18 février 2021 - UNIGE

 

Analyse

«La nouvelle dynamique des conflits appelle à une profonde réforme de l’action humanitaire»

Branch, un consortium international d’institutions académiques, dont l’Université de Genève à travers son Centre d’études humanitaires, publie dans la revue «The Lancet» une série de cinq articles visant à mieux comprendre les besoins en matière de sexualité, de reproduction et de santé maternelle et infantile dans les situations de conflits armés. Explications.

 

 

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Une infirmière du CICR lors d’un de discussion sur le VIH/sida avec des patientes. Photo: ICRC/Christoph von Toggenburg


Les conflits armés touchent de manière disproportionnée les femmes et les enfants. Dans un contexte où la modification constante des dynamiques des conflits, le rôle croissant des groupes armés non étatiques et l’instrumentalisation des populations civiles rendent les interventions sanitaires de plus en plus difficiles, cette triste réalité interpelle le secteur humanitaire.

 

«Le mépris du droit, l’impunité lors de violations graves du droit des conflits armés et l’incapacité grandissante de la communauté internationale à prévenir et à atténuer les effets directs et indirects de la guerre appellent à une profonde réforme de l’action humanitaire, estime ainsi Karl Blanchet, professeur à la Faculté de médecine et directeur du Centre d’études humanitaires Genève (GCHS). À cela s’ajoutent encore d’autres facteurs externes, comme le changement climatique et l’urbanisation, qui peuvent modifier à la fois les déterminants du conflit et les paramètres de l’intervention humanitaire.»

En utilisant une variété de méthodes, un panel international d’expert-es et de professionnel-les de la santé réuni-es au sein du consortium Branch a décidé d’unir ses forces pour analyser la nature et la dynamique de la santé des femmes et des enfants dans divers contextes de conflit. Objectif: disposer de données vérifiées et être en mesure de fournir des conseils pragmatiques à tous et toutes les acteurs-trices concerné-es – politiques, agences de terrain ou encore personnes chargées de promouvoir le respect du droit des conflits armés. Cette initiative a récemment débouché sur la publication d’articles dans la revue scientifique médicale The Lancet.

 

Soutenir la créativité des acteurs/trices de terrain

«De plus en plus, les interventions humanitaires doivent être évaluées dans un but d’efficacité, mais aussi de transparence et de redevabilité, souligne Karl Blanchet, qui siège au comité directeur de Branch. Il faut définir un socle technique d’intervention commun, tout en reconnaissant la nécessité d’une adaptation constante aux populations concernées et aux changements de leur environnement de vie ou de survie.»

L’équipe dirigée par Karl Blanchet a passé en revue la situation dans dix pays en guerre: Afghanistan, Colombie, République démocratique du Congo, Mali, Nigeria, Pakistan, Somalie, Soudan du Sud, Syrie et Yémen. «Nous avons choisi à dessein des pays très différents, tant au niveau des dynamiques de conflit que de la situation sanitaire ou encore du contexte culturel», explique-t-il. Des conclusions générales peuvent néanmoins être tirées de ces analyses, notamment sur les grandes disparités d’accès aux soins au sein d’un même pays, ou encore le fait que bien souvent ce sont les priorités des donateurs et donatrices – et non celles des populations – qui définissent la mise en œuvre des interventions sanitaires. Même si l’exhaustivité et la qualité des données restent limitées dans les situations de conflit, ajoute le professeur, le système humanitaire – et en premier lieu les acteurs-trices locaux/ales qui connaissent bien leur terrain d’intervention – est créatif et a développé des solutions innovantes. Il faut cependant en évaluer l’efficacité pour ensuite les promouvoir.

 

 

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