Maître d’enseignement et de recherche en sciences de l’éducation (FPSE), Frédérique Elsa Giuliani intervient dans le dernier des Grands Dossiers de la revue Sciences humaines consacré à l’éducation positive. Le concept de parentalité positive, introduit en 2006 par le Conseil de l’Europe, repose sur quelques principes de base comme l’écoute des besoins de l’enfant, la valorisation de ses progrès, le bannissement de la punition et le rejet de la violence. Ces principes, auxquels de nombreux parents sont acquis, ont-ils percolé chez les professionnel-les de l’éducation et du travail social? Ils sont en tout cas de plus en plus promus dans la formation continue des éducateurs/trices qui s’appuie sur la recherche en neurosciences pour démontrer les bienfaits de cette approche sur le développement du cerveau de l’enfant.

Frédérique Elsa Giuliani y voit également les conséquences de l’évolution du regard porté par la société sur l’enfance. «Depuis les années 1960, on assiste à un changement de régime normatif dans l’éducation, constate la spécialiste. Celle-ci est désormais centrée sur l’enfant et basée sur l’écoute, le dialogue, la négociation et la symétrisation de la place de l’enfant et de celle de l’adulte.» Ce changement de paradigme a des implications sur les rapports entre professionnel-les et parents, et notamment des risques de malentendus, les parents étant, plus souvent que par le passé, soupçonnés de maltraitance. «Il leur revient de désamorcer eux-mêmes ces soupçons dans les interactions de face-à-face avec les professionnel-les, ce qui suppose la mobilisation de savoirs sociaux et de ressources communicationnelles que toutes et tous n’ont pas d’emblée», relève la chercheuse. Conséquence, l’enjeu pour les professionnel-les devrait davantage consister à «identifier la manière dont les contraintes sociales affectent, complexifient l’accomplissement des rôles parentaux».