«Les migrants sont une source de richesse pour la Suisse»
Natalité, démographie, activité économique: un ouvrage dirigé par le professeur Philippe Wanner démontre les bienfaits de la migration, en marge d’une conférence qui se tiendra le 14 mai à Uni Mail
Souvent pointés du doigt, les migrants se révèlent des éléments bénéfiques pour la vitalité économique et démographique de notre pays. Voici une des conclusions de l’ouvrage collectif La démographie des étrangers en Suisse , publié récemment sous la direction de Philippe Wanner, professeur de démographie au Département de sociologie (Faculté des SES). A l’occasion d’une prochaine conférence-débat qui se tiendra sur ce thème le 14 mai prochain à Uni Mail, Philippe Wanner évoque les enjeux économiques et sociaux liés à la migration en Suisse. Entretien.
Votre ouvrage montre l’apparition en Suisse d’une nouvelle migration au cours des trente dernières années. Quelle est-elle?
Philippe Wanner: En Suisse, le phénomène migratoire s’est complexifié au fil du temps. La migration traditionnelle, venue d’Italie, d’Espagne, de France ou d’Allemagne a pris de l’ampleur. Une migration plus récente a également vu le jour, en provenance par exemple des Balkans. Les migrants actuels sont en général plus mobiles et motivés par des considérations économiques que leurs prédécesseurs: ils ne demeurent en majorité pas en Suisse mais retournent un jour ou l’autre dans leur pays d’origine avec leur famille. C’est une différence majeure avec les migrants de la génération précédente, dont beaucoup se sont implantés de manière durable. De temporaire, la migration est donc devenue circulaire, avec un brassage continu au sein de la population suisse.
Plus récemment, des représentants de la première génération qui étaient partis sont revenus s’établir en Suisse, eux aussi pour des raisons économiques.
C’est vrai, mais il ne s’agit que de quelques cas qui ne contredisent pas la tendance générale: l’arrivée d’une nouvelle génération plus qualifiée que la précédente et qui alimente des secteurs économiques où les besoins ne peuvent plus être couverts par les seuls ressortissants suisses. C’est ainsi que l’on enregistre l’arrivée de professionnels allemands dans le domaine de la santé, alors que l’agriculture et la restauration continuent aussi à dépendre de la migration. En ce sens, on peut dire que l’apport de migrants correspond bien aux besoins de l’économie et à ceux de la société suisse dans son ensemble.
Vous pointez également des bénéfices sociodémographiques…
Les migrants permettent d’atténuer les effets du vieillissement de la population suisse, surtout en période de départ à la retraite des enfants du baby-boom. La migration permet à la Suisse de maintenir en permanence 5 millions d’individus en âge d’activité sur son sol, ce qui est positif pour la pyramide démographique.
Comment expliquer que les migrants ont si mauvaise presse dans les discours politiques?
Bien qu’on ait besoin de la population étrangère, l’intégration des migrants soulève des problématiques relatives à la cohésion sociale qui prennent des années à se régler. En Suisse, le discours sur la migration a toujours tourné autour du fait que les étrangers prenaient le travail des nationaux, ce qui n’est pas le cas, selon les résultats d’autres études. Reste un effet bouc émissaire, pointant la migration comme un facteur d’accroissement des nuisances sociales, comme la criminalité, la hausse des loyers… Un paradoxe qui se retrouve dans des initiatives populaires récentes, comme ECOPOP, laquelle vise à limiter l’immigration nette en Suisse sous couvert de lutte contre la surpopulation et contre la sur-utilisation des ressources naturelles, alors que rien ne vient asserter ce fait sur le plan scientifique.
Est-ce une preuve de l’échec de la politique d’intégration menée en Suisse?
Notre étude ne permet pas de décrire l’intégration des migrants, ni de voir des différences entre communautés étrangères. Le fait que certaines catégories de migrants puissent se constituer en communautés n’est pas un mal en soi, il permet aux prochains arrivants de préparer leur arrivée en Suisse et de compter sur un réseau déjà en place. En outre, certaines études ont montré un niveau élevé d’intégration des étrangers scolarisés en Suisse, ce qui a un impact sur la durée de séjour des familles. La Suisse a tout à gagner à bénéficier d’individus qualifiés et bien formés pour son économie – et pour sa société en général.
| Mardi 14 mai |
Migration en Suisse: enjeux économiques et sociaux
avec Etienne Piguet, Sophie Forster Carbonnier, Rosita Fibbi, Blaise Mathey et Philippe Wanner
18h15 | Uni Mail, salle MR060