Journal n°87

Fièvre en Afrique: moins de malaria, plus de virus

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Selon une étude suisse, dans plus de 70% des cas, la fièvre chez les enfants tanzaniens est due à une maladie virale et non bactérienne ou parasitaire

En Tanzanie, la grande majorité des cas de fièvre infantile est due à une infection virale plutôt que parasitaire ou bactérienne. Ce résultat, paru dans la revue New England Journal of Medicine du 27 février, permet de mieux comprendre les principales causes de température élevée chez les petits alors que la malaria perd régulièrement du terrain dans cette région. Selon Laurent Kaiser, professeur au Département de médecine interne (Faculté de médecine) et l’un des auteurs de l’étude, ce travail pourrait aussi améliorer la prise en charge de ces patients afin d’éviter d’administrer des traitements antibiotiques lorsque ce n’est pas nécessaire.

25 000 tests

L’étude, menée par l’Institut tropical et de santé publique suisse de l’Université de Bâle et à laquelle a été associé le Laboratoire de virologie de Laurent Kaiser, est basée sur l’analyse de plus de 25 000 tests de laboratoire pratiqués sur 1005 enfants de moins de 10 ans présentant une fièvre d’au moins 38 °C. Issus de deux cliniques, l’une urbaine à Dar es Salam et l’autre rurale, dans le village d’Ifakara, ces patients traités en ambulatoire souffraient en majorité d’infections respiratoires aiguës (62,2%), d’infections dites systémiques causées par des microbes autres que ceux de la malaria ou de la typhoïde (13,3%) et d’infections virales du nasopharynx (11,9%). La malaria n’a été trouvée que chez 10,5% d’entre eux, la gastro-entérite chez 10,3%, une infection urinaire chez 5,9%, la typhoïde chez 3,7%, etc.

Travail de bénédictin

«C’est la première fois qu’une analyse aussi systématique est réalisée sur autant d’échantillons de selles, d’urine et de sang et avec des outils diagnostiques ultramodernes, explique Laurent Kaiser. C’est un véritable travail de bénédictin. Il n’existe pas d’études similaires, même dans les pays industrialisés, où l’on ne fait que rarement une telle batterie d’analyses pour une fièvre.»

Ce travail a néanmoins été rendu nécessaire, car depuis quelques années, avec le déclin de la transmission de la malaria dans de nombreuses parties d’Afrique, la plupart des cas de fièvre sont désormais causés par d’autres agents pathogènes dont il fallait connaître l’identité et la prévalence.

Par ailleurs, si le recours aux traitements antipaludéens a baissé, la consommation d’antibiotiques visant à soigner les fièvres qui continuent de sévir a, quant à elle, augmenté. Ces médicaments étant souvent administrés à tort ou incomplètement, des germes résistants sont apparus.

L’étude suisse devrait se poursuivre avec le développement d’une application pour tablette destinée à fournir une aide aux donneurs de soins sur le terrain lors de la prise en charge d’un enfant fiévreux.