14 décembre 2021 - UNIGE

 

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Le pied bot peut être causé par l’absence d’un interrupteur génétique

La mutation d’une courte séquence d’ADN contrôlant l’activation d’un gène impliqué dans le développement embryonnaire peut mener à des malformations.

 

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Visualisation par fluorescence de l’expression du gène Pitx1 dans des embryons de souris. À droite, l’absence de Pen, l’un des interrupteurs de Pitx1, se traduit par une perte de fluorescence dans les pattes antérieures. Image: G. Andrey/UNIGE


Le pied bot, une malformation courante des pieds, n’est pas forcément causé par le dysfonctionnement d’un gène impliqué dans le développement des membres inférieurs. Il peut aussi être dû à l’absence d’un de ses interrupteurs. C’est ce qu’a rapporté l’équipe menée par Guillaume Andrey, professeur au Département de médecine génétique et développement (Faculté de médecine), dans un article de la revue Nature Communications du 13 décembre. Lors du développement embryonnaire, des centaines de gènes doivent être activés ou réprimés avec précision afin de permettre la construction normale des organes. Ce contrôle d’activité est dirigé par de courtes séquences d’ADN qui, en liant certaines protéines dans le noyau cellulaire, agissent comme de véritables interrupteurs. «Lorsque l’interrupteur est allumé, cela lance la transcription d’un gène en ARN, qui à son tour sera traduit en une protéine, laquelle pourra alors exécuter une fonction précise, détaille Guillaume Andrey. Sans cela, les gènes seraient continuellement soit activés, soit désactivés et donc incapables d’agir de manière sélective, au bon endroit et au bon moment.»

Plusieurs interrupteurs par gène

En général, chaque gène dispose de plusieurs interrupteurs afin d’assurer la robustesse du mécanisme. La perte d’un seul de ces interrupteurs pourrait-elle avoir des conséquences? «C’est ce que nous avons voulu tester ici en prenant comme modèle le gène Pitx1, dont le rôle dans la construction des membres inférieurs est bien connu», indique Raquel Rouco, postdoctorante dans le laboratoire de Guillaume Andrey et copremière auteure de ces travaux.
Pour ce faire, les scientifiques ont modifié des cellules souches de souris grâce à l’outil d’ingénierie génétique CRISPR-CAS9, qui permet d’ajouter ou d’enlever des éléments précis du génome. «Nous avons enlevé à Pitx1 l’un de ses interrupteurs, nommé Pen, et ajouté un marqueur de fluorescence qui permet de visualiser l’activation du gène, explique Olimpia Bompadre, doctorante dans l’équipe de recherche et la seconde copremière auteure. Ces cellules modifiées ont ensuite été agrégées à des cellules embryonnaires de souris afin de pouvoir en étudier les premières phases de développement.»
Habituellement, environ 90% des cellules des futures pattes arrière activent le gène Pitx1, alors que 10% des cellules ne l’activent pas. «Lorsque nous avons supprimé l’interrupteur Pen, nous avons constaté que la proportion de cellules qui n’activaient pas Pitx1 passait de 10 à 20%, ce qui suffisait à modifier la construction du système musculo-squelettique et à induire un pied bot», explique Guillaume Andrey. En effet, la proportion de cellules inactives augmentait particulièrement dans les cellules immatures des membres inférieurs et dans le tissu connectif irrégulier, un tissu essentiel pour la construction du système musculo-squelettique.

Au-delà du pied bot
Au-delà du gène Pitx1 et du pied bot, les scientifiques de l’UNIGE ont découvert un principe général dont le mécanisme pourrait se retrouver dans un grand nombre de gènes. Le mauvais fonctionnement des interrupteurs génétiques pourrait ainsi être à l’origine de nombreuses malformations ou maladies développementales. De plus, un gène ne contrôle pas le développement d’un seul organe du corps mais est en général impliqué dans la construction de plusieurs d’entre eux.
«Une malformation non dangereuse, comme le pied bot, pourrait être l’indicateur de troubles situés ailleurs dans le corps qui, sans être immédiatement visibles, pourraient être beaucoup plus dangereux, concluent les auteur-es. Si nous parvenions à une interprétation précise de l’action de chaque mutation, nous pourrions non seulement lire l’information du génome pour trouver la cause fondamentale d’une malformation, mais aussi prédire des effets dans d’autres organes qui s’y développeraient à bas bruit afin d’intervenir le plus tôt possible.»

 

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