Journal n°98

La propriété par étages a un demi-siècle. Et elle se porte bien

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Il y a 50 ans, la propriété par étages était introduite dans le Code civil suisse. Une innovation que la Faculté de droit a décidé de célébrer par une journée juridique le 3 février à Uni Mail

En 2015, la propriété par étages (PPE) fêtera ses 50 ans. Introduite dans le Code civil suisse en 1965, cette forme juridique avait alors pour objectif de favoriser l’accès à la propriété pour la classe moyenne. Afin de tirer le bilan de ce demi-siècle d’existence, Bénédict Foëx, professeure au Département de droit civil, organise une journée juridique le 3 février. Entretien.

Dans quel contexte la PPE a-t-elle été introduite dans le Code civil suisse?
Bénédict Foëx
: Après la Seconde Guerre mondiale, le coût du sol augmente et la proportion du nombre de locataires s’amplifie. Pour y remédier, il faudrait permettre l’accès à la propriété des appartements, mais le Code civil adopté en 1907 est contraignant. Il précise en effet que la propriété du sol emporte nécessairement la propriété du bâtiment qui s’y trouve. Une solution élégante est alors proposée par le professeur Peter Liver, la PPE, qui permet de concilier l’accession au plus grand nombre avec le respect de ce principe puisque les intéressés sont copropriétaires et se partagent le sol et le bâtiment; il n’y a donc pas de propriété individuelle et séparée sur les appartements.

Quels étaient les obstacles à l’instauration d’une telle loi?
Cette forme juridique peut être à l’origine de disputes entre propriétaires. Toutefois, l’expérience a montré qu’il n’y a pas un nombre si élevé de procédures. En particulier, la voie de droit qui consiste à exclure un copropriétaire qui serait «insupportable» n’est que rarement utilisée. La majorité des conflits reste confinée à des problèmes particuliers, par exemple aux travaux qu’un copropriétaire entend entreprendre dans son appartement ou à la répartition des charges et frais communs (copropriétaire qui refuse de contribuer à certains travaux, par exemple parce qu’il habite au rez-de-chaussée et ne veut pas participer au financement d’un nouvel ascenseur).

La journée sera l’occasion de faire le bilan de cette forme juridique. Quel est-il?
Globalement, c’est une institution qui donne satisfaction. En 2012, à l’occasion d’une modification du Code civil, un toilettage de la loi a été effectué pour corriger certains points. Par exemple, les bâtiments ont aujourd’hui vieilli et les travaux de rénovation peuvent être très onéreux. Si les copropriétaires ne veulent plus investir, il faut alors permettre la dissolution de la PPE. Une question qui ne s’était pas posée dans l’enthousiasme des années 1960.

C’est pourquoi votre intervention lors de cette journée s’intitule «Fin de la propriété par étages»?
Oui, il s’agit aussi de présenter des solutions qui permettent d’éviter cette dissolution. Comme par exemple le rajout d’un ou deux étages à l’immeuble, là où la surélévation est autorisée. Cela pose un certain nombre de problèmes juridiques qui peuvent être conséquents.

Faut-il apporter de nouvelles modifications législatives à la PPE?
Pour paraphraser Montesquieu, il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante. Je ne suis pas sûr qu’on puisse améliorer les choses par une simple modification légale. Mais il est vrai qu’il faudrait si possible instaurer une distinction encore plus claire entre les parties communes (hall d’entrée, cage d’escalier, façade, toit, etc.) et les parties privatives (intérieur d’un appartement), notamment en raison des disputes concernant le financement de leur entretien (pose de double vitrage, etc.).

Y a-t-il d’autres difficultés à relever?
Les règles relatives aux majorités à réunir pour prendre des décisions lors de l’assemblée des copropriétaires sont d’une grande complexité. A cela s’ajoute que, depuis 2012, la part de chaque copropriétaire n’a plus besoin d’être exprimée en pour-cent ou en pour-mille: un dénominateur commun suffit, ce qui peut rendre le calcul des majorités malaisé. Par ailleurs, on peut regretter que la possibilité de constituer une PPE (et de vendre les appartements) avant la construction du bâtiment ne fasse actuellement l’objet que d’une réglementation embryonnaire.

L’initiative «Oui à la loi Longchamp» limitant la propriété à un seul appartement par personne a été déposée le 23 septembre. Qu’en pensez-vous?
La propriété immobilière est déjà très encadrée, en particulier à Genève où l’initiative privée a été beaucoup limitée. Pour en discuter, une conférence publique clôturera la journée du 3 février et je suis heureux d’annoncer que c’est justement François Longchamp qui en sera l’invité.


| Mardi 3 février 2015 |

50 ans de propriété par étages
de 9h30 à 17h | Uni Mail