre le changement visé?
- Seraient‑elles disponibles à long terme pour permettre un changement pérenne?
- Quel soutien serait nécessaire? (politique, technique, pédagogique...)
- Quel budget prévoir?
- Comment optimiser l’utilisation de ressources existantes?
- Peut‑on mutualiser certaines ressources? Bénéficier d’innovations mises en place par d’autres équipes?
- Des ressources supplémentaires pourraient‑elles être obtenues si nécessaire? Auprès de quelle instance?
Le saviez-vous? À l’UNIGE, plusieurs fonds sont à votre disposition pour le développement de projets pédagogiques innovants. Visitez notre page Innovations et projets.
Vous poser ces questions vous aidera à cerner la nature et l’envergure des changements possibles. Cela vous permettra d’implanter des changements adaptés à votre contexte. Ces questions peuvent aussi vous aider à réunir les conditions propices à l’innovation dans votre programme.
Vous vous demandez pourquoi innover? Découvrez quelques avantages ici.
Sources consultées pour constituer ce dossier thématique
Barnett, R., & Coate, K. (2005). Engaging the curriculum in higher education. Maidenhead, England; New York: Society for Research into Higher Education: Open University Press.
Béchard, J.-P., & Bédard, D. (2009). Quand l’innovation pédagogique s’insère dans le curriculum. In D. Bédard & J.-P. Béchard (éd.), Innover dans l’enseignement supérieur (p. 45-59). Paris: Presses universitaires de France.
Bédard, D., & Béchard, J.-P. (2009). L’innovation pédagogique dans le supérieur: un vaste chantier. In D. Bédard & J.-P. Béchard (éd.), Innover dans l’enseignement supérieur (p. 29-43). Paris: Presses universitaires de France.
Berthiaume, D. (2011). Innovation et pédagogie universitaire. In M.-J. Barbot & L. Massou (éd.), TIC et métiers de l’enseignement supérieur. Emergences, transformations (p. 53‑66). Nancy: Maison des Sciences de l’Homme - Lorraine
Lison, C., Bédard, D., Beaucher, C., & Trudelle, D. (2014). De l’innovation à un modèle de dynamique innovationnelle en enseignement supérieur. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 30 (1). Consulté à l’adresse http://ripes.revues.org/771
Poumay, M. (2014). Six leviers pour améliorer l’apprentissage des étudiants du supérieur. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 30 (1). Consulté à l’adresse http://ripes.revues.org/778
Roegiers, X. (2012). Quelles réformes pédagogiques pour l’enseignement supérieur? Placer l’efficacité au service de l’humanisme. Bruxelles: de Boeck.
St-Pierre, L., Bédard, D., & Lefebvre, N. (2012). Enseigner dans un programme universitaire innovant: de nouveaux rôles à apprivoiser, des actes pédagogiques à diversifier, The Canadian Journal for the Scholarship of Teaching and Learning 3 (1), Article 6. Consulté à l'adresse http://ir.lib.uwo.ca/cjsotl_rcacea/vol3/iss1/6
D’autres ressources pour aller plus loin
Bédard, D., & Béchard, J.-P. (Éd.). (2009). Innover dans l’enseignement supérieur. Paris: Presses universitaires de France.
Biggs, J., & Tang, C. (2011). Teaching for Quality Learning at University (4e éd.). Berkshire: Open University Press.
Lemenu, D., & Heinen, E. (Éd.). (2015). Comment passer des compétences à l’évaluation des acquis des étudiants ? Guide méthodologique pour une approche programme dans l’enseignement supérieur. Louvain-la-Neuve: De Boeck.
Lison, C. & Jutras, F. (2014). Innover à l’université: penser les situations d’enseignement pour soutenir l’apprentissage. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 30(1). Consulté à l’adresse http://ripes.revues.org/769
Prégent, R., Bernard, H., & Kozanitis, A. (2009). Enseigner à l’université dans une approche-programme: guide à l’intention des nouveaux professeurs et chargés de cours. Montréal: Presses internationales Polytechnique.
Rege Colet, N., & Romainville, M. (Éd.). (2006). La pratique enseignante en mutation à l’université. Bruxelles: De Boeck Université.
Viau, R. (2014). Savoir motiver les étudiants. In L. Ménard & L. Saint-Pierre (éd.), Se former à la pédagogie de l’enseignement supérieur (p. 235‑254). Montréal: Chenelière Education.
Wald, N., & Harland, T. (2017). A framework for authenticity in designing a research-based curriculum, Teaching in Higher Education. Consulté à l’adresse http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13562517.2017.1289509
Les ouvrages sont disponibles au pôle SEA, visitez notre bibliothèque pour les consulter ou les emprunter.