Journal n°129

La pire extinction de masse a été causée par le froid

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De nouvelles datations sur des sédiments de la limite Permien-Trias il y a 250 millions d’années montrent qu’une période de glaciation de 80 000 ans a fait chuter le niveau des océans et décimé la vie qu’ils contenaient

Il y a 250 millions d’années, la Terre a connu la pire extinction de son histoire. Pour expliquer cette catastrophe ayant entraîné la disparition de plus de 95% des espèces marines et qui marque la limite entre les périodes géologiques du Permien et du Trias, les scientifiques ont longtemps privilégié l’explication d’un bouleversement climatique marqué par une hausse du niveau des mers, une chute du taux d’oxygène dans l’eau et une augmentation intenable de la température de surface des océans. Dans un article paru le 6 mars dans la revue Scientific Reports, une équipe de chercheurs menée par Urs Schaltegger, professeur au Département des sciences de la Terre (Faculté des sciences), prend le contre-pied de cette théorie en affirmant que ce n’est pas le chaud qui a failli effacer toute vie des océans mais le froid.

Datation au zircon

Les chercheurs sont arrivé à cette conclusion après l’étude des couches de sédiments du bassin de Nanpanjiang, en Chine du Sud. Leur excellent état de préservation permet en effet l’analyse précise de l’évolution de la biodiversité et du climat au cours de la période concernée. Ce sont les couches de cendre volcanique qui ont focalisé l’attention des scientifiques. Celles-ci contiennent en effet des cristaux de zircon qui renferment eux-mêmes de l’uranium, un élément qui se désintègre en plomb à un taux très précis. Cette particularité a permis à l’équipe d’Urs Schaltegger, qui en a fait sa spécialité, de dater les sédiments à 35  000 ans près, ce qui est une grande précision pour une période aussi reculée. La limite Permien-Trias, et donc l’extinction de masse, est marquée par une lacune de sédimentation comme si cette couche-là avait été dissoute ou érodée dans le monde entier. Grâce aux cristaux de zircon, les chercheurs genevois ont réussi à montrer que ce hiatus a duré 89 000 ans. Selon leur interprétation, cette absence de sédiments correspond en réalité une période de glaciation courte mais sévère qui a entraîné la formation massive de glace aux pôles et une diminution importante du niveau des océans. Par conséquent, la quantité de sédiment a chuté durant cette période, voire totalement disparu dans les eaux les moins profondes.

Trapps de Sibérie

Selon les auteurs, cette glaciation a été provoquée par l’entrée en activité des premiers volcans des Trapps de Sibérie qui ont envoyé dans l’atmosphère de grandes quantités de composés soufrés capables de réduire le rayonnement solaire. Sa durée de 89 000 ans est suffisante pour éliminer 90% des espèces marines. Cette période froide est suivie par la formation de dépôts de calcaires formées par des bactéries signifiant le retour de la vie sur Terre à des températures plus clémentes. Quant au réchauffement climatique intense provoqué par la formidable activité volcanique des Trapps de Sibérie qui a duré un million d’années – et que l’on croyait responsable de l’extinction des espèces marines – elle n’intervient finalement que 500 000 ans plus tard. —