Journal n°118

Les protéines qui font tomber les feuilles

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En se liant les unes aux autres, trois molécules déclenchent le processus d’abscission dans les cellules entourant le point d’attache des feuilles ou des fleurs

Quand vient l’automne, de nombreuses plantes perdent leurs feuilles. Cela leur permet de conserver l’énergie nécessaire pour passer l’hiver et recommencer un nouveau cycle de vie une fois le printemps venu. Un article paru le 8 avril dans la revue eLife dévoile quelques nouveaux rouages dans le mécanisme moléculaire qui déclenche l’abscission, ce phénomène qui voit les végétaux se défaire de leurs organes (feuilles ou fleurs) devenus inutiles ou endommagés.

Petite «niche»

«La perte des organes floraux implique une protéine réceptrice (appelée HAESA), située à la surface des cellules entourant le futur point de scission, explique Michael Hothorn, professeur au Département de botanique et biologie végétale (Faculté des sciences). Lorsqu’il est temps de se séparer d’un organe, ce récepteur membranaire est rejoint par une petite hormone appelée IDA. Notre travail a consisté à étudier plus en détail l’interaction, encore méconnue, entre ces deux protéines.»

En déterminant la structure cristalline d’HAESA dans la configuration spécifique où elle est liée à IDA, les chercheurs ont découvert que la première contient une petite «niche» parfaitement adaptée, en apparence, à la seconde. Cependant, dans les faits, l’hormone ne se lie qu’à moitié au récepteur.

Afin que le processus d’abscission s’engage pleinement, Michael Hothorn et ses collègues ont remarqué qu’un autre élément est nécessaire. Il s’agit de la protéine auxiliaire SERK1. Lorsque les trois protagonistes sont en présence, IDA fonctionne alors comme un ruban adhésif double face, faisant adhérer HAESA à SERK1 et maintenant l’intégralité du complexe. Une fois formé, ce dernier active l’interrupteur moléculaire qui indique à la cellule de se séparer de la feuille ou de la fleur.

Afin de vérifier leurs résultats, les biologistes ont étudié des variétés génétiquement modifiées de la plante modèle Arabidopsis thaliana et ont confirmé le rôle de SERK1 dans le processus de séparation des organes de la plante.

Protéine fascinante

«Ce qui est fascinant à propos de la protéine SERK1 c’est qu’elle joue un rôle dans le détachement des organes des plantes tout en agissant, avec d’autres récepteurs membranaires, sur des mécanismes totalement différents du développement de la plante», explique Julia Santiago, première auteure de l’étude. En effet, SERK1 est une protéine auxiliaire polyvalente commune à différentes voies de signalisation. Lorsqu’elle est rattachée à un autre récepteur membranaire, elle peut, par exemple, indiquer à la plante de pousser.