15 juin 2021 - Jacques Erard

 

Vie de l'UNIGE

Les interprètes de l’UNIGE en première ligne lors du sommet Biden-Poutine

 

 

068_AA_15062021_380016-J.jpg

Avant de se rendre à Genève pour y rencontrer Vladimir Poutine, Joseph Biden s'est entretenu, le 15 juin, avec les dirigeants européens à Bruxelles, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Charles Michel, président du Conseil européen. Photo: Dursun Aydemir/AFP


C’est le grand retour de la diplomatie en présentiel. Même au prix d’un certain stress logistique et sécuritaire, le sommet entre les présidents Joseph Biden et Vladimir Poutine ce mercredi est une excellente nouvelle pour la Suisse et la Genève internationale: les contacts directs en terrain neutre n’ont pas perdu de leur attractivité.

Comme pour toute rencontre de haut niveau, l’opération met en exergue le rôle joué par les interprètes pour assurer la meilleure fluidité possible dans les discussions. Plusieurs collaborateurs et collaboratrices de la Faculté de traduction et d’interprétation (FTI) participent à ce titre à l’événement.

«Comme le veut le protocole diplomatique standard, les dirigeants voyagent avec leurs propres interprètes, dans le cas présent il s’agit de personnes travaillant pour la Maison Blanche ou le Kremlin», explique le professeur Kilian Seeber, vice-doyen de la FTI. Les interprètes de l’UNIGE interviennent plutôt au niveau des délégations ou pour les besoins de la Radio Télévision suisse (RTS).

Dans certains cas, leur mission est directement intégrée au protocole de sécurité et tenue secrète jusqu’à la dernière minute. La même incertitude prévaut pour celles et ceux qui officient pour les médias. Une interview exclusive organisée à la volée peut les envoyer au front. «La plupart sont actuellement en mode veille», résume le vice-doyen.

C’est le cas de Dominique Leveillé qui opère pour la RTS pour couvrir les besoins d’interprétation simultanée du russe au français: déclarations, conférences de presse ou interviews. «Je vais être deux jours en stand-by dans les studios du quai Ernest-Ansermet, explique l’interprète. Nous devons composer avec cette part d’imprévisible. Il peut y avoir de longues heures d'attente sans que rien ne se passe, et ensuite beaucoup de tension pour une très brève intervention.»

 

Garder son sang-froid

Réussir à déjouer le côté périlleux de l’opération exige un important effort de préparation en amont. Il s’agit de collecter le plus possible d’informations sur le contexte, les déclarations récentes et les attentes des deux parties, ainsi que sur le contenu supposé des entretiens afin d’établir une «cartographie mentale des enjeux», même si les deux parties veillent généralement à ne pas trop divulguer leurs intentions à l’avance. Les interprètes cherchent également à prévoir les noms de personnes, de lieux ou de traités qui pourraient être cités, sans oublier les aspects plus linguistiques et anecdotiques, les petites phrases et les tournures propres à chaque chef d’État souvent citées dans les médias. Cela étant, la gestion de l’imprévu est l’une des données inhérentes à l’exercice.

Comment gérer le stress lié à l’importance de l’événement? La pression psychologique est davantage due au battage médiatique qu'à la difficulté du travail proprement dit, estime un autre collaborateur de la FTI engagé pour ce sommet: «il faut garder son sang-froid, même quand de très nombreuses personnes vous écoutent. Heureusement, l'expérience donne le calme nécessaire pour se concentrer sur l'acte d'interprétation plus que sur ce qui l'entoure.»

 

Parler et écouter en même temps

L’exercice n’en est pas moins exigeant du point de vue cognitif. «Le fait d’écouter et de parler en même temps n’est pas sans conséquence sur le cerveau», relève à ce propos Kilian Seeber dans un article publié récemment par l’Association internationales des interprètes de conférence. Outre la connaissance du contexte, les interprètes doivent exercer la capacité qu’ils ont acquise sur les bancs de l’Université pour constamment parler par-dessus la voix qu’ils cherchent à écouter et garder des informations auditives activées pour un traitement ultérieur. Un défi de taille mais qui fait partie de la beauté de leur métier.

 

Vie de l'UNIGE