Journal n°121

Chez le chimpanzé, le voyage favorise le recours aux outils

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Une étude laisse supposer qu'il existe un coût énergétique immédiat lié aux déplacements et que les singes le compensent avec l’utilisation d’outils

Les chimpanzés qui voyagent loin et longtemps font un usage plus fréquent d’outils pour chercher de la nourriture. C’est le constat d’une étude à paraître dans la revue eLife et réalisée par des chercheurs des universités de Genève et de Neuchâtel. Tout comme la bipédie, qui apparaît au cours de l’évolution, le recours à des outils peut être vu comme une compensation des coûts énergétiques qu’entraînent les déplacements selon l’article dont le premier auteur est Thibaud Gruber, chercheur au Centre interfacultaire en sciences affectives.

Outils simples

On sait que certains singes, dont les chimpanzés, utilisent des bâtons ou d’autres outils simples comme des éponges de feuilles pour débusquer de la nourriture a priori inaccessible. En revanche, les chercheurs ignorent les facteurs qui poussent les primates vers cette pratique. Pour en savoir plus, les auteurs de l’article ont analysé sept années d’expériences de terrain dans lesquelles les chimpanzés ont dû tenter de récupérer du miel caché à l’intérieur d’une bûche de bois. Dans un premier temps, les chercheurs genevois ont démontré que les chimpanzés ne s’intéressent à la bûche que sous une certaine pression écologique, en cas de manque de fruits dans la forêt, par exemple, et quand ils ont beaucoup voyagé pour trouver cette nourriture. Cet effet est d'autant plus marqué si la pression dure plus longtemps.

Compenser l'énergie

Dans un deuxième temps, les biologistes ont découvert que seul l’effet du voyage, et pas celui de manque de nourriture, favorise l’utilisation effective de l’outil, en l’occurrence une éponge faite de feuilles servant à se gorger de miel ou un bâton. Cette découverte laisse supposer qu’il existe un coût énergétique immédiat lié au déplacement et que les singes le compensent avec l’utilisation d’outils. Ce phénomène rappelle l’apparition de la bipédie, qui s’est mise en place dans un but similaire au cours de l’évolution. Les auteurs suggèrent d’ailleurs que ces deux réponses pourraient avoir coévolué pour contenir les coûts énergétiques variant au cours du temps. —


| En bref |

Lancé par la chine, Le détecteur POlar est sur orbite

Le détecteur d’astroparticules POLAR a été lancé avec succès le 15 septembre depuis Jiuquan en Chine et est actuellement installé sur le laboratoire spatial chinois Tiangong 2. POLAR est issu d’une collaboration de dix ans entre des chercheurs du Département de physique nucléaire et corpusculaire (Faculté des sciences), de l’Institut Paul Scherrer, de l’Institut of High Energy Physics de Beijing et du Narodowe Centrum Badań Jadrowych de Pologne. Son objectif consiste à mesurer durant deux ans la polarisation des photons émis par les sursauts gamma. Ces derniers sont des explosions puissantes et rapides générant une lumière très intense. Survenant environ une fois par jour dans des galaxies lointaines, elles ne durent que quelques secondes. Les scientifiques soupçonnent qu’il s’agit d’explosions d’étoiles hypermassives mais ce n’est encore qu’une hypothèse. La mesure de la polarisation des photons permet d’obtenir des indices sur le processus de leur production et donc d’identifier la source de ces sursauts.

Les subtilités de l’odorat, une question de tempo

Devant l’odeur pour le moins complexe d’un poisson, l’être humain est capable de discerner, parmi toutes les notes puissantes qui émanent de l’animal, celle qui l’informe qu’il est encore frais et donc toujours comestible. Cette capacité à discriminer des odeurs parfois fort semblables est au cœur d’une étude parue le 8 juillet dans la revue Nature Communications. Dirigé par Alan Carleton, professeur au Département des neurosciences fondamentales (Faculté de médecine), ce travail montre qu’au cours du traitement de l’information, certains neurones (les cellules mitrales et à panache) du bulbe olfactif ajoutent un code temporel au signal qu’ils reçoivent. Une modulation qui permet par la suite aux autres régions du cerveau de mieux différencier les stimuli. Le modèle a pu être confirmé par des expériences sur des souris chez lesquelles les cellules mitrales et à panache ont été empêchées de fonctionner correctement et qui deviennent incapables de différencier des odeurs similaires.

Une coalition pour contrer la résistance aux antibiotiques

Alors qu’une séance des Nations unies a réuni le 21 septembre les dirigeants du monde entier autour d’une déclaration commune sur la résistance aux antimicrobiens, deux chercheurs de l’Université de Genève ont cosigné un commentaire sur le sujet dans la revue Nature du 8 septembre. L’efficacité des antibiotiques est une ressource naturelle qui s’épuise en raison de l’utilisation massive de ces médicaments en médecine et dans l’agriculture, expliquent Didier Wernli, chercheur au Global Studies Institute, et Stephan Harbarth, professeur à la Faculté de médecine. Selon eux, l’objectif doit être de «renforcer la résilience de notre société» à maintenir de faibles niveaux de résistance à travers le développement de campagnes de sensibilisation du public de grande envergure, la réduction à l’échelle mondiale de l’utilisation des antimicrobiens dans l’agriculture et la formation d’une large coalition internationale allant au-delà du secteur de la santé afin d’inclure les secteurs du commerce, de l’environnement et du développement.