Journal n°138

Quelle justice face à l’impunité des crimes de masse?

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Depuis la fin des années 1990, la «lutte contre l’impunité» vise à contrer les politiques étatiques d’oubli, de négation et d’effacement de crimes de masse. En plein essor, la justice dite «transitionnelle» regroupe divers mécanismes visant à affronter l’héritage de tels crimes afin de rendre justice, de permettre la réconciliation et de rétablir la démocratie. Recherche de la vérité, poursuite des bourreaux, réparation aux victimes et réformes institutionnelles: tels sont les moyens déployés pour y parvenir. Ceux-ci font écho aux quatre piliers de la lutte contre l’impunité: savoir, juger, réparer et garantir la non-répétition des faits.

En expansion, cet édifice de justice est pourtant fragilisé par un double paradoxe. D’une part, en dépit des appels répétés de la communauté internationale à combattre l’impunité, celle-ci reste un phénomène peu étudié en tant que tel. D’autre part, le terme même d’impunité est ambivalent, désignant alternativement, selon le contexte, le verrouillage de la justice pénale, le déni d’état ou encore l’impossibilité pour les familles de connaître le sort des disparus.

C’est bien là le nœud du problème: il convient de «connaître son ennemi», conseille Sun Tzu dans L’Art de la guerre. Or, l’impunité est un adversaire insaisissable. Comment choisir les armes les plus efficaces contre un tel rival, de surcroît dans une démocratie encore chancelante ou une société mise à feu et à sang par un conflit armé? étant donné les failles de la justice pénale – nationale et internationale – la réponse aux crimes de masse peut-elle s’affranchir du judiciaire? Peut-elle se tourner vers des mécanismes alternatifs, comme une commission de vérité et de réconciliation? Ces questions sont au cœur de la justice transitionnelle, et la clé d’analyse pour y répondre requiert d’étudier en profondeur et de clarifier la notion d’impunité. C’est l’objet de ma recherche doctorale, qui analyse ce concept au regard du droit international. Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un projet du Fonds national suisse dirigé par la professeure Sévane Garibian, explorant la signification et la fonction du droit à la vérité dans des contextes d’impunité persistante. L’enjeu est de taille: interroger l’idée même de justice face aux violences de masse. —



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Ma thèse en 180 secondes
Prochaine session: printemps 2018