8 mars 2022 - Jacques Erard

 

Vie de l'UNIGE

L’UNIGE adopte de nouvelles mesures en faveur de l’open access

Le libre accès aux publications scientifiques est l’un des éléments clés de la stratégie de l’Université pour promouvoir une science ouverte. Afin d’encourager les chercheurs et chercheuses à privilégier ce mode de publication, l’UNIGE améliore ses dispositifs en la matière.

 

 

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Le 24 janvier dernier, le Rectorat a adopté deux mesures en faveur du libre accès aux publications scientifiques. Grâce au soutien financier de swissuniversities, le Fonds d’aide à la publication en open access créé en 2018 sous forme pilote a été étendu et ses critères d’éligibilité élargis. L’UNIGE a par ailleurs publié une nouvelle politique Open Access. Ces initiatives font écho à la Charte pour la science ouverte publiée en décembre 2020 et viennent compléter les dispositifs mis en place ces dernières années pour faciliter le partage des données de la recherche.

L’open access représente un enjeu économique important pour les institutions académiques. Lorsque les articles scientifiques sont publiés auprès d’éditeurs propriétaires, les universités sont en effet contraintes de payer pour y avoir accès, alors même qu’elles ont financé ces travaux. Ce fonctionnement pour le moins particulier a incité swissuniversities à négocier, ces dernières années, plusieurs accords de licence avec des éditeurs afin de permettre aux chercheurs/euses de publier leurs travaux en libre accès en plus de l’accès aux revues scientifiques. L’open access participe par ailleurs à une conception ouverte de la science, bénéfique à la fois à la qualité des résultats et aux intérêts du public. La stratégie nationale en la matière vise à ce que la totalité des publications scientifiques suisses financées par des fonds publics soit en libre accès en 2024. Les explications du vice-recteur, Antoine Geissbuhler.

 

Le Journal: Pourquoi ces deux mesures alors que l’Université s’est engagée depuis un certain temps déjà en faveur de l’open access?
Antoine Geissbuhler: Nous nous trouvons dans une phase de transition et de bras de fer avec les éditeurs qui va certainement durer encore quelques années. Il est donc nécessaire d’appuyer par des mesures concrètes la politique qui s’est dessinée à l’échelle nationale. Celle-ci vise à inciter les éditeurs à jouer le jeu de l’open access.

Comment?
En rendant plus difficile la publication en mode propriétaire. C’est le prix à payer pour faire avancer la cause, même s’il est clair que cela ne plaît pas à tout le monde. Dans de nombreux domaines, la réputation scientifique dépend encore trop du fait d’être publié-e dans des journaux prestigieux qui font payer l’accès à leurs articles. Les universités ont une part de responsabilité dans cette situation dans la mesure où les processus de promotion des carrières académiques reposent en grande partie sur le prestige associé à ces éditeurs. Nous devons donc mettre en place des critères d’évaluation des curriculum vitae qui favorisent la publication en open access ainsi que la mise à disposition des données de la recherche auprès des autres scientifiques et du public. Nous avons commencé à mettre en place cette nouvelle approche, notamment à la Faculté de médecine, et cela intéresse d’autres facultés.  

Les éditeurs ne jouent-ils cependant pas un rôle important pour sélectionner les meilleurs travaux d’un point de vue scientifique?
Cela ne fait aucun doute, mais ce travail de sélection peut tout aussi bien être réalisé par des revues en open access. La vérification par les pairs, communément appelée «peer review», est de toute façon prise en charge par d’autres scientifiques qui effectuent cette tâche bénévolement. Ils et elles sont certes mobilisé-es par les éditeurs, mais est-ce que cela justifie de devoir ensuite payer pour accéder au contenu des articles? La publication open access doit reposer sur des modèles économiques alternatifs.

Lesquels?
On peut faire payer les chercheurs/euses afin de couvrir les frais liés au travail d’édition. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Université a mis en place le Fonds d’aide à la publication, qui permet de dédommager les auteur-es. Mais il existe d’autres modèles où la publication comme l’accès sont gratuits. Ceux-ci supposent de nouveaux mécanismes de financement susceptibles de prendre en charge l’ensemble du circuit: la vérification par les pairs, la publication et la diffusion. Les organismes de soutien à la science, souvent alimentés en partie par des fonds publics, sont intéressés par des mécanismes de ce type qui favorisent la diffusion des résultats de la recherche. Ce modèle est déjà appliqué dans certains domaines, notamment en physique. Et il en existe d’autres, comme le crowdfunding pratiqué par Wikipédia. L’UNIGE propose en outre depuis quelques années la plateforme Open Access Publications, une infrastructure qui permet à des personnes que cela intéresse de diffuser un journal open access à moindre coût.

Ne court-on pas le risque de créer un environnement où chaque communauté de chercheurs/euses crée sa publication en vase clos, avec pour résultat une perte de la notoriété attachée à l’éditeur?
Le critère le plus couramment utilisé pour mesurer la réputation d’une étude est son facteur d’impact dans les autres publications scientifiques. Avec les moyens électroniques dont nous disposons, il est relativement facile de mesurer le nombre de citations de chaque article, indépendamment du journal dans lequel il est publié. Dans leur pratique quotidienne, les scientifiques consultent d’ailleurs de moins en moins de journaux et privilégient des bases de références où elles et ils trouvent les articles qui les intéressent. On assiste par conséquent à un déplacement de la notoriété du journal vers l’article. Cela dit, il existe effectivement un risque de fragmentation, comme on l’observe sur internet, avec les créations de silos de pensée. Le meilleur moyen d’éviter cet écueil est de veiller à la qualité des processus éditoriaux. L’idée de science ouverte est précisément basée sur l’accessibilité des données. Plus une étude scientifique peut être consultée par un grand nombre de personnes, plus on se prémunit contre les erreurs et la fraude. La crise sanitaire a donné un coup d’accélérateur à ces processus. Des études sur le virus ont très vite été lancées mais aucune équipe de chercheurs/euses n'avait à elle seule assez de données. Ils et elles ont donc dû se résoudre à partager leurs données, ce qui a contribué à la mise au point de traitements efficaces dans un temps record. 

Le libre accès favorise donc aussi la qualité de la science?
Indéniablement. On observe un phénomène similaire dans le domaine informatique. Les logiciels dont le code est en libre accès s’améliorent constamment. Cacher ses données parce qu’on a peur que d’autres nous les volent constitue un frein à l’innovation. L’argent public investi dans la science doit conduire à un vrai progrès scientifique et non pas à financer des publications dans des journaux prédateurs dans le seul but d’améliorer son curriculum vitae.

 

 

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