Journal n°121

Un guide pratique pour promouvoir le bilinguisme chez les tout-petits

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L’Ecole de langue et de civilisation françaises publie, avec la section suisse de l’Association européenne des enseignants, un kit pédagogique à l’intention des enseignants engagés dans une filière bilingue précoce

Au moment où la question de l’apprentissage des langues agite le débat public – initiative pour imposer le suisse-allemand comme langue principale d’enseignement à Zoug, désaccord autour du compromis HarmoS sur les langues à Saint-Gall Laurent Gajo, directeur de l’Ecole de langue et de civilisation françaises (ELCF), cosigne, avec Cecilia Serra et des partenaires éducatifs, un guide pratique pour l’enseignement bilingue durant les premières années de scolarisation. Fruit d’une rencontre réussie de la recherche universitaire avec la pratique de terrain, l’ouvrage vise à contribuer à la promotion de l’apprentissage précoce des langues. «L’enseignement bilingue diffère de l’enseignement d’une langue étrangère. Il s’agit d’utiliser la langue seconde pour dispenser une partie plus ou moins grande du programme scolaire», explique Laurent Gajo. Dans les écoles qui ont développé ce type de filière dès les premières années de la scolarisation, les modèles choisis sont divers: sélection d’un lot de disciplines pour être enseignées en langue étrangère, duo d’enseignants se partageant l’enseignement par demi-journées, immersion totale avec un cursus intégralement enseigné en langue étrangère, etc. Tous les modèles permettent des résultats pour Laurent Gajo: «Il existe des enjeux linguistiques dans chaque discipline. Quelle que soit l’activité pratiquée, la langue est toujours mobilisée, ne serait-ce qu’au travers des consignes données. Dans le domaine de l’éducation physique par exemple, les élèves doivent mobiliser des compétences langagières pour pouvoir se coordonner dans le cadre des jeux collectifs.»

Obstacles au bilinguisme

Bénéficier aujourd’hui d’une éducation bilingue procure des avantages qui ne sont plus à démontrer, c’est pourquoi la demande des parents est très forte. Pourtant, les institutions éducatives sont encore frileuses face à la mise en place de telles filières, évoquant des difficultés d’organisation, un manque d’enseignants qualifiés et un déficit en supports et moyens pédagogiques adaptés. Si les problèmes organisationnels peuvent être facilement contournés avec de la bonne volonté et un peu d’énergie, selon Laurent Gajo, l’obstacle principal reste que les instituteurs ne sont pas formés pour ce type d’enseignement. «Un enseignant zurichois ne peut pas simplement venir enseigner en allemand à Genève. Des outils et des stratégies didactiques particulières sont nécessaires pour développer le bilinguisme. Les élèves présentent en effet des problématiques liées au contact des langues, comme un décalage entre la compréhension et la production ou la gestion complexe de l’alternance des langues.» En matière de formation, le défi actuel est déjà d’ajouter une compétence en langue étrangère à des enseignants généralistes. En effet, avec la mise en place d’HarmoS, l’enseignement de deux langues étrangères est introduit en primaire: l’allemand en 5e, l’anglais en 7e pour la Suisse romande.

Améliorer la formation

«Si des modules de formation continue sont proposés aux enseignants déjà en place, la formation initiale se contente de vérifier les niveaux d’allemand et d’anglais des futurs enseignants, en leur donnant quelques outils pour la didactique des langues étrangères», regrette Laurent Gajo. Mais la situation évolue. La Haute Ecole pédagogique BEJUNE (Berne-Jura-Neuchâtel) propose aujourd’hui un CAS en éducation et plurilinguisme, et étudie des propositions pour la formation de base. Quant au dernier obstacle le déficit en supports, l’ELCF y apporte aujourd’hui une réponse avec la parution de son guide pratique. Sous la forme d’un kit pédagogique, il se déploie en fiches de quatre types. Un premier ensemble présente des activités qui se déroulent habituellement en classe, comme les jeux libres, les récréations ou les contes. Les enjeux communicatifs et linguistiques ainsi que les enjeux bilingues et interculturels y sont présentés afin de mettre en évidence ce qui peut être tiré de chaque activité pour la langue. Un deuxième ensemble illustre, quant à lui, des projets thématiques autour de la forêt, du cycle des végétaux ou des cinq sens impliquant une suite d’activités menées dans l’une ou l’autre langue. La troisième catégorie de fiches introduit les notions théoriques spécifiques pour comprendre le fonctionnement de l’enseignement bilingue, comme par exemple la gestion de la correction linguistique chez les élèves. Enfin, le kit se termine par une série de fiches présentant la typologie d’institutions ayant introduit une filière bilingue précoce pour permettre de mieux comprendre les mécanismes institutionnels qui président à une telle évolution. Issu d’un projet mené par la section suisse de l’Association européenne des enseignants qui visait à une analyse de l’existant au sein de six institutions émanant tant des secteurs publics que privés, en Allemagne (Neuenburg), en France (Alsace et Mende) et en Suisse (Genève, Neuchâtel et Zurich), ce guide vise à aider les nouveaux enseignants et à apporter des ressources complémentaires à ceux déjà impliqués dans ce type d’enseignement.

Guide à l’enseignement bilingue précoce: repères et outils, AEDE/CH, 2016


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