Journal n°121

Quinze portraits commémorent 150 ans d’égalité pour les juifs de Suisse

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L’exposition itinérante «Juifs de Suisse: 150 ans d’égalité des droits» s’arrête à Uni Mail du 5 au 12 octobre 2016. Celle-ci interroge la place de l’identité religieuse dans notre société

Quinze portraits de juifs et juives de Suisse photographiés par Alexander Jaquemet constituent l’exposition itinérante «Juifs de Suisse: 150 ans d’égalité des droits». Tout au long de l’année 2016, elle commémore l’accès de la communauté juive à la liberté d’établissement et à l’égalité en droit à l’échelon national, en 1866. A cette date, la Constitution de 1848 est en effet modifiée par référendum populaire et l’émancipation des juifs est quasiment achevée.

Des identités multiples

Cent cinquante ans plus tard, ces portraits ambitionnent de montrer la diversité des membres de la communauté. Les textes qui accompagnent les photos révèlent ainsi des origines, des parcours, des engagements et un rapport à la religion extrêmement différents. De J.P. Love, «première star érotique juive de Suisse» comme il se définit lui-même, à Ruth Dreifuss, ancienne conseillère fédérale, ces 15 personnes ne peuvent être réduites ni à des stéréotypes communautaires ni à leur appartenance religieuse. Parmi elles, on croise Talia Wigger. Doctorante, avocate-stagiaire, originaire du Yémen et d’Israël par sa mère, suisse-allemande et descendante directe de Nicolas de Flüe par son père, la jeune femme évoque avec le même enthousiasme sa volonté de préserver les coutumes et traditions orientales de sa communauté séfarade, ses engagements professionnels et humanitaires, et sa «fierté non dissimulée d’être Suisse». Une identité multiple revendiquée qui l’a convaincue de participer à cette exposition. «C’est un acte d’ouverture et de dialogue, explique-t-elle, notre communauté existe, elle est bien intégrée et solide. Mais cette force ne doit pas nous conduire à nous refermer, au risque de produire une image stéréotypée, figée et négative. L’exposition montre que nous avons tous des appartenances multiples, nous ne sommes pas seulement juif ou juive.»

Dialogue avec l’histoire

Ce message est au cœur de la démarche de Maya Hertig Randall, qui coorganise la venue de l’exposition à Uni Mail. Membre de la Commission fédérale contre le racisme et directrice du Département de droit public de la Faculté de droit, la professeure regrette la tendance répétée à réduire les membres d’une communauté, qu’elle soit religieuse ou non, à leur loyauté envers celle-ci: « Les identités et les loyautés multiples sont le propre de chaque individu, hier comme aujourd’hui. Cette exposition nous rappelle que chacun doit pouvoir trouver sa place dans notre société, au-delà de son appartenance religieuse ou culturelle.» Pour Maya Hertig Randall, si la cible change selon l’époque, nos réflexes restent les mêmes. Et aujourd’hui comme hier, prendre conscience de la diversité des individus qui forment une communauté est nécessaire pour permettre son intégration. L’histoire livre à cet égard de précieux enseignements. En effet, s’il apparaît aujourd’hui évident qu’il n’y a pas de contradiction à être juif ou juive ET Suisse, le passé de la communauté juive de Suisse montre que cela n’a pas toujours été le cas. Des obstacles ont dû être surmontés et des combats politiques menés au cours de cette «longue marche vers l’égalité» qui fera l’objet d’un exposé lors du vernissage de l’exposition. Pour bénéficier des mêmes droits que les Suisses, il a notamment fallu composer avec le principe de laïcité, trouver des solutions pragmatiques et même bénéficier d’un contexte politique favorable, puisque c’est sous la pression des Etats étrangers que les élites suisses s’engagent sur la question de l’émancipation des juifs afin de préserver les intérêts économiques suisses dans ces pays. «L’expérience de cette communauté en Suisse doit nous aider à affronter les questions d’identité et d’intégration aujourd’hui et poser un regard critique sur notre tendance à stigmatiser certaines communautés», explique Maya Hertig Randall.

Laïcité et identité religieuse

C’est tout l’enjeu de la table ronde organisée le 10 octobre prochain: tirer des enseignements de cette histoire particulière. Comment les membres d’une communauté religieuse ont trouvé leur place dans un Etat laïc, de quelle manière leur intégration s’est-elle confrontée à cette question de la laïcité? Le débat permettra également de réfléchir au principe même de laïcité et à la manière dont sa définition évolue selon le contexte social et politique. Une mise en perspective historique et critique de la laïcité qui doit permettre d’aborder l’actualité sous un angle nouveau et critique.

Du 5 au 12 octobre

Juifs de Suisse: 150 ans d’égalité des droits,

exposition des photographies d’Alexander Jaquemet

Uni Mail


| Evénements liés |

- Vernissage de l’exposition

5 octobre 2016, 18h30

La longue marche vers l’égalité: perspectives de droit constitutionnel

exposé de la professeure Maya Hertig (directrice du Département de droit public de la Faculté de droit), suivi d’un entretien avec Ruth Dreifuss et Talia Wigger, dont les portraits figurent dans l’exposition.Les allocutions seront ponctuées d’intermèdes musicaux et suivies d’un buffet.

Uni Mail, salle MR080

- Table Ronde

10 octobre 2016, 18h30

Le principe de laïcité à Genève: l’exemple de la communauté juive

Participants: Philippe Grumbach (président de la Communauté israélite de Genève), Sylvie Guichard (Faculté de droit), Jean Romain (député PLR), Sandrine Salerno (conseillère administrative de la Ville de Genève), Sarah Scholl (Institut d’histoire de la Réformation).

Uni Mail, salle MR380